Premier contact prometteur, sabotage d’incompétents ou juste geste sans lendemain ?

par Jules Seyes
vendredi 5 avril 2024

Sebatien Lecornu a contacté le ministre russe de la Défense tout juste après la visite de Blinken. Optimiste pour une fois, je souhaite y voir un pas dans la bonne direction, même si les déclarations de Macron détruisent cette idée.

L’analyse est mise à disposition pour partager le raisonnement sur la situation actuelle !

Premier entretien téléphonique entre les ministres français et russe de la Défense depuis 2022 (france24.com)

 

Que retenir de cet entretien ? Le en même temps Macroniste où l’on fait tout et son contraire peut-être mais soyons complotistes un instant.

Antony Blinken était à Paris en Début de semaine, avec son excellent français il a pu donner en direct un cours à Darius Rochebin et Stephane Sejourné du niveau que doit avoir un ministre des Affaires étrangères de notre pays, successeur de Talleyrand. Pardonnez la pique, elle était facile, mais la comparaison est meurtrière.

D’où, il a pu constater le problème créé par les Américains eux-mêmes : À force de castrer et d’émasculer le quai d’Orsay depuis la guerre en Irak, celui-ci ne peut plus servir à rien. Et si justement cette visite avait eu pour objectif de rouvrir des voies de communications pour enfin, revenir à la paix ? On notera la modération de Blinken dans son interview à Rochebin qui tranche avec les positions habituelles.

Ridicule n’est-ce pas ? Pourtant constatons que cette guerre est perdue dans toutes ses dimensions avant de nous intéresser aux mouvements en cours.

 

L’Amérique a besoin de se dépêtrer de la guerre en Ukraine, car celle-ci lui coûte cher et les Européens sont incapables de la financer à la hauteur des besoins faute de disposer de la planche à billets US et au plan militaire les nouvelles sont désastreuses :

Sur le terrain, la guerre est perdue, car, au-delà des opérations sur les fronts où le rapport estimé des pertes : environs 50-60K tués russes pour 400-500K ukrainiens fera de ce conflit un exemple pour les écoles militaires du monde entier, le bélier a échoué à ébranler la Russie.

Au plan opérationnel et tactique, les armements russes ont certes tous les défauts du monde, mais ils ont fort bien détruit les armes miracles de l’occident, anéanti ses stocks de munitions et surtout le mythe de la doctrine occidentale de la guerre éclair choc et effroi.

La doctrine russe, faite de patience travaille comme un acide et ronge l’armée Ukrainienne au lieu de fournir les grandes chevauchées glorieuses dont l’occidental est friand. Certes, la méthode impressionne moins, mais ses succès politiques sont plus pérennes que les gloires d’un Napoléon ou d’un Manstein dont les triomphes soudains appellent le vaincu à tenter de relancer le coup de dés suivant.

 

Premier succès politique, la réélection de Vladimir Poutine en Russie avec des scores pharaoniques, mais probablement représentatifs de la réalité de la population russe et la mort de Navalny clôturent l’ère des tentatives de révolution de couleur en Russie. Dommage, les think-tanks américains rêvaient de "décoloniser" la Russie, autre mot pour démembrer. Là encore, les occidentaux ont rêvé, comment imaginer que le peuple Russe après la punition subie dans les années 90 aient envie de prendre le moindre risque d’y retourner.

Bien au contraire, si une bourgeoisie moscovite, gagnante des années 90, rêve d’occident, le petit peuple qui a lui subit sans jamais bénéficier est prêt à se faire hacher menu pour éviter de retourner une seconde fois dans cet enfer.

Contrairement à l’occident où l’impuissance politique des populations a été organisée avec patience et efficacité, ce peuple vote. Fort mal d’ailleurs selon les critères occidentaux, mais de façon parfaitement logique si vous vous placez dans l’analyse honnête de la contribution à son niveau de vie. Le PIB par habitant de la Russie a doublé en vingt ans et sa situation électorale est en accord avec les circonstances historiques traversées par ce pays.

Rien d’étonnant donc à ce que les charmes d’un Navalny au charmant sourire aient peu séduit en dehors de Moscou. L’occident faute d’avoir voulu analyser la situation en a pourtant fait son héros. Seulement, s’il fut un modèle à l’extérieur pour les yeux de Chimène de nos médias peu difficiles pour endosser l’homme adoubé par Washington, la greffe a échoué à l’intérieur malgré semble-t-il de fonds importants qui lui avaient permis de construire une organisation.

Alors, certes, BFM et LCI pour expliquer cet échec nous servirons une population vivant dans la terreur, les élections soi-disant truquées et bien sûr la merveilleuse inversion accusatoire selon laquelle le peuple russe baigne dans la propagande. Il faut bien expliquer les échecs dans les moments où le réel pointe à la porte ! Merci LCI et BFM, pour cette franche rigolade vu votre remarquable contribution à l’information du public français, Solovief est sûrement jaloux.

