Le Gulf-Stream : bénédiction aujourd’hui, danger demain ?

par JPCiron
vendredi 1er septembre 2023

Ce courant marin adoucit le climat de l'Europe, qui serait beaucoup plus froid sinon. Et, depuis bien des années, plusieurs études (dont celles de la Revue Scientifique ''Nature'') indiquent que le Gulf Stream s'affaiblit, inexorablement...

Source : Article NHU.bzh (1) - « Le Gulf Stream change et la Bretagne en dépend directement. »

 

Quelques définitions utiles de termes utilisés en toutes langues :

Gulf Stream – En Français : Courant du Golfe - https://fr.wikipedia.org/wiki/Gulf_Stream

SST (Sea Surface Temperature) (Température de surface de l'océan)

AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation) (Circulation méridionale de retournement de l'Atlantique). « C'est le système de circulation des courants océaniques de l’Atlantique nord. Celui-là même qui arrose en permanence la Bretagne. Il s’agit d’une boucle de circulation des eaux, encore appelée boucle thermohaline, qui brasse les eaux froides venant du nord avec celles plus chaudes, venant du Golfe du Mexique après avoir longées la côte est américaine avant de traverser l’Atlantique nord pour venir vers nous. » (1)

NADW (North Atlantic Deep Water) (Eaux profondes de l'Atlantique Nord)

 

Je propose de regarder cela d'un peu plus près.

Voici le plan de l'Article :

 

> La Bretagne, première victime du Gulf Stream en France ?

> Le Gulf Stream : comment fonctionne-t-il ?

> Le Gulf Stream : un des bras d'un système mondial.

> Les dérèglements planétaires (AMOC) du pléistocène.

> Brusque changement (AMOC) il y a 20.000 ans (dernière glaciation)

> Un Point Froid problématique en Atlantique Nord (aujourd'hui)

> AMOC de nos jours : prêt à nouveau à faire des siennes ?

> Un coup d'oeil d'extraterrestre sur nos préoccupations.

 

 

Ange de la Tendresse – Calvaire monumental de Tronoën

Finistère - France (photo JPCiron)

 

 

> La Bretagne, première victime du Gulf Stream en France ?

«  Les courants océaniques s’organisent comme une sorte de tapis roulant sans fin qui transporte, sans jamais d’arrêter, les sources de notre vie. Dont en particulier des nutriments et l’indispensable oxygène. Mais également de la chaleur et du carbone. C’est ce fragile équilibre, en particulier du Gulf Stream, qui serait perturbé, selon les scientifiques  » (1)

Or, c'est ce courant majeur qui donne à la Bretagne son climat si particulier et unique. Et c'est cette influence océanique, qui a façonné son environnement, sa Nature, ses agricultures et ses ressources maritimes. Et aussi grandement son Histoire. https://www.nhu.bzh/cultures-bretonnes/histoire-bretagne/

 

Schéma de circulation du Gulf Stream.

Source : https://rapid.ac.uk/background.php

"Data from the RAPID AMOC monitoring project is funded by the Natural Environment Research Council and are freely available from www.rapid.ac.uk/rapidmoc."

 

 

> Le Gulf Stream : comment fonctionne-t-il ?

Le Gulf Stream, c'est donc ce courant d'eau chaude de surface venant des côtes Est de l'Amérique du Nord, qui vient réchauffer les eaux des côtes d'Europe du Nord (dont la Bretagne).

 

Le mécanisme semble schématiquement simple :

> L'eau chaude est plus légère que l'eau froide : elle ''flotte'' en surface.

> Les eaux de surface se déplacent du fait d'une combinaison complexe de facteurs, principalement dus aux vents dominants Est >> Ouest sur l'Atlantique Nord.

> La chaleur du courant d'eau chaude se dissipe pendant la traversée de l'Océan Atlantique >> son eau se refroidit.

> L'eau froide est plus lourde que l'eau chaude, et le courant finit par plonger sous l'eau ''tiède'' : il suit alors un chemin à peu près inverse, au fond.

 

 

 

Circulation Thermohaline

https://wikimonde.com/article/Circulation_thermohaline

GNU Free Doc. License V1.2+

 

> Le Gulf Stream : un des bras d'un système mondial.

Le Gulf Stream est le courant qui ''arrose'' l'Ouest de l'Europe du Nord, dont la Bretagne fait ''figure de proue''.

Mais le Gulf Stream n'est qu'un des bras d'un système qui circule sur toute la planète. Ce qui se passe très loin de chez nous a en fin ce compte un impact ''direct'' sur la Bretagne, quoique décalé dans le temps.

La petite vidéo jointe l'explique simplement :

https://www.pbslearningmedia.org/resource/ess05.sci.ess.watcyc.gulfstream/what-causes-the-gulf-stream/

 

Mais, ce ''système'' planétaire ne fonctionne pas comme une horloge suisse... C'est ce que l'on va maintenant explorer brièvement sur deux exemples (l'un au pléistocène et l'autre il y a 20.000 ans) et sur un ''point froid'' problématique.

