Violences urbaines : arrętez les trolls journalistes !
par Michel Herland
vendredi 27 octobre 2006
La tension monte dans certaines banlieues des grandes villes et cela, à nouveau, fait la une des médias. Sans vouloir stigmatiser l’un d’entre eux en particulier, et pour prendre seulement un exemple, on a pu entendre sur le journal de France Inter du 26 octobre d’abord les dires d’un expert suivant lequel l’incendie de deux autobus était probablement à imputer en premier lieu à l’effervescence organisée par les médias autour de l’anniversaire des émeutes de 2005, et, aussitôt après, l’annonce que la station allait consacrer le lendemain plusieurs émissions à ces mêmes émeutes.
Aucune interrogation de la part de celui qui présentait le journal, sur la pertinence des propos de l’interlocuteur qu’il venait de citer, ni sur la question de savoir s’il était opportun ou non, pour France Inter, de participer au mouvement médiatique autour de ce fameux « anniversaire ». Déjà, l’année dernière, il était patent que les médias avaient fait monter la pression dans les banlieues, et qu’ils étaient les premiers responsables de l’extension des violences péri-urbaines. Et voilà, comme si la leçon n’avait pas été entendue, qu’on est repartis pour un tour !
On appelle trolls les individus qui pourrissent volontairement les blogs, en intervenant à tort et à travers, pour porter des messages en général aussi bêtes que méchants. Lorsque le blog est contrôlé par un modérateur, son rôle est justement d’empêcher les trolls de s’exprimer. Les trolls sont des individus plus ou moins primaires, qui se dissimulent sous un pseudonyme, et qui crachent leur venin derrière la barrière de l’anonymat. Ils sont bêtes, et ils sont lâches ! Que dire des journalistes qui jettent de l’huile sur les incendies des ghettos et excitent les malheureux qui ne savent pas comment exprimer leur désarroi autrement que par la violence ? Ils ne sont certes pas « primaires », et ils ont l’habitude de réfléchir à l’influence que peuvent avoir leurs propos. Ils ne sont pas lâches, puisqu’ils s’expriment publiquement. Ils sont, c’est vrai, plutôt moutonniers. Ils se copient les uns les autres (voir les journaux télévisés de La Une et de France 2 ou les magazines comme L’Express et Le Point). Il suffit qu’un journal s’empare d’un sujet pour que tous les autres se croient obligés de le suivre. C’est à ce conformisme que l’on doit par ailleurs de voir toujours les mêmes personnalités invitées sur les plateaux de la télévision, toujours les mêmes écrivains encensés dans la presse écrite, etc.
Mais s’il est dommage que les médias ne diversifient pas davantage leurs sujets, il est grave qu’ils se précipitent aveuglément sur n’importe quel sujet, pourvu qu’il soit dans l’air, sans réfléchir aux conséquences ! Et il est collectivement absurde de la part de la nation française dans son ensemble de faire monter cette mayonnaise. Est-ce que, par exemple, la France de Vichy aurait commémoré les faits d’armes les plus saillants des résistants, cherché à percer leurs motivations, disserté sur la pertinence de leurs méthodes, sur le sens de leur patriotisme ? Evidemment non ! Certes, il y a une différence essentielle, dira-t-on, entre la France de Vichy et la Cinquième République : celle qui sépare une dictature d’une démocratie où règne la liberté d’expression. Certes, mais toute liberté doit se mériter. Les journalistes ne peuvent pas se draper dans leur liberté d’expression pour dire n’importe quoi. Ils devraient être tenus responsables de leurs actes, et poursuivis pour complicité, s’il est avéré qu’ils ont, par leurs propos, incité au crime.