Le Drongo et l’Indicateur

par JPCiron
dimanche 9 avril 2023

Deux volatiles qui nous font réfléchir sur nous-mêmes

 

Drongo (credit photo : Tom Flower)

https://africageographic.com/stories/drongo-mimics-alarm-calls-steal-food/

 

DRONGO 

Le Drongo est un oiseau intéressant à plus d’un titre : il est intéressant pour ce qu’il est, et il est aussi intéressant par le doute qu’il crée sur la trop belle idée de ce que nous pensons être.

 

Le Magazine SCIENCE en parle (Anglais) :

https://www.science.org/content/article/african-bird-cries-wolf-steal-food

 

Le Drongo est un très bon chasseur.

Mais un gros quart de sa nourriture est « volée » par la ruse.

Pas n’importe quelle ruse...

 

Le Drongo a mémorisé les cris d’alarme de plusieurs dizaines d’espèces différentes : tant oiseaux que mammifères. Quand le Drongo suit un animal d’une certaine espèce, et que ce dernier s’apprête à déguster son repas, le Drongo lance le cri d’alarme spécifique de l’espèce de sa victime… qui s’enfuit… et le Drongo se sert.

 

Il lui arrive de poursuivre les mêmes victimes plusieurs fois de suite. Si le cri d’alarme ne convainc plus, alors il le module, lui donnant une « voix » différente, ce qui le rend à nouveau efficace.

 

Techniquement, qu’est-ce que cela veut dire ?

Tout se passe comme si le Drongo était capable de reconnaître les états mentaux de ses potentielles victimes (leur prévisible réaction en présence de certains signaux), et d’adapter son propre comportement (imitation-reproduction de ces signaux) pour créer une réponse de fuite chez sa victime.

 

Pour ce faire, cela impliquerait conscience de soi et probablement aussi empathie

Quand l’on observe ce type de comportements chez l’homme, on y pense tout de suite…

 

Mais, « par définition » seul l’Homme est sensé bénéficier de ces capacités !

 

Alors, pour le Drongo, on préfère parler de « COMPORTEMENT COMPLEXE mis en œuvre par des MÉCANISMES SIMPLES » tels l’apprentissage par association, ou les relations de cause à effet…

 

On se demande vraiment pourquoi on n'explore pas plutôt l’hypothèse plausible selon laquelle des mécanismes similaires (simples et/ou complexes) permettent à une multitude d’espèces (dont l’homme) de disposer de comportements similaires.

 

C'est-à-dire que l'homme n'est pas une espèce "à part", mais une espèce "parmi" les autres.

 

Drongo (credit photo : Tom Flower)

https://africageographic.com/stories/drongo-mimics-alarm-calls-steal-food/

 

 

D’ailleurs, le Drongo est-il un cas unique ?

Bien sûr que non !

Il y a un autre oiseau Africain que j’adore :

 

"Indicator indicator" (honeyguide en Anglais)

(credit photo  : Bart van Hoogst)

https://observation.org/species/70536/

 

 

L’ INDICATEUR

 

L’oiseau adore le miel.

 

Les ruches d’abeilles sauvages sont souvent situées dans des endroits inaccessibles pour un oiseau Indicateur  : dans un creux d’arbre, ou dans une fissure de terrain. En outre, il craint les piqûres d’abeilles…

 

Alors, que fait-il ? Il a créé une association avec des animaux d’autres espèces qui, eux aussi, aiment le miel… mais qui, eux, sont équipés pour ouvrir une fissure ou une souche.

 

Selon les régions, les oiseaux Indicateur font équipe de préférence avec l’une ou l’autre de ces espèces :

 

A - le Ratel (genre de blaireau)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ratel#/media/Fichier:Honey_badger.jpg

 

B - le Babouin

https://fr.wikipedia.org/wiki/Babouin

 

C – l'Humain

“We can either sit together at the dinner table and eat our difference as brothers and sisters or continue to swim in the abysmal sea of ignorance overflowing with tribalism and hatred for no one but ourselves will remain enemies of African unity.” Mzilikazi wa Afrika ✊🏿 pic.twitter.com/yFJXqHmGVm

— Mzilikazi wa Afrika (@IamMzilikazi) July 23, 2020

 

Comment procèdent-ils ?

D’abord ils partent à la recherche de l’individu de l’espèce qui leur servira d’ « OUTIL sur pattes » pour leur propre projet.

Ensuite, ils vont attirer son attention par un chant spécifique.

 

Une fois que l’oiseau indicateur a été repéré par l'"outil sur pattes", il va voler par étapes dans la direction de la ruche, en allant initialement d’arbre en arbre (et en revenant chercher leur « outil » si celui-ci s’égare…). Puis, en faisant des étapes plus courtes à mesure que l’outil se rapproche de l’endroit. Enfin, il se postera à côté de la ruche… laissant l’outil travailler tout seul.

 

L’outil fera attention de laisser sa part à l’oiseau Indicateur… car il est doté d'une bonne mémoire...

 

Pour moi, cela évoque deux choses intéressantes à approfondir :

 

> Ce comportement a été « inventé » par l’oiseau probablement avant l’apparition de l’homme (voici une paire de millions d’années ?) ou en tout cas certainement en dehors de tout contact avec l’homme dans certaines régions. Inventer un processus nouveau qui implique l’intervention « programmée » d’une autre espèce, est une chose, comme beaucoup d’autres, que l’on croit réservée à l’homme… même quand on nous démontre le contraire !

 

> Utiliser une autre espèce afin que cette dernière vienne lui procurer de la nourriture, cela ressemble aux prémices de la domestication... ou en tout cas d’une collaboration entre intelligences d'espèces différentes.

 

 

Qui a apprivoisé qui ? (photo : Claire N. Spottiswoode)

https://www.smithsonianmag.com/science-nature/these-birds-are-honey-chasers-best-friend-180959871/

 

 

JPCiron

(2014)

 

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