Faire évoluer les jours fériés d’armistice en journées de l’Europe

par Héloïm Sinclair
mardi 14 novembre 2006

11 novembre, journée de commémoration nationale d’une guerre qui aura bientôt cent ans et qui ne veut plus (pas) dire grand-chose pour les jeunes générations. Bien entendu, tous les journaux y vont de leur dossier marronnier, que l’on peut éventuellement lire en profitant du jour férié. Mais qui se souvient encore, et de quoi, en ce jour chômé ? Alors que les derniers poilus auront bientôt disparu, pourquoi se souvenir, et comment marquer le corps social de cette reviviscence du passé ?

On peut se souvenir pour rendre honneur à nos aînés tombés dans les tranchées, gazés, pilonnés, etc., pour défendre la patrie. Pour reconnaître que les « plus jamais ça » n’auront pas servi à grand-chose, le sursaut de sagesse après la saignée de 1914-1918 étant vite tombé dans l’amnésie... Alors, l’essentiel aujourd’hui, quatre-vingt-huit ans après l’armistice, n’est de se souvenir de la guerre que pour mieux apprécier et défendre l’état de paix. Soixante ans après que les canons eurent résonné dans une ultime barbarie européenne, se souvenir de la guerre pour savoir vivre en paix.

La « terrible » chance de vivre en paix implique une certaine responsabilité. Alors qu’en 2006, le montant mondial des achats de matériel militaire atteindra le record de 1060 milliards de dollars, que le monde demeure un vaste champ de bataille, cette responsabilité est plus que nécessaire. Et je crois sincèrement que l’Europe pourrait se faire entendre pour pacifier la mondialisation, sa voix serait entendue. Car elle offre en partage le modèle (et la responsabilité) de savoir vivre en paix.

Une proposition : faire évoluer les jours fériés d’armistice en journées de l’Europe, civilisation de paix.

Ce serait une façon simple de rénover et de rendre concret le souvenir des guerres passées. Un exercice de mémoire modernisé, pour propager la prise de conscience collective de la responsabilité de savoir vivre en paix. C’est grâce à et par l’Europe que les anciens ennemis irréductibles du vieux continent vivent en paix, dans la coopération économique et politique. C’est cela qu’il faudrait célébrer les jours d’armistice.

J’avoue que le dessin de cette proposition est double. Il s’agit également d’une tentative de matérialiser l’Europe, que certains cherchent encore à assassiner (Chevènement est sorti du coma électoral, Le Pen est en embuscade pour 2007, et les idées nationalistes prospèrent...) et que le projet européen est enlisé après l’échec du TCE.

L’appel et la sonnerie aux morts, dans le matin glacial de novembre, est une manière de se souvenir. Mais il faudrait dépoussiérer cette pratique institutionnelle pour faire émerger d’autres pratiques sociales du souvenir, ouvertes sur l’avenir, positives, attractives pour le plus grand nombre. Les journées de « l’Europe : civilisation de paix » aux dates d’armistices (11 novembre et 8 mai), pourraient grandement y participer.

Je ne suis peut être qu’un doux rêveur. Même si l’ancien objecteur de conscience que je suis s’est converti au réalisme d’un monde dangereux, il reste un substrat d’utopie où poussent des idées de réforme. Celle-ci me semble être un objectif concret et accessible, pour rénover nos pratiques institutionnelles en fabriquant du sens par le devoir de mémoire, dans une modernité contemporaine. Qui plus est, cette proposition ne coûterait pas un sou, car il ne s’agit pas d’ajouter un jour férié dans l’agenda, mais de faire évoluer le contenu et les modalités de célébration de jours fériés existants.

Qu’en pensez vous ?

Pour cette proposition, il y a une fenêtre d’opportunité qui va s’ouvrir avec la présidence du Conseil de l’Europe par l’Allemagne en janvier 2007, qui sera suivie dans son mandat par la France. Je m’en vais, de ce pas, questionner mes amis allemands ;-)

Si vous êtes favorable à cette idée, merci de le faire savoir. Cette proposition est libre de droit, elle peut être reprise dans les programmes électoraux qui fleurissent ces temps-ci ;-)


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