DADVSI : relativisons !
par Cédric Palazzetti
lundi 21 août 2006
A l’heure où il est de bon ton de faire croire aux internautes français que le débat relatif au droit d’auteur dans la société de l’information est purement national, il semble opportun de rappeler le cheminement ayant conduit à l’adoption de la loi DADVSI.
En décembre 1996, deux traités sont adoptés sous les auspices de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), l’un relatif au droit d’auteur, l’autre aux droits voisins (regroupant les droits des artistes interprètes et des producteurs). L’objectif de ces traités, signés par la France le 9 octobre 1997, était d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique et en particulier à l’Internet qui, comme chacun sait, fait fi de toutes les frontières nationales et permet à une œuvre d’être communiquée au public instantanément partout dans le monde.
Reprenant la philosophie de ces deux traités, la directive 2001/29/CE relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information est adoptée le 22 mai 2001. Que s’est-il donc passé entre l’adoption de ces textes internationaux et le débat passionné que nous connaissons actuellement et qui, décrets à venir obligent, ne semble pas enclin à s’essouffler ?
La France est internationalement renommée pour son approche humaniste du droit d’auteur et la volonté forte de préserver à la fois les droits des artistes et ceux du public. Chaque professeur de droit de la propriété intellectuelle, quelle que soit sa nationalité, vous brodera avec plus ou moins de brio une comparaison du système du droit d’auteur, adopté par exemple par la France ou l’Allemagne, avec celui du copyright anglais ou américain pour vous démontrer les différences de points de vue. Ceci étant, même si ces différences philosophiques persistent, le monde numérique est disposé à tout sauf à s’embarrasser de ce débat qu’il considère soporifique.
Nous trouvons d’un côté les utilisateurs, dont la seule préoccupation est d’avoir accès facilement à un contenu sans avoir à se soucier de sa protection ou non par le droit d’auteur. De l’autre, les producteurs et artistes qui réclament, à juste titre, une rémunération pour leur travail. La première catégorie ayant visiblement été sous-représentée dans la négociation des traités OMPI ainsi que de la directive de 2001, nous étions dans une situation où il était obligatoire pour la France de transposer une directive, qui visiblement avait pris le parti des producteurs, tout en tentant de préserver une partie des convictions humanistes faisant le renommée internationale de son droit d’auteur.
Que croyez vous qu’il se soit passé ? Une fois encore les intérêts économiques ont su s’imposer et un nombre non négligeable d’associations crient au scandale. Cependant, relativisons ! Relativisons tout d’abord car il est illusoire de penser que les DRM seront bannis de l’environnement numérique grâce à une grogne des utilisateurs. Nul ne peut prétendre que ce dispositif ne nuit pas à la diffusion des connaissances ni même à la simple utilisation d’une œuvre. Toutefois, au regard de la facilité avec laquelle un fichier peut se diffuser et se copier, l’équilibre entre intérêts de l’auteur et du public n’était plus respecté. Bien sûr on peut réfuter la légalisation des DRM mais comme souvent en droit la solution adoptée ne satisfait pas tout le monde mais s’avère être simplement la moins pire. Aller aujourd’hui à l’encontre de ce que des centaines de pays ont choisi serait non seulement illégal mais économiquement suicidaire.
Et même si la France faisait fi du droit communautaire et international, qui des utilisateurs que nous sommes oserait expliquer à un artiste qu’il n’a désormais plus la possibilité d’exploiter ses œuvres dans le monde simplement parce que son pays refuse de se conformer au droit international et qu’en conséquence il se retrouve isolé du reste du monde ?
Relativisons également car de toutes les transpositions intervenues dans la Communauté Européenne, la France est un des rares pays, avec la Grèce ou l’Irlande, à avoir prévu le recours à un collège de médiateurs en cas de non-respect de l’exception de copie privée alors que la plupart des autres pays ont tout bonnement écarté cette exception. Il faut savoir que la directive de 2001 pose clairement de grandes restrictions relatives aux œuvres ayant vocation à entrer dans l’univers numérique. On peut le regretter, mais sauf à remettre en cause l’essence même du droit communautaire et international, on doit s’y conformer.