Scène de plage, avec flics

par Bruno Jordan
mardi 19 juillet 2005

La scène se passe à Villers-sur-mer, mais Le Crotoy ou Pornic auraient aussi bien fait l’affaire.

Samedi 16 juillet, 16 H 30. Quelques centaines de baigneurs profitent de la marée montante et d’un temps magnifique pour s’égailler au gré des vagues, insouciants. Soudain, branle-bas de combat. Des CRS, prenant en tenaille lesdits baigneurs, qui au large en Zodiac, qui au bord de l’eau en quad, entreprennent une chasse systématique au baigneur à grand renfort de sifflets et de trompes. Mission : faire sortir de l’eau illico ces paisibles estivants. Petit à petit l’étau se resserre et au bout de quelques minutes le dernier récalcitrant a fini par regagner le sable sec en maugréant.

Un quidam passant par là s’interroge. Pourquoi le drapeau de baignade, vert deux heures plus tôt, a-t-il viré au rouge ? Un banc de méduses approcherait-il du rivage ? Une prolifération de staphylocoques dorés aurait-elle été observée ? Une nappe d’hydrocarbures menacerait-elle la côte ? Et de scruter l’horizon à la recherche du moindre indice. Rien.

Il se dirige alors vers le poste de secours en quête d’information et découvre ébahi le fin mot de l’histoire : baignade interdite à partir de 16 heures pour cause de... meeting aérien !

Quelle relation existe-t-il entre les deux faits ? Les baigneurs menacent-ils la sécurité des voltigeurs ? On en doute. Les acrobates aériens contituent-ils un danger pour les baigneurs ? Et si oui, de quel ordre ? Krash ? Un tel accident peut survenir aussi bien au-dessus du sable qu’au-dessus de l’eau.

On se perd en conjectures. Les responsables de la sécurité ont-ils imaginé que des baigneurs, éblouis par les prouesses de la Patrouille de France en auraient le souffle coupé et risquerait de se noyer ? On n’ose y croire. En toute hypothèse, si on estime que le meeting aérien représente un danger pour les baigneurs, c’est le meeting aérien qu’il faut interdire, pas la baignade. Mais sait-on encore raisonner à l’endroit ?

Se préoccuper de la sécurité de ses concitoyens est louable. Lorsque cