La foi en Dieu et la démythologisation selon Bultmann

par Robin Guilloux
lundi 14 novembre 2022

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André Malet explique qu'il y a un conflit entre l'image mythologique du monde qui est celle de la Bible et l'image du monde formée par la pensée scientifique.

Nous vivons dans un monde façonné par la science et par la technique, un monde très différent de celui de la Bible. En tant que "sujets de la science", comme dit Jacques Lacan, il nous est difficile de prendre au pied de la lettre, des "vérités" qui ne sont pas attestées par le science, comme les miracles par exemple.

La science de l'interprétation, "l'herméneutique" du grec hermeneutikè, art d'interpréter. L'herméneutique est la théorie de la lecture, de l'explication et de l'interprétation des textes, en particulier des textes sacrés. L'herméneutique critique du sens et du contexte historique est apparue avec Spinoza au XVIIème et a été illustrée par Bayle au XVIIIème, Renan, Loisy au XIXème siècle, ainsi que Schleiermacher, pour ne citer que quelques noms.

Mais l'interprétation orale de la Torah existe depuis la nuit des temps dans les Yeshivas (écoles juives) et dans la tradition rabbinique, le plus célèbre d'entre eux étant Rachi de Troyes. Pour la Torah orale, il n'existe pas moins de cinq niveaux de sens.

L'interprétation des symboles religieux et des mythes s'appelle l'herméneutique sacrée, ou herméneutique biblique lorsqu'elle se limite à la Bible, c'est-à-dire aux textes du judaïsme et du christianisme.

Pour le théologien Xavier Tilliette, "la Bible est un ouvrage complexe et même scellé. Le Livre des livres est un livre de livres. Il est donc susceptible d'interprétation, il ne va pas sans une herméneutique. Il n'y a pas d'acheminement direct à la Bible, il faut toujours une médiation au moins implicite".

Autrement dit le sens "littéral" du texte n'est pas le seul sens possible. Il y a plusieurs lectures d'un même texte. D'autre part, il s'agit de resituer le texte dans son contexte, d'en faire un "document" historique comme un autre, susceptible du même "traitement" critique que n'importe quel autre texte, ce qui ne va pas sans poser de problèmes pour la foi.

La "démythologisation" est une exigence de la science, ce qui se comprend. Mais André Malet ajoute que c'est également, une exigence de la foi elle-même. La science "démythologise" la foi, mais la foi doit se démythologiser elle-même, si elle veut rester une foi authentique et non une forme de superstition.

La démythologisation est une forme d'exégèse qui décrit les phénomènes miraculeux des textes sacrés comme la Bible, les Evangiles, comme relevant de la mythologie et cherche à les distinguer de la réalité factuelle, historique.

Cette méthode n'entend pas abolir les éléments surnaturels, dans une optique athée, mais les interpréter. Le principal représentant du courant herméneutique est le théologien et philosophe Rudolf Bultmann (1884-1976). C'est lui qui a forgé le terme allemand de démythologisation (Entmythologisierung).

"La foi, pour André Malet, commentant Rudolf Bultmann exige d'être libérée de la liaison à toute image du monde projetée par la pensée objectivante, qu'il s'agisse de la pensée du mythe ou de la pensée de la science."

La pensée religieuse a besoin de se purifier, de se libérer de sa liaison à l'image projetée par la pensée objectivante, mais la science elle-même doit se libérer de cette liaison. C'est pourquoi la science dans son développement actuel (la physique quantique) n'est pas "au-dessus" de la foi et ne peut, en tout état de cause, servir de modèle à la foi. Comme l'a montré Gaston Bachelard la science a besoin de se purifier des sortilèges de l'imagination.

En ce qui concerne la pensée scientifique, pensons à la représentation de l'atome dans la théorie de Niels Bohr, aujourd'hui abandonnée, à l'image du modèle planétaire. Nous sommes incapables de nous représenter le réel dans toute sa complexité. C'est pourquoi nous sommes obligés d'avoir recours à des images.

La pensée religieuse exige, elle aussi, d'être libérée de la liaison à toute image du monde projetée par la pensée objectivante, en particulier de tout ce qui, en elle, relève de la mythologie.

