Comment sauver la mer avec un peu de fer

par Luc
mardi 19 juillet 2005

A 250 miles nautiques au sud-ouest des Galapagos, dans l’océan Pacifique, il existe une zone sombre, sans vie, que les cartographes du 19ème siècle appellaient la Zone Désolée. Cette zone est sans vie parce que elle est très pauvre en phytoplancton, cette minuscule algue qui flotte à la surface des océans, et qui réalise 50% de la photosynthèse du globe terrestre !

L’énigme vient du fait que cette zone est riche en éléments nutritifs pour la vie végétale (phosphore, azote, silicium), mais pauvre en phytoplancton. C’est une configuration que les scientifiques appellent HNLC (High Nutrient / Low Chlorophyl). 20% des océans du mondes sont HNLC et personne ne sait pourquoi.

En 1989, l’océanographe John Martin publia dans Nature une théorie étonnante : son hypothèse est que il manque un élément primordial dans les zones HNLC : le fer ! Les plantes ont besoin de petite quantités fer pour produire de la chlorophyle, et dans l’eau des zones HNLC, il n’a pas de fer, et donc le phytoplancton est anémique. Il a dit que, si on saupoudre du fer dans ces zones, le phytoplacton va se développer massivement.

De ce fait, il pense qu’on pourrait fixer des millions de tonnes de CO2. En effet, les algues mortes tombent au fond de l’océan, où le carbone demeure piégé. C’est donc potentiellement un moyen de stopper le réchauffement climatique dû à l’effet de serre !

’Donnez-moi un demi cargo de fer, et je vous donne la prochaine ère glaciaire !’ a-t-il dit en rigolant.

John Martin est mort en 1993, à l’age de 56 ans, quelques mois avant que la mission océanographique qu’il avait planifiée, IronEx 1, soit lancée pour tester l’influence du fer dans la Zone Désolée. Les résultats furent mitigés. IronEx 1 produisit 4 fois moins de biomasse que John Martin avait prévu.

Mais en 1995, IronEx 2, conduit par Kenneth Coale, déposèrent les 500 kilos de fer en trois fois au lieu de le balancer en une seule fois. Cette fois-ci, la mer morte se mit à vivre furieusement. Dès le lendemain, les eaux de la HNLC étaient devenues vertes. Les poissons furent attirés par ces verts pâturages marins, en en quelques jours, les requins et les tortues arrivèrent en masse sur les lieux. Au bout de 15 jours, IronEx 2 avait produit une biomasse équivalente à 100 séquoias adultes, ce qui les firent évoquer ’une explosion de phytoplancton de proportions bibliques’. Ils ont calculés que 500 kilos de fer avaient retiré de l’atmosphère 2500 tonnes de CO2.

Suite à ce résultat extraordinaire, Michael Markels a fondé une compagnie, Ocean Farming Inc. dans le but d’exploiter ce savoir-faire.

Et en 2002, la Planktos Foundation a lancé l’expédition Planktos Iron Ex. 1 pour poursuivre les travaux de John Martin.

Pour en savoir plus :
1. John Martin (1935-1993) (earth observatory)
2. Dumping Iron (wired)
3. Regulation and Ocean Farming (regulationmagazine)
4. The Effect of Iron on Plankton Use of CO2 (Michigan State University)
5. The iron hypothesis : Basic research meets environmental policy (American Geophysical Union)
6. Testing the iron hypothesis in ecosystems of the equatorial Pacific Ocean (Nature)
7. Past Research Cruises (Moss Landing Marine Laboratories)
8. Iron Enrichment Experiment (IRONEX) 1993 (U.S. Navy)
9. The Planktos Foundation

Crédit photo : T.P. Stanton


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