La terre peuplée d’êtres à cervelle postiche
par George L. ZETER
lundi 26 mai 2025
« La terre se couvre d'une nouvelle race d'hommes à la fois instruits et analphabètes, maîtrisant les ordinateurs et ne comprenant plus rien aux âmes, oubliant même ce qu'un tel mot a pu jadis désigner. » Christian Bobin
Digressions de ce dimanche : n’avez-vous pas l’impression dans la vie quotidienne de déambuler dans un aquarium peuplé de noyés ? Moi oui. Pas plus tard que ce matin, à ma salle de sport, étant certainement l’ancien parmi tous ceux qui transpiraient, ahanaient, je me suis arrêté un temps et ai observé. Sous une musique électro-acidulée type Rap de banlieue chic, une jeunesse au regard vide, évitant de se dévisager, casque de musique vissé sur le crâne, afin de s’isoler de ces 8 milliards d’autres semblables. Beaucoup « scrollaient » leur « Smartphone » tout en pédalant, en courant même, à croire qu’être déconnecté seulement trois secondes aurait pour conséquence une fin du monde 2.0. De plus, des jeunes femmes, faisant des selfies de leurs pratiques afin de les poster sur Insta, plutôt dévêtues qu’habillées pour pratiquer le sport, se mettant dans des positions d’exercices captivant l’œil des mâles alentour ; devant se faire violence afin de poser leurs yeux n’importe où sauf, « là ». Comme aux States et le « lap dance » des clubs qui consiste à ce qu’une femme canon, presque nue, vienne « danser », ou plutôt frotter son postérieur sur l’entre-jambe du client assis, qui ne doit absolument pas la toucher, sous peine qu’un cerbère acerbe n’interviennent militari ! Pas un mot, pas un regard, un tas d’humains travaillant la santé physique, sans que dans l’atmosphère, on puisse ressentir comme un élan d’énergie positive, un petit air joyeux de ceux qui de concert pratiquent en commun une activité bienfaitrice ; une morne plaine, un électro plat, des zombies transpirants, comme des robots en plein taf. Ici donc, pas d'effet Pygmalion, à savoir que le regard que l'on porte sur un autre être humain influence sa réalité et son futur, ici, c’est plutôt l’effet du Narcisse, qui face au miroir qui renvoie les images du moi, et les muscles se gonflant, fait que le petit monde tourne autour de soi, et se suffit en lui-même. Est-il bon de rappeler que l'homme est un animal social ? Qui naît, grandit et évolue toute sa vie durant au sein d'un « écosystème social » avec lequel il doit interagir en permanence. Cet écosystème est en fait un réseau d'échanges complexe au sein duquel l'homme entre en relation avec ses semblables et les influences autant qu'il est influencé par eux. Suite à ces cogitations, je retournais à mes poids et haltères, tout en me descendant une Kronenbourg bien fraîche… Non, je déconne ! En tapinois un flash-back m’habitat. Une salle de muscu que j’avais fréquenté dans les années 80… L’autre siècle.
Juste des poulies, des bancs, des poids, de la fonte quoi ! Dans cette salle old School chacun, chacune se connaissait, se disait bonjour. Les plus costauds donnaient des conseils. Il y régnait de la passion et de l’entraide. C’était un lieu de socialisation, où parfois se développait des amitiés ou plus si concomités. C’était un lieu ouvert, où on pouvait trouver un partenaire, du même niveau que soi, et ainsi en avoir un, faisait faire la répétition de plus, la série de plus, permettait de pousser ses limites. Quant aux machines, des Hammer Strength, bien conçues et fiables, sans frime. Tout pour dire, qu’en se construisant un corps, on se construisait un réseau de gens qui ne venaient là, pas seulement pour soulever de la fonte, mais aussi pour grappiller des conseils sur les exercices, la nutrition, etc. Puis, presque soudainement, des grands groupes se sont créés sentant l’odeur du fric, et ont construit des supermarchés du bodybuilding, qui ont transformé cet univers familial bon enfant, en un big business, où un autre type d’individu est venu, se reluquer dans les miroirs tout en ignorant son voisin. Comme sur une ligne de métro, remplie de broyés.
Que c’est chiant d’être vieux, car on a connu « l’avant », et en l’occurrence ce coup-là, c’était bien mieux ! Ainsi, l’homo téléphonus et son cousin, l’homo tablettus en salle de « fitness » ont remplacé les pastiches de Swarzy, Stallone, et les yeux plantés dans leur « électronics devices », et ils sont là, pédalant, l’œil torve éteint, la bouche ouverte prête à avaler des moules… Avec la coquille.
Dicton de ce dimanche matin : « Être con ? C’est comme s’être fait greffer une cervelle postiche ! »
Georges ZETER/mai 2025
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