La foi n'a pas trouvé sa forme d'expression appropriée, elle n'a pas pris conscience de son caractère inconstatable. Beaucoup d'éléments en elle relèvent de la mythologie.

Par exemple le fait de représenter les "personnes" de la Trinité comme des êtres humains et le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe, comme on peut le voir dans telle église en Bretagne.

La pensée humaine a besoin de se représenter ce qu'elle croit, de transformer la foi en savoir ; elle est obligée d'avoir recours à l'imagination car elle ne peut pas faire autrement, Dieu étant irreprésentable, mais elle ne doit pas tenir les produits de son imagination pour la réalité divine elle-même.

Elle est tenue d'opérer des distinctions entre le signifiant, ce qu'elle nomme "Dieu", la manière dont elle se représente Dieu et le signifié qui déborde infiniment le signifiant, qui est irreprésentable, absolument transcendant, caché, inconstatable. La foi doit comprendre que l'image qu'elle se fait de Dieu ne correspondra jamais pas à ce qu'est Dieu dans son être.

La foi a tendance à considérer Dieu comme un phénomène du monde, un objet. L'imagination réduit la transcendance absolue de Dieu à une image familière.

Selon André Malet, le croyant méconnait le "Dennoch", le "pourtant" de Dieu. Dieu n'existe pas à la manière des objets du monde sensible. Nous avons tendance à faire comme si nous pouvions voir Dieu, toucher Dieu, nous oublions son "Dennoch", en allemand : son "néanmoins", son "pourtant", son "malgré tout".

C'est pourquoi la critique rend un grand service à la foi et à la prédication en la rappelant à une réflexion radicale sur son essence véritable. La foi diffère de la mythologie. Elle doit faire la part de la légende, de l'imagination ; elle doit chercher le sens caché, symbolique.

Le miracle, action de Dieu dans la sphère du mondain objective Dieu et méconnaît le caractère caché de l'action divine. On peut croire que le miracle est possible, mais on doit penser qu'il est rare. Le miracle n'est pas une "preuve" de l'existence objective de Dieu, mais un signe (en hébreu "oth").

La critique rend à la foi un grand service quand elle s'élève contre l'image mythologique du monde. La foi n'est pas libérée du paganisme, de la mythologie, elle est encore mêlée d'éléments païens ; elle n'est pas authentiquement chrétienne. 

La mythologie est un ensemble de mythes, de récits liés à une civilisation, une religion ou un thème particulier. La mythologie gréco-romaine, par exemple évoque des dieux et des demi-dieux qui accomplissent des exploits et parfois des méfaits.

Le mythe raconte "ce qui fut à l'origine", par exemple le mythe de Romulus et Rémus raconte la fondation de Rome. Le mythe n'est pas attesté historiquement, bien que l'on puisse parfois en retrouver des traces dans l'histoire.

Mais le coïncidence entre événement historique et interprétation mythologique reste conjecturale. Les événements racontés dans la Bible sont plus que de simples "événements". Ils ne sont pas attestés dans l'histoire : Adam et Eve, l'arche de Noé, le passage de la Mer Rouge, les murailles de Jéricho... ne doivent pas être pris au pied de la lettre et considérés comme des "événements" attestés qui se sont réellement produits, mais comme des symboles qui attendent d'être interprétés.

Mais ce n'est pas parce qu'ils sont "seulement" symboliques, qu'ils ne sont pas attestés historiquement, qu'ils ont moins de réalité spirituelle, bien au contraire. L'hostilité de Caïn envers Abel, le meurtre du frère ne s'est pas produit un jour, il se reproduit tous les jours, "depuis la fondation du monde", dans les guerres auxquelles se livrent les hommes. La Bible nous dit et nous montre que la violence entre frères est le fondement des sociétés humaines.

Bultmann ne veut pas nous empêcher de croire aux miracles, mais il nous met en garde contre la tentation de faire des miracles le support de la foi. Le miracle est un événement exceptionnel. Jésus n'a pas guéri tous les malades. Le mot "miracle" correspond au mot hébreu "oth" qui ne signifie pas événement surnaturel, extraordinaire et encore moins "preuve", mais "signe". Comme le dit Carl Jaspers, il n'y a pas de "preuves" de l'existence de Dieu, mais seulement des "signes". Avoir la foi, une foi authentique, ce n'est pas croire aux miracles, mais ne pas avoir besoin de miracles pour croire.

