Allemagne : Merkel intervient dans les élections pour éviter l’escalade avec la Russie
par Patrice Bravo
vendredi 21 février 2025
Les élections au Bundestag du 23 février prochain inquiètent l’élite allemande et les membres pro-Ukraine de l’UE. L’AfD, qui obtient actuellement 20% des voix, largement devant le SPD et les Grünen, veut rétablir le transfert du gaz russe par Nord Stream, rétablir des relations avec Moscou et arrêter le soutien à l’Ukraine. Angela Merkel, l’ex-chancelière allemand, est sortie de son terrier pour s’opposer à l’idée du candidat de la CDU/CSU, Friedrich Merz de livrer des missiles Taurus à l’Ukraine, mais aussi pour dénoncer le discours de l’AfD qui veut se rapprocher de la Russie de Poutine et déporter les migrants.
À la question de savoir si Angela Merkel serait pour l’envoi des missiles allemands Taurus à Kiev, l’ex-chancelière répond lors d’un podium à Hambourg avec Die Zeit : « Je pense qu'il y a certainement des raisons [pour lesquelles l’Allemagne n’envoie pas le Taurus en Ukraine] et non seulement le chancelier Scholz l'a montré, mais aussi Joe Biden avec ses décisions très réfléchies [sur l’envoi de missiles]. Sur quelles armes sont fournies et lesquelles ne le sont pas, il est temps de réfléchir à la manière dont nous pouvons soutenir l'Ukraine de cette manière. Qu’elle reste un État souverain et démocratique ». Angela Merkel a, cependant, fait savoir son souhait de voir Moscou perdre : « Que la Russie ne gagnera pas ce conflit ».
Les électeurs allemands sont tentés de voter pour l’AfD. Des électeurs de la CDU/CSU risquent de basculer pour l’AFD en raison de la volonté du chancelier candidat, Friedrich Merz, d’autoriser l’envoi du missile Taurus à l’Ukraine et pour son refus d’accepter une coalition avec l’AfD, notamment sur la question des migrants. La ZDF rapporte en date du 7 février : « S’il y avait vraiment des élections fédérales dimanche prochain, le SPD serait à 15% (inchangé) et la CDU/CSU à nouveau à 30% (plus 1). Les Verts obtiendraient 15% (plus 1), le FDP 4% (inchangé), l’AfD 20% (moins 1) et le Parti de gauche 6% (plus 1). Le BSW s’établirait à 4 % (inchangé) et les autres partis recevraient un total de 6% (moins 2), y compris aucun parti qui obtiendrait au moins 3%. Parmi les coalitions politiquement probables, cela suffirait encore à la fois pour un gouvernement de l’Union et du SPD et pour un gouvernement de l’Union et des Verts ».
La tension au sein de la société allemande est visible. La crise économique sévère qui ébranle l’économie du pays avec la montée du chômage et le refus de la population, dans sa très large majorité, d’aller encore plus en profondeur dans le conflit contre la Russie avec l’Ukraine, risque de faire basculer le pouvoir du côté de l’AfD qui se présente comme le parti politique de la paix qui refuse de continuer d’aider l’Ukraine et qui refuse surtout d’envoyer les Taurus qui pourraient toucher directement Moscou. En outre, l’AfD propose de réactiver Nord Stream pour faire venir du gaz de la Russie afin d’éviter le crash économique final de l’économie allemande. L’AfD veut aussi en finir avec la tyrannie des voitures électriques et des éoliennes.
En ce qui concerne l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, Angela Merkel a réitéré à Hambourg son opposition : « En 2008, il n’était pas jugé opportun de parler de l’étape finale avant l’adhésion à l’OTAN ». Elle a aussi souligné que « nous avons tout fait pour soutenir l’Ukraine ». Elle a, également, rapporté que l’accord avec Nord Stream avait été accepté pour gagner du temps avec la Russie : « L’espoir était que nous parviendrions aux accords de Minsk et à la prise de contrôle progressive de l’Ukraine ».
Chose intéressante, même si l’ex-chancelière intervient maintenant dans les élections allemandes pour soutenir le refus d’Olaf Scholz d’envoyer les Taurus en Ukraine et dans le refus de voir l’AfD prendre du pouvoir politique, elle a révélé que dès 2021 Berlin et Washington se sont mis d’accord pour anéantir le projet Nord Stream si l’Ukraine ne pouvait plus gagner d’argent grâce au transit du gaz russe par son territoire : « J'ai toujours dit qu'en même temps, nous devions garder l'Ukraine comme pays de transit [pour le gaz russe] et c'était l'accord avec Joe Biden en 2021. « Si l'Ukraine n'était plus acceptée comme pays de transit [du gaz russe], [il était convenu que] nous prendrions également des mesures politiques contre Nord Stream 2 ». Elle a aussi avoué que les accords avaient déjà été trouvés avec Donald Trump, lors de son premier mandat, pour le transfert de gaz US vers l’Allemagne.
Dès le début Angela Merkel a fait le jeu des États-Unis contre la Russie et elle a organisé aussi le gain de temps nécessaire pour protéger l’Ukraine et pour l’armer. L’ex-chancelière, qui parle le russe, qui connaît la mentalité russe, a fait venir des millions de migrants en Allemagne en ouvrant les frontières sans en obtenir l’accord des autres membres de l’UE et elle a soutenu le camp de la guerre dans le dos de la Russie, alors que Moscou cherchait à trouver des accords par la voie diplomatique.
Pierre Duval
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Source : https://observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=6633