 

 

> Les dérèglement planétaires (AMOC) du pléistocène.

Pour mieux comprendre le présent, les chercheurs se sont tournés sur l'étude du passé. Ainsi, la paléocéanographie étudie les océans d'autrefois : aspects géologiques et sédiments (+biologie & températures induites).

Le résultat de ces études au long cours suggère que ''la géométrie et la vigueur'' de l'AMOC ont grandement influencé le climat mondial dans le passé.

 

Un Article de la Revue Scientifique NATURE de janvier 2021 (2) intitulé « Les icebergs de l'Antarctique réorganisent la circulation océaniques lors des glaciations du Pléistocène » est plus spécifique. Il s'agit d'une époque d'il y a environ 1,5 millions d'années.

Les chercheurs ont étudié, durant les glaciations du pléistocène, les épisodes durant lesquels la fonte des icebergs de l'hémisphère sud s'est déplacée vers le nord. Et ils ont montré que ces épisodes ont régulièrement précédé d'une paire de millénaires les changements importants de la circulation des eaux profondes.

Ces changements dans l' Océan Austral ont grandement modifié les mouvements de l'eau douce (qui ''flotte'' sur l'eau salée) dans l'hémisphère sud. L'ampleur du phénomène faisant connexion avec la circulation en Atlantique Nord (NADW) et induisant d'importants changements de la boucle thermohaline en Atlantique Nord.

 

 

Dernière Période Glaciaire

https://wikimonde.com/article/Derni%C3%A8re_p%C3%A9riode_glaciaire

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Weichsel-W%C3%BCrm-Glaciation.png

Author : Ulamm – GNU Free Doc. License V1.2 +

 

 

> Brusque changement (AMOC) il y a 20.000 ans (dernière glaciation)

La dernière période glaciaire, en Europe, c'était ''hier'' en termes de temps géologiques. Elle a commencé il y a 115.000 ans, avec un ''pic'' maximum il y a 20.000 ans, pour se terminer voici environ 12.000 ans.

C'est-à-dire que la glaciation s'est arrêtée ''brusquement'' et que l'énorme stock de glace a fondu en seulement 8000 ans !

 

En pratique, 'on' a ainsi vu le niveau de la mer s'abaisser progressivement à -60 mètres (il y a 70.000 ans) jusqu'à -120 mètres (voici 20.000 ans), pour remonter à toute vitesse et rejoindre un niveau près du niveau actuel voici 12.000 ans.

 

Il y eut donc un basculement climatique brutal (quelques dizaines d'années), confirmé par les carottes de glace ou de sédiments. Les causes :

On évoque surtout une rupture dans la circulation thermohaline il y a 20.000 ans.

Mais l'action conjuguée des hydrates de méthane du pergélisol et des fonds marins pourrait avoir participé. Le méthane CH4 aurait un effet de réchauffement 80 fois supérieur à celui du CO2... (Le CH4, il faudrait aussi s'en occuper...)

 

 

> Un Point Froid problématique en Atlantique Nord (aujourd'hui)

Ce basculement brutal a continué à réchauffer l'Europe durant des milliers d'années. La crainte des scientifiques est que l'on pourrait arriver à son terme.

Pour que cela arrive, un basculement quelque part le long de l' AMOC serait nécessaire. C'est pourquoi les chercheurs étudient particulièrement le ''Point Froid'' en Nord-Atlantique, où les températures de surface de la mer sont plus froides. :

 

« Cold BLOB » / Point froid -

https://en.wikipedia.org/wiki/Cold_blob

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:16-008-NASA-2015RecordWarmGlobalYearSince1880-20160120.png

Author : NASA Source : NASA - Public Domain -

 

 

Parallèlement, les travaux du Prof. Stefan Rahmstorf indiquent que  Le Gulf Stream est de plus en plus perturbé. Il mentionne aussi le ''point froid.""

 

 

Ce « North Atlantic warming hole » (trou de réchauffement de l'Atlantique Nord) est considéré comme une anomalie, sans doute imputable aux eaux douces de fonte des glaces du Groenland. Cet afflux d'eau de surface pourrait bloquer le 'flux de retour en profondeur, et dévier le cours du Gulf Stream en le renvoyant en surface vers le sud. La baisse correspondante du flux ''chaud'' reçu dans le nord de l'Atlantique pourrait affecter gravement le climat Européen. La Bretagne se trouvant aux premières loges.

 

 

La perturbation mentionnée plus haut aurait déjà commencé à réduire la température moyenne de surface en Atlantique Nord :

AMOC index / SST – Température de surface

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Amoc-index.svg

Author : DeWikiMan – GNU Free Doc. License

 

Cette étude des températures de surface sur une longue période est issu des travaux de l'équipe dirigée par Stefan Rahmstorf :

https://climate.fas.harvard.edu/files/climate/files/rahmstorf_et_al_2015.pdf

 

 

 

> AMOC de nos jours : prêt à nouveau à faire des siennes ?