La conception que Bultmann et d'André Malet se font de la religion est particulièrement exigeante. Dieu est invisible et il faut donc exclure tout ce qui chercherait à le rendre visible, à le réduire à un concept, à se saisir de lui (Begrifflichkeit vient de begriffen qui signifie saisir, "a begriff" signifie une idée, un concept).

La pensée objectivante cherche à rendre visible Dieu et son action, par exemple en affirmant de façon dogmatique, comme le fait Hegel, l'idée que Dieu, l'Esprit absolu est le maître de l'histoire.

Dieu se dérobe à la pensée objectivante. Selon la distinction d'Emmanuel Kant, on ne peut pas prouver l'existence de Dieu car Dieu n'est pas un phénomène du monde, un "étant suprême". On peut seulement "croire en Dieu" ("Jai borné le savoir pour laisser une place à la foi", dit Kant). Croire en Dieu signifie pour Bultmann, croire non à la manière de Saint Thomas, parce que l'on a vu et touché, mais contre toute apparence ("Parce que tu m'as vu, tu as cru. Bienheureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru." Jean, 20 : 29)

La théologie de Bultmann est une théologie apophatique ou négative. La théologie apophatique est une approche de Dieu fondé sur la négation. Elle dérive de la théologie négative et insiste davantage sur ce que Dieu n'est pas plutôt que sur ce qu'il est. Elle est à l'opposé de la théologie cataphatique ou positive.

De même, le pécheur croit qu'il sera justifié non pas parce qu'il en a reçu l'assurance, mais contre la conscience qui l'accuse et qui ne lui donne aucune assurance.

André Malet fait ici allusion à la doctrine de Luther de la justification par la foi par opposition à la justification par les œuvres et sur l'opposition paulinienne de la loi et de la foi. Selon lui, la démythologisation radicale opérée par Bultmann, correspond à la justification par la foi et non par les œuvres. Aucune bonne action ne peut nous assurer du salut. La justification par la foi, et non par l'obéissance à la loi, détruit toute exigence de sécurité fondée sur les bonnes actions ou la connaissance objective.

Nous ne savons pas si nous serons sauvés, nous n'en avons pas la connaissance objective, la certitude. La condition du croyant n'est pas la certitude, mais, comme le souligne Kierkegaard, l'angoisse et le doute.

Le concept d'angoisse que l'on retrouve chez Heidegger a une provenance théologique ; il est lié chez Heidegger à la "préoccupation" ou de "souci" (Sorge). Du souci pour le salut que l'on trouve chez Calvin avec la notion de "prédestination" et de la justification par la foi ou par les œuvres chez Luther, il a dérivé vers le souci du Dasein (l'être là, "le là de l'être") pour la mort chez Heidegger.

"L'homme qui veut croire en Dieu comme en son Dieu doit savoir qu'il n'a rien en main à partir de quoi il pourrait croire, qu'il est pour ainsi dire en l'air et qu'il ne peut exiger aucune légitimation de la vérité de la Parole qui l'interpelle" : L'homme qui veut croire en Dieu comme en son Dieu et pas seulement comme au Dieu d'une Eglise doit savoir qu'il ne dispose pas de preuves de ce en quoi il croit.

Le Credo du concile de Nicée-Constantinople est professé publiquement par l'assemblée des fidèles de l'Eglise catholique. Encore faut-il que le chrétien le fasse authentiquement sien. Mais il lui faut savoir qu'il ne dispose d'aucune preuve, d'aucune justification rationnelle, objective des vérités qu'il professe, par exemple la croyance en la Trinité, Père, Fils et Esprit-Saint.

Il doit chercher à comprendre ce qu'il croit et à en vivre, comme l'a fait sainte Elisabeth de la Trinité, et non adhérer aveuglément à un dogme.

"Le motif (la recherche de Dieu, la foi en Dieu) et l'objet de la foi (Dieu lui-même) sont identiques. Autrement dit, Dieu n'est pas un objet que l'intellect devrait essayer de saisir. Il n'y a pas l'intellect humain d'un côté et Dieu de l'autre, mais le croyant doit abandonner l'intellect, faire, comme dit Kierkegaard, le "saut de la foi", abandonner toute sécurité et entrer dans les ténèbres intérieures.

