Des religions et du comportement humain
par Pelletier Jean
mardi 19 septembre 2006
Lucien Samir en publiant sa tribune : « Le pape a raison de porter le débat au niveau spirituel » ouvre un vaste débat qui prend racine dans l’acceptation d’une philosophie de la tolérance, discutable si l’on en croit les leçons de l’histoire. Ne nous ont-elles pas appris qu’une tolérance érigée en principe absolu, très intellectuelle, pouvait confiner en une lâcheté pragmatique, laquelle inexorablement conduit à un affrontement brutal avec, pour réalité, la guerre ? Et plus on distend le principe de tolérance, à l’user jusqu’à la corde, et plus l’effet élastique de celui-ci produit chaos, morts, effondrement des Etats et des peuples.
La juste gouvernance des Etats et l’équilibre fragile du monde requièrent un maniement circonstancié des grands principes et une définition prudente de leurs limites. Je citerai juste pour exemple la situation qui a précédé la Deuxième Guerre mondiale. Les Daladier et autres négociateurs de la paix de Munich ont creusé la tombe des peuples européens et autres.
Le pape a-t-il eu raison de citer et de reprendre à son compte le souverain byzantin Manuel II Paléologue qui accusait Mahomet d’avoir semé le mal en prônant une philosophie de la violence, et de déclarer : "La violence est incompatible avec la nature de Dieu et avec la nature de l’âme", et avait utilisé par la suite les termes de "djihad" et de "guerre sainte », histoire d’enfoncer le clou... ?
Le Pape Benoit XVI n’a guère été inspiré ce jour-là, mardi 12 septembre, à l’université de Ratisbonne (Allemagne), par l’esprit de Dieu. Et ne lui en déplaise, en tant que chef de la plus importante communauté chrétienne, il a commis une grave erreur, et qu’il me pardonne cette entorse au sacro-saint principe de l’infaillibilité de sa Sainteté, que je respecte par ailleurs.
Il n’est qu’à voir les dépêches d’agence qui tombent de toutes parts pour faire état des réactions indignées, aux quatre coins de la planète, des principales communautés musulmanes.
Les tensions internationales, grâce au travail de sape entrepris pas les castes les plus réactionnaires et les plus intégristes des USA, lesquelles ont trouvé en Georges Bush un porte-parole et héraut actif, sont à leur paroxysme, paroxysme aggravé, autant qu’il puisse l’être, par la récente guerre éclair au Liban menée par Israël.
Le monde connaît une situation de crise entre ce que certains appellent« monde occidental et chrétien » et un monde dit « musulman ». Cette approche simpliste, qui cache des réalités plus complexe dans les deux camps, est suffisamment montée en épingle pour qu’à tout moment l’on puisse basculer d’un état de crises à un état de guerre mondiale.
Je ne veux pas par là faire preuve de catastrophisme. Mais l’histoire de l’humanité est truffée de ces moments-là, précisément. Il est affligeant de constater que la planète comprend en son sein des dirigeants placés aux commandes d’Etats ou de communautés religieuses clefs qui ne manifestent en aucune manière le souci de la modération et de la préservation des équilibres précaires en faisant preuve de discernement et de renoncement utiles à la paix.
Georges Bush et les forces politiques qui le soutiennent (aux USA, mais aussi en Europe) a ouvert avec force grands moulinets guerriers la boîte de Pandore en Afghanistan, en Irak et au Moyen-Orient, avec des prétentions de donneur de leçons universelles qui sont autant d’incitations à la haine et à la violence.
L’actuel gouvernement israélien qui, en bombardant et en détruisant le Liban, a ouvert un boulevard aux terroristes de tout poil, fait de même en Palestine en agissant sans discernement aucun sur l’ensemble des forces vives de Palestine.
Et maintenant le pape, « haute autorité morale » qui brandit à son tour son index vengeur contre les musulmans, sans discernement non plus.
Privée de contre-poids effectifs et agissants, l’humanité est ainsi livrée à toutes ses terreurs les plus noires et les plus sombres. Ce n’est pas l’ONU qui illustre chaque jour l’actualité par son inefficacité ni une Europe qui n’a jamais trouvé sa place comme puissance inspiratrice qui nous sauveront de cette débâcle annoncée.
Sans espoir aucun d’agir sur l’actuel gouvernement américain, il nous reste à nous en remettre à la sagesse du peuple américain, lequel, désespéré de voir une partie de sa jeunesse mourir en Irak et en Afghanistan, s’en remettra aux prochaines élections à des dirigeants plus avisés.
Sans espoir aucun d’agir sur le Vatican, il nous reste à espérer en la communauté des chrétiens, qui s’en remettront peut-être plus sagement à la lecture du Nouveau testament et à l’enseignement de Jésus-Christ pour faire pression.
Sans espoir aucun d’agir sur Israël, il nous reste à nous en remettre à une évolution lente, mais trop lente, de l’opinion israélienne, pleine de ressources, mais il faudrait qu’ils fassent vite, très vite, le temps presse.
Quant à nous, Européens, Français, nous ne pouvons que regretter le malheureux vote sur la constitution européenne et ses effets désastreux sur cette même construction européenne, qui nous fait tant défaut.
La France a ses problèmes, nous les évoquons de manière récurrente, mais il faut espérer que nos prochains débats électoraux sauront remettre au cœur de nos échanges l’Europe, seule antidote, avérée efficace, au spectre de la guerre.