Les mesures directes récentes, par satellite, indiquent une accélération de la baisse de température moyenne en Atlantique Nord, liée à un flux accéléré d'eau douce du Groenland.

 

Les résultats d'une nouvelle étude de de la Revue Scientifique NATURE vient de sortir, le 25 juillet 2023. Etude intitulée « Avertissement concernant l'effondrement prochain de la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique » (3)

 

Les calculs de leurs équipes ont cherché à évaluer la probabilité de la date à laquelle la courbe de S. Rahmstorf ci-dessus atteindrait un point de ''rupture''.

Ce point, selon les hypothèses et probabilités, se trouverait entre les années 2025 et 2095, avec un 'pic' de probabilité vers 2045. On voit cela sur le graphique ''f'', vers la moitié de l'Article de Nature du lien ci-dessous :

https://www.nature.com/articles/s41467-023-39810-w

 

Bien sûr, il s'agit de calculs basés sur des observations enrichies d'hypothèses et d'extrapolations. Rien n'est sûr à 100%. Mais la tendance est là.

 

 

> Un coup d'oeil d'extraterrestre sur nos préoccupations.

Les humains ordinaires que nous sommes tous aiment bien les certitudes. Celles révélées étant mieux acceptées que celles calculées.

 

Néanmoins, si on fait l'effort de s'extraire (mentalement) du quotidien, il vient clairement à l'esprit qu'il convient de nous comporter en gestionnaire de famille, et de choisir le chemin de la prudence , au moins pour le bénéfice des générations futures.

«  Ou bien, cette facture-là, comme tant d'autres, nous la laisserons aussi à nos Petits-Enfants et à leurs Enfants ? » (1)

 

La température des courants marins provient d'une multitude de facteurs : on commence seulement à en comprendre les ressorts. Et la température des courants marins sont un des éléments importants de la température moyenne à la surface de la terre. 

Cette température planétaire moyenne fait que nous sommes sur la seule planète du système solaire qui soit ''vivable'' en termes de température.

Et inutile de penser aller ''coloniser'' d'autres planètes : c'est une idée qui est là pour nous faire rêver... et, même si c'était faisable, il n'y aurait qu'une poignée de milliardaires qui puissent se payer le ticket...

En outre, quel sens y aurait-il à aller mettre le souk sur une autre planète, alors que l'on est infoutu de mettre de l'ordre dans nos affaires sur Terre ?.

 

Température moyenne de surface des planètes

X - Tweeter

https://twitter.com/UNEP/status/1667577370285584386

 

Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune sont des planètes gazeuses.

Mercure et Vénus sont brûlantes. Mars est toute petite et gelée.

Bref, il n'y a que la Terre qui soit à +15° de température moyenne. C'est la seule qui soit 'encore' vivable. Autant essayer de comprendre ce que l'on peut faire pour ralentir un réchauffement ou un refroidissement excessif. L'un et l'autre peuvent être mortels.

 

C'est pourquoi, essayer de mieux comprendre le fonctionnement de notre bon vieux Gulf-Stream est certainement une des choses utiles. Et d'essayer de comprendre si on a des cartes à jouer dans ces systèmes aussi. Au moins pour ne pas mourir ignorants.

 

Car, de toutes manières, dans le temps long, l'extinction du vivant sur Terre est inéluctable :

 https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/etonnant/article/l-ineluctable-extinction-du-vivant-208703

 

Ce n'est pas une raison pour baisser les bras aujourd'hui au détriment de ceux de demain. Et puis, pour beaucoup, il y a la bouée Providence...

 

 

JPCiron

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Note : je ne m'oppose pas à ce que mes articles soient republiés (totalement ou partiellement) (traduits ou non), pour peu que soit rappelée l'adresse Web de l'Article concerné (sauf utilisation commerciale).

°°°°°°°°°°°°° NOTES °°°°°°°°°°°°

 

.. (1) - Article de Rémy PENNEG / NHU.bzh « Le Gulf Stream change et la Bretagne en dépend directement. » Août 2023

https://www.nhu.bzh/gulf-stream-bretagne/

 

.. (2) - Article NATURE du 13 jan 2021 « Les icebergs de l'Antarctique réorganisent la circulation océaniques lors des glaciations du Pléistocène » (il y a 1,5 millions d'années) - https://www.nature.com/articles/s41586-020-03094-7

Starr, A., Hall, I.R., Barker, S. et al. Antarctic icebergs reorganize ocean circulation during Pleistocene glacials. Nature 589, 236–241 (2021). https://doi.org/10.1038/s41586-020-03094-7

 

.. (3) – Article NATURE du 25 juillet 2023 « « Avertissement concernant l'effondrement prochain de la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique »

Ditlevsen, P., Ditlevsen, S. Warning of a forthcoming collapse of the Atlantic meridional overturning circulation. Nat Commun 14, 4254 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-39810-w

 

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