De nombreux mystiques ont fait cette expérience des "ténèbres intérieures", d'une certitude qui se dérobe et qui n'est pas l'incroyance, Thérèse d'Avila ou Saint Jean de La Croix parlent de la "nuit obscure de la foi", Sainte Thérèse de Lisieux a vécu pendant des années dans le doute. Elle expliquait à son confesseur qu'il y avait comme un mur entre Dieu et elle. 

Le monde dans lequel nous vivons est entièrement façonné par la rationalité, par la science et les techniques. Mais, nos contemporains ou du moins un certain nombre d'entre eux, croient aux miracles, lisent régulièrement leur horoscope, évitent de passer sous une échelle et pensent que les chats noirs portent malheur.

Pourtant, ils utilisent des objets modernes issus des progrès de la science et de la technique comme l'automobile et le téléphone et "ils se comportent comme si le monde était entièrement profane".

Un phénomène tel qu'une éclipse totale du soleil qui ne se produit qu'une ou deux fois par siècle et qui provoquait jadis une terreur sacrée est aujourd'hui parfaitement compris et admis comme un événement profane, naturel, parfaitement explicable par la science moderne (l'astronomie). "L'homme le plus inculte de notre temps" se rend parfaitement compte de la "libération" de la terreur sacrée que lui a apporté la science.

Si bien qu'une éclipse totale de soleil peut offrir des observations intéressantes à la fois à l'astronome et au sociologue ou à l'historien de la culture qui prendrait comme sujet d'étude le changement de perception des éclipses de soleil à travers les âges en comparant par exemple les réactions des hommes, par rapport à telle éclipse de soleil survenue au Moyen-Âge et à telle autre survenue de nos jours.

Les hommes de notre temps ont leurs propres superstitions, mais "leur action se moquent de leurs pensée", ils se comportent comme si le monde était entièrement profane, alors qu'ils ne le croient pas vraiment puisqu'ils conservent des restes de superstition, ils ne vivent pas complètement dans le monde moderne, le monde de la science. 

"Les croyants sérieux et cultivés" acceptent la science et la technique, justifiant cette attitude par l'affirmation que la science et la foi relèvent de deux ordres complètement différents : comme l'a montré Kant dans la Critique de la Raison pure, la foi ne relève pas du savoir, comme la science, mais d'un autre ordre. Je ne sais pas si Dieu existe, je ne peux pas en être certain parce que Dieu n'est pas un objet du monde sensible, un phénomène. Je peux seulement décider de croire en son existence.

Dans la deuxième partie du texte (à partir de "Mais s'ils repoussent le magie, le spiritisme et toutes les formes du miraculeux païen..."), André Malet, à la suite de Rudolf Bultmann, critique l'attitude ambiguë des croyants "sérieux et cultivés" qui, tout en repoussant toutes les formes du miraculeux païen, n'en admettent pas moins le miraculeux chrétien. Selon lui, la démythologisation à laquelle procède ces croyants ne va pas assez loin.

Elle se borne au cas les plus "choquants" comme l'idée que l'Eucharistie indignement reçue provoque effectivement la mort corporelle, ainsi que le dit Saint Paul dans la première épître aux Corinthiens ou que le Christ est effectivement "assis à la droite de Dieu", comme si le père et le Fils étaient deux "personnes", deux hommes qui seraient assis sur des trônes dans le ciel. Mais quel croyant moderne croit encore à ce genre de choses ?

Si l'on peut admettre la démythologisation de ce type de croyances, il est difficile d'étendre la démythologisation à l'ensemble des croyances, sauf à ruiner complètement le contenu de la foi, à savoir : la Trinité, la naissance virginale, l'historicité de la vie et de la mort de Jésus (la naissance, la prédication, le jugement, la crucifixion, la mort, la descente aux enfers, la résurrection, l'ascension, le Jugement dernier, le communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair, le vie éternelle).

Pourquoi serait-il impossible de se servir de la lumière électrique et de la radio, d'utiliser en cas de maladie les techniques médicales et cliniques modernes et en même temps de croire aux éléments surnaturels du Nouveau Testament ?

