Politique énergétique commune, le gag

par Europeus
mercredi 12 avril 2006

Après la PAC, la PEC ? Pas sûr, du moins pas tout de suite. Certes, les Européens sont conscients du défi énergétique commun auquel ils sont confrontés : les réserves pétrolières s’épuisent à grande vitesse, le monde vit depuis trois ans un nouveau choc pétrolier, le cours de l’or noir a quadruplé depuis le début du millénaire, et cela ne fait que commencer. La guerre gazière entre la Russie et l’Ukraine a rappelé aux 25 la dure réalité : l’Union européenne dépend pour moitié de son approvisionnement en énergie du reste du monde, et est donc soumise aux aléas de la géopolitique mondiale. Que Moscou décide d’interrompre ses livraisons de gaz à Kiev, et voilà que la moitié des pays de l’Union subissent des problèmes d’approvisionnement en plein hiver ! D’où l’ébauche d’une politique énergétique commune à l’occasion du traditionnel Conseil européen de printemps, qui a réuni dans la capitale communautaire les 25 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union les 23 et 24 mars derniers. Au coeur de cette stratégie européenne, deux idées clefs : créer un véritable marché européen de l’énergie reposant sur une coordination des politiques nationales, s’adresser "d’une seule voix" à nos principaux fournisseurs et en particulier à la Russie, l’Algérie et la Norvège, qui fourniront à l’horizon 2030 80 % du gaz consommé au sein de l’Union contre 50 % seulement aujourd’hui. Seulement voilà, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions.


A quoi bon un marché européen de l’énergie si, comme les Allemands, on n’est pas prêt à donner plus de compétences à l’Union en matière énergétique, si, comme les Français et les Espagnols, on pense plus à créer des champions nationaux que de véritables géants européens ? Et puis, comment parler d’une seule voix sur un sujet aussi vital que l’énergie au coeur des relations entre puissances sans se doter d’une véritable politique étrangère commune ? L’autre question fondamentale restée sans réponse, c’est le contenu de cette politique : quelle stratégie d’approvisionnement, quelle place pour le nucléaire et les énergies renouvelables, quels investissements en matière de recherche et développement ? Pour parler franchement, les Européens ne sont pas encore prêts à y répondre. La question nucléaire reste tabou dans nombre de pays européens - même si le débat est ouvert à nouveau en Allemagne, en Italie ou en Finlande - et surtout personne n’est prêt à mettre un centime d’euro de plus dans le budget communautaire. D’un point de vue médical, cela s’appelle de la schizophrénie. Il faudra sans doute un autre choc, peut-être une OPA du russe Gazprom ou d’un géant chinois sur Total ou British Petroleum pour que les Européens mettent enfin leurs actes en conformité avec leurs paroles.

Guillaume Klossa est président d’EuropaNova


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