Le retour du Traité constitutionnel européen

par Sylvain Reboul
mercredi 8 mars 2006

Le TCE a été ratifié par la majorité des Etats de l’Union, comprenant la grande majorité des populations européennes. C’est un fait incontournable. Peut-on faire comme si ce fait était nul et non avenu ?

En effet, le refus minoritaire par la France et la Hollande, non seulement pose le problème formel de la démocratie européenne, car une minorité prétendrait alors imposer sa position purement négative à la majorité (aucun plan B), mais pose aussi le problème politique de la poursuite de la construction de l’UE, car l’élargissement impose, dès aujourd’hui, pour des raisons d’efficacité, un changement des règles de fonctionnement de l’UE.

On le voit déjà à propos de la libre-circulation, sans aucune restriction, des travailleurs en Europe et de la circulaire sur les services -deux questions que l’on ne peut séparer- sur lesquelles les différentes institutions de l’UE sont déjà en train de statuer et/ou s’apprêtent à le faire. La seule loi de l’unanimité et la répartition des voix existantes en ce qui concerne les décisions à majorité qualifiée semblent autant de facteurs de blocages potentiels, comme on l’a vu en ce qui concerne la taux de la TVA dans le BTP et la restauration proposé par la France, ce qui entre parenthèses rend pour le moins caduque l’affirmation que le domaine fiscal échapperait à l’UE.

On comprend alors que les responsables politiques français et allemands, comme nous l’apprennent plusieurs organes de presse allemands, cherchent à négocier les conditions d’une nouvelle ratification par la France du TCE. Les propositions concerneraient la séparation des parties I (Institutions), II (Charte des droits fondamentaux) et IV (Procédures de révisions) du TCE de la partie III (économique, mais aussi sociale) qui avait soulevé l’hostilité que l’on sait, en particulier chez les partisans du « non de gauche ». Nombre d’entre eux, et en particulier le premier d’entre eux, Laurent Fabius, ont toujours prétendu qu’ils auraient appelé à voter oui sur les seules partie I et II et que leur opposition ne portait que sur la « constitutionnalisation » (« gravée dans le marbre ») de la partie III qui, selon eux, ne concernerait que la politique économique et sociale ordinaire, ouverte par nature au débat et à l’alternance politiques.

Ce démembrement du TCE permettrait de refaire voter les Français et les Néerlandais sur les parties I, II et éventuellement IV « agrémentées » d’une déclaration sur la recherche des exigences sociales à mettre en œuvre et à harmoniser en Europe. La partie III, dont on corrigerait à la marge certaines formulations mal interprétées, mais qui s’applique déjà pour l’essentiel du fait même qu’elle ne fait que reprendre les traités antérieurs, ferait l’objet d’un vote du Parlement français, ce qui est dans la nature des lois ordinaires.

Cette procédure aurait le mérite de permettre de distinguer les « non » de gauche et les « non » souverainistes, et donc de mettre au pied du mur les premiers en les prenant au mot. De plus, elle laisserait ouverte la question du choix politique entre l’ultra-libéralisme et le social-libéralisme, compte tenu du fait que l’option du social-nationalisme et/ou du national-souverainisme serait écartée comme incompatible avec l’idée même de construction européenne, dont la marché commun et le principe libéral de concurrence libre et non faussée sont les conditions nécessaires de possibilité. Mais elle aurait aussi l’avantage de permettre de distinguer plus nettement l’ultra-libéralisme et le libéralisme authentique, qui doit être toujours assorti de règles et d’objectifs sociaux.

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