"La plus grande ruse du diable dans le monde moderne, a dit Baudelaire, est de faire croire qu'il n'existe pas".

"Croire au monde des esprits et des miracles du Nouveau Testament" est une expression vague qui peut désigner tout et n'importe quoi. Les Evangiles nous parlent des "miracles" de Jésus. Même si les miracles sont avant tout des signes de la vérité de sa prédication, ils n'en restent pas moins des miracles.

Bultmann serait naïf en affirmant que la croyance aux miracles est incompatible avec la lumière électrique, selon les critiques de la démythologisation radicale, tandis que les théologiens qui auraient une conception "supra-intramondaine" de Dieu chercheraient à se fuir eux-mêmes pour éviter de mettre en question leurs convictions les plus chères. 

S'il est vrai que la foi provient souvent d'un désir d'échapper à l'angoisse et correspond au besoin de sécurité qui est spécifique de l'homo religiosus, s'il est vrai que l'on a tendance à confondre l'incarnation du divin et son objectivation, cette angoisse et ce désir ne conduisent pas toujours à une conception erronée de la foi.

Par exemple, la conviction que le Christ est vraiment ressuscité (et de la résurrection des morts en général), que la résurrection du Christ n'est pas uniquement un symbole, la conviction que le corps du Christ est réellement présent sous les espèces du pain et du vin relèvement-elles de l'illusion réconfortante qui cherche à échapper à l'angoisse fondamentale de la mort, spécifique de l'homo religiosus ? 

Si tel était le cas, toute la foi serait une illusion - c'est d'ailleurs ce que dit Freud dans L'avenir d'une illusion - puisque la résurrection est le cœur de la foi : "Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine. (Paul, Corinthiens, 15 : 14)

Prenons le symbole populaire de la crèche de Noël. La crèche n'est pas vraiment attestée dans les Evangiles. Il est simplement dit dans Saint Luc : "ils le couchèrent dans une mangeoire". La crèche telle que nous la connaissons avec le bœuf et l'âne, les rois mages, l'étoile qui les guide, les anges qui chantent la naissance de Jésus et la gloire de Dieu, comporte des éléments "merveilleux" mais elle ne relève pas de la mythologie, elle n'est pas mêlée de violence sacrée.

C'est aussi un magnifique symbole de l'innocence de Dieu et du refus évangélique de la mythologie. La crèche est le symbole de l'incarnation d'un Dieu d'amour, ce n'est pas une objectivation du divin.

Si Dieu s'est réellement incarné, il existe un signe "intramondain", un miracle qui accompagne et authentifie cette incarnation, c'est le fait que l'épiphanie de Dieu est complètement indemne de violence sacrée.

Si bien que nous n'avons pas besoin de croire en ce Dieu "contre toute apparence", puisque l'apparence de Dieu, son épiphanie correspond exactement à ce qu'il est. Il n'y a aucun scandale, comme dans le religieux violent de la mythologie gréco-romaine par exemple. Comme l'explique René Girard, bien avant Bultmann et Heidegger, l'Evangile lui-même "déconstruit" la mythologie. 

La crèche, telle que nous la connaissons aujourd'hui, a été "inventée" par saint François d'Assise, treize siècles après la naissance de Jésus-Christ, mais elle est fondée sur une intuition géniale : La plupart des naissances mythologiques sont des naissances violentes, la mythologie gréco-romaine, en particulier regorge de meurtres, de rapts, de viols, de fratricides.

La naissance de Jésus dans la crèche est le contre-pied de la mythologie. Elle ne comporte aucune violence, elle est le signe que Dieu ne pactise pas avec le mal, avec la violence, qu'il refuse toute espèce de violence, c'est pourquoi on peut croire que cet homme totalement homme et totalement Dieu est véritablement la parole, le logos non violent de Dieu, la lumière du monde que les ténèbres ont rejeté : "Au commencement était la Parole et la parole était avec Dieu et la parole était Dieu. Toutes choses étaient faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes..." (Prologue de l'Evangile de saint Jean) :

"Gloire à Dieu dans le Ciel et paix sur la terre aux hommes qu'il aime !"


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