Bref, oui les Russes reçoivent une information différente de celle souhaitée par nos médias ? Surprise, surprise, ciel, mais comment est-ce possible ? Peut-être car celle dont ils disposent, malgré les outrances de présentateurs forts en gueule et désireux de faire de l’audience avec de grosses ficelles est malgré tout plus proche de la réalité que la nôtre.

Quand Solovief déclare qu’un Sarmat peut raser la France, il a techniquement raison. Alors, certes, il joue là-dessus avec une jouissance de petit garçon content de montrer ses jouets, mais personne ne remettra en doute son affirmation.

Quand Pierre Servent joue avec une maquette de SCALP avec probablement la même jouissance, il dit aussi la vérité, mais le bandeau la flotte de la mer Noire coulée en dessous est lui mensonger.
Faut-il s’étonner que les russes qui ont accès à nos médias préfèrent Solovief à LCI ? Salauds de russes n’est-ce pas ? Préférer la vérité, quel crime !

 

Pourtant, il faut s’interroger, malgré des pressions sans précédents de la part des pouvoirs occidentaux, le reste du monde refuse avec obstination de se ranger à notre avis. La Russie, loin d’être un pays paria est au contraire de plus en plus honorée et considérée comme la nation qui est parvenue à arrêter les déprédations occidentales.

Plus le temps passe, plus la Russie, dont l’aventure fut observée avec méfiance au début, engrange les succès diplomatiques. Le Sahel, nous présente la facture de huit années d’échec à y rétablir la sécurité et dénonce le contrat désormais léonin où la France assurait la sécurité contre une certaine forme de complaisance des autorités locale envers nos intérêts. Désormais tout se paiera cash !

L’Arabie Saoudite, a aussi pu constater la vacuité de la promesse de sécurité occidentale lorsque les Houtis ont frappé ses raffineries. Autrefois, meilleur client de Washington, elle change d’alliance et accueille en grandes pompes un Vladimir Poutine pourtant paria officiel. Pourquoi l’armée russe gagnerait-elle alors ?

Au contraire même, le temps est l’allié de la Russie et des pays désireux de s’émanciper. Tant que toutes les ressources militaires occidentales s’engouffrent dans le puits sans fond d’une bataille perdue en Ukraine, l’occident est contraint de négliger ses autres fronts et les puissances régionales peuvent s’émanciper.

Les Américains savent compter et le constatent, non seulement la guerre est perdue, mais elle compromet leurs autres plans et même le soutien à Israël devient hors de leur portée. L’occident avait des faiblesses, les analystes le savaient, mais personne n’envisageait le voir se trouver dans une situation où il aurait trop de feux et pas assez de lances d’incendie pour les éteindre !

 

Au contraire, les dirigeants occidentaux voient leurs armes, militaires, médiatiques et monétaires se briser comme verre dans leur main. Le combo COVID plus guerre en Ukraine a même créé une situation où les peuples de nos pays qui jusqu’ici encaissaient les coups dans la lutte des classes commencent à se rebiffer. Faute de programme, d’organisation, il leur est encore impossible de contester les pouvoirs occidentaux, mais ils prennent conscience d’eux-mêmes et la boule de neige grossit, disloque les narratifs les uns après les autres et peut-être un jour deviendra-t-elle avalanche qui emmènera nos pseudos élites dont l’échec est toujours plus évident.

En ce sens, ils ont raison, la Russie agresse les pays Européens : Par le modèle d’un pouvoir allié, au moins en apparence, avec son peuple qui lui procure une hausse de son niveau de vie (limitée, mais réelle) et se comporte en adulte là où nos dirigeants se complaisent dans une indécente communication vide de tout sens qui couvre le pillage des populations.

 

Alors, sonne l’heure de couper les pertes sans le reconnaître et, même si je peux me tromper, l’envoie de Lecornu pour discuter avec Shoigu peut constituer un moyen de rétablir la communication.

La France fut autrefois truchement pour permettre aux hyperpuissances de passer des accords comme durant la guerre du Vietnam. Un contact entre ministres des Armées reste un lien purement technique avec peu de signification politique visible, mais peut-être perçu comme le signal du début d’un processus.

Ce serait cohérent avec l’agenda américain qui doivent éviter d’encaisser la défaite avant les élections de novembre.

Bref, nombre d’éléments plaident dans cette direction, mais si c’est le cas, Macron et Lecornu ont saboté le travail et pourquoi prendre l’initiative d’appeler les Russes si c’est pour les attaquer à nouveau ?

Là est le doute, mais espérons que ce contact traduit vraiment un changement de cap US après la démission de madame Nulland qui nous a accompagnée pendant des années pour le pire. Car si au contraire, les faucons sont toujours aux commandes, l’approfondissement du conflit mène à la confrontation nucléaire, ultime faux pas d’un pouvoir occidental qui les multiplie faute de trouver des solutions à ses problèmes.


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