Lettre à ces soldats qui vont partir au Proche-Orient (et à nous qui restons là)

par Nicolas Voisin
samedi 22 juillet 2006

Voilà... Je ne suis à peu près personne, mais je sais ton départ proche. Je ne suis qu’un observateur, qui dans ce cas précis s’abstiendra de tout jugement, mais je sais l’enjeu majeur. Je ne comprends sans doute ni la trame ni l’essence de ce conflit, ou alors ce que je crois savoir est vraisemblablement faux, compte tenu de la désinformation ambiante. Voilà. Tu n’y es pour rien, moi non plus. Mais toi, tu tiendras une arme. C’est con à dire, mais ma seule arme à moi est celle dont j’use ici : le Web.

Je t’écris car - à défaut d’avoir fait un cauchemar, je ne vais pas te mentir - c’est éveillé que j’imagine (mon imagination sans doute) ce qui s’apparente à un funeste scénario. Je vais te conter ce qui m’effraie. Les occidentaux sont évacués du Liban. Israël pour des raisons dont je ne jugerai ni de la justesse ni du fondement, compte tenu de ma position, s’apprête à déployer des forces terrestres après avoir bombardé, oserai-je dire "sauvagement", pour éviter ce "chirurgicalement" d’usage, un pays qui a déjà tout subi. De son voisin syrien notamment, mais pas seulement.

Le Hezbollah doit-il être "anéanti" ? Ce n’est pas à moi d’en juger. Je n’aurai d’ailleurs personne dans mon viseur. Ce que je redoute, c’est que l’armée libanaise ne supporte pas cette incursion. Ce que je redoute ensuite, c’est que derrière ce pays s’agitent, comme sans doute certains à Washington l’attendent, les mêmes Syriens évoqués précédemment, et le redoutable "ami" iranien. Entre autres. Ce que je redoute, c’est que tu tiennes une arme dont tu ne saches pas pourquoi elle s’apprête à tuer.

Dans ce film dramatique qui se déroule sous nos yeux, je vois des bunkers à détruire (que seules des frappes "tactiques" nucléaires sauront raser de la carte), je vois des populations "civiles", enfin des populations quoi, des gens comme toi et moi, crever de faim, crever de misère, crever de tous les maux de la guerre, des "dégâts collatéraux", des bras arrachés, des familles disséminées, des bombes artisanales sur des marchés, des rockets et pire encore, des carnages de chaque côté.

Je ne vais pas être bien plus long. Si je t’écris, c’est parce que je ne comprends pas pourquoi. Sans doute avant de partir te poses-tu aussi ces questions. Sans doute parmi mes lecteurs certains croient-ils avoir la réponse  ? Je ne l’ai pas. Ou j’ai peur de la seule qui me vienne à l’esprit. Pour des dollars en plus ? Pour un François-Ferdinand, quelques alliances, des kilomètres-carrés et de sournoises rivalités ? Par haine de l’autre ? Tu me diras peut-être que c’est pour en finir avec un ennemi ? D’autres s’entretuent par idéologie, certains même pour un rien... D’après toi, pourquoi là-bas, pourquoi maintenant, et qui tient les ficelles ? Pourquoi les rues ne sont-elles pas pleines de révoltés, ne serait-ce que chez nous, criant à l’escalade guerrière ? Et pourquoi allons-nous y aller ?

"Corridor de la paix", qu’ils disent.
Du mirador de la frousse, je ne vois venir aucune paix.
Doit-on vraiment avoir un avis ?


Quel est le tien ?
Et comment entrer en résistance ?

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Quelques ressources "fiables" parmi celles que je suis  :
La paix maintenant (Liste de diffusion du mouvement français qui milite pour la paix entre Israéliens et Palestiniens)
Guysen (site d’information francophone indépendant sur Israël, fondé par Guy Senbel en 1999)
L’Orient du jour (seul quotidien libanais disponible en français sur le Web)

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Un autre cri :

"Je suis otage.
Otage du Hezbollah qui décide tout seul d’attaquer une position israélienne, de prendre deux soldats (probablement morts) prisonniers.
Otage d’Israël qui s’arroge le droit de bombarder les infrastructures civiles dans mon pays.
Citoyen de ce pays de coexistence, je suis otage du déferlement de violence des uns et des autres. J’assiste impuissant à la destruction de mon pays. Mes larmes mêlent rage et impuissance.
Je suis otage de ceux qui ne voient pas que la violence n’appellera que plus de violence
[...].

Je suis otage."

> Bob Ghosn, jeune blogueur libanais à Beyrouth.

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Lire aussi : "[...] Les intégrismes islamistes, Hezbollah ou Hamas , s’expliquent moins par la lecture du Coran que par l’échec économique du monde arabe." par Guy Sorman / Et les mots chapardés hier à José


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