Une politique en faveur des mères, j’y ai cru, M. Sarkozy

par KHalamity
mardi 24 octobre 2006

Je suis maman d’une petite fille de quinze mois, et également webmastrice d’un site qui commence à faire figure de référence sur les modes de garde des jeunes enfants en France : La Pouponniere.

J’ai récemment suivi les différentes interventions des candidats à l’élection présidentielle, et une d’entre elles a retenu mon attention, parce qu’elle commençait juste, mais ne tenait finalement pas ses promesses. J’aimerais bien pouvoir en discuter de vive voix avec certaines figures politiques, afin de leur faire comprendre quel est notre quotidien. Ce texte se veut apolitique, simplement dicté par le bon sens et un sentiment de frustration, le découragement qui nous guette lorsqu’on se rend compte qu’on se bat contre des moulins. 

Cher Monsieur Sarkozy,

en femme avertie et soucieuse de l’avenir de mon pays, de celui de mes enfants, je suis attentivement les interventions des uns et des autres, en cette période de campagne présidentielle.

Jusqu’à présent, j’ai entendu beaucoup de propositions sans intérêt, de politique politicienne, et de discours creux montrant que le monde politique était très déconnecté de notre quotidien.

Couper les cheveux en quatre, pointer du doigt l’insécurité, brandir l’étendard de la répression, expliquer comment vous baissez les impôts sans que les travailleurs s’en aperçoivent... voilà qui me berce d’ennui à chaque apparition de vos comparses ou de vous-même.

Jusqu’à ce jeudi où, somnolant dans mon fauteuil en attendant de constater à quel point notre redevance audiovisuelle était bien mal employée à nous proposer un vide sidéral abêtissant, je vous entends prononcer une phrase qui m’a immédiatement redressée sur mon séant :

« Il faut enfin permettre aux femmes de vivre sans avoir à choisir entre vie professionnelle et vie familiale » (enfin... à peu de choses près, c’était le sens de vos paroles).

Et là je me dis : mais il a tout compris cet homme-là. A-t-il lu la version Off ? » ;-)

Me voici donc, allumant fiévreusement ma cigarette, bien droite devant mon écran, espérant entendre des vérités qui changeraient ma vision de votre microcosme.

Mais hélas, j’ai bien vite déchanté. Que proposez vous ? Encore plus de contrôle et de répression. Imposer l’étude après la classe, rallonger les journées de nos petits pour éviter les errements postscolaires, pour nous permettre à nous, les mères, de rentrer plus tard du travail.

N’avez-vous pas compris le cœur du débat ?

N’avez-vous pas compris qu’il faut placer l’enfance au cœur du débat ? Augmenter le nombre de structures d’accueil pour la petite enfance, mettre l’accent sur la formation des encadrants de la petite enfance, renforcer peut-être le système allocatif pour aider les familles à assumer la charge financière des modes de garde, proposer des loisirs culturels et sportifs...

Je suis d’accord sur le fait qu’il est aujourd’hui nécessaire de renforcer le soutien scolaire, et la présence d’encadrants dans les établissements. Pour cela, il aurait fallu que le gouvernement ne supprime pas les postes d’intervenants parascolaires : surveillants, animateurs, etc., qui avaient un rôle pédagogique fort, et surtout, qui pouvaient assurer une présence sociale alternative à celle des professeurs.

Mais votre proposition m’inspire deux réflexions.

La première étant que tout n’est pas que « culture ». Le bourrage de crâne et les journées à rallonge n’ont jamais fait leurs preuves. A mon sens, nous risquons d’obtenir un effet inverse particulièrement pervers : assommer les enfants, les fatiguer avec un rythme non adapté, et les dégoûter des apprentissages.

La seconde est qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre votre discours sécuritaire et les raisons qui poussent les femmes à cesser de travailler.

Non, Monsieur Sarkozy, vous n’avez visiblement rien compris au cœur du problème.

Aujourd’hui, seules 22% des femmes continuent à travailler après la naissance du premier enfant.

Pourquoi ? Trois réponses me viennent à l’esprit.


Il est dans un premier temps question de disponibilité des modes de garde.

Pénurie d’assistantes maternelles. Pénurie de places de crèche. Absence de valorisation sociale des professions de la petite enfance (et donc de reconnaissance). Absence totale ou partielle d’accompagnement et de formation des assistantes maternelles...

Faire garder son enfant est devenu un vrai casse-tête, que ce soit au cours des trois premières années ou ensuite, concernant le périscolaire.

Dans un second temps, et cela découle du premier constat, il est question du coût des modes de garde. Malgré les aides des Caisses d’allocations familiales (prestation d’accueil du jeune enfant, complément du libre-choix du mode de garde...), le budget à mettre en œuvre est considérable, voire écrasant pour les familles au plafond, ou légèrement au-dessus du plafond de ressources. La pénurie engendre la surenchère. Dans ces conditions, une famille qui perçoit moins de 3000 euros mensuels aura plutôt intérêt à bénéficier du congé parental. L’intérêt est bien entendu financier, et pas forcément intellectuel. Et ce n’est pas forcément l’intérêt de l’enfant. La quadrature du cercle est bien connue : un enfant est bien dans sa peau si sa maman l’est aussi, c’est-à-dire si elle peut se réaliser en tant que mère et en tant que femme. Pour certaines, cela passe par la reconnaissance professionnelle et une vie sociale en dehors du foyer familial.

Enfin, beaucoup de femmes vous le diront, le marché du travail est un milieu d’hommes. C’est historique, et le poids des traditions est très fort. Une femme qui fait un enfant est forcément moins disponible : terminés les horaires à rallonge, limités les déplacements, finies les annulations de congés... sans compter les maladies infantiles requérant la présence parentale, qui le plus souvent incombe à la mère.

J’ai cru l’espace de quelques secondes qu’enfin une figure politique se pencherait sur la vraie vie, les vrais problèmes des Français. Mais non. Vous vous intéressez aux effets, sans comprendre les causes. Et vous brodez un programme politique sur des arguments techniques, complètement déconnectés des réalités quotidiennes de vos électeurs.

De la poudre aux yeux pour nous expliquer que « non, rien de rien.... » ne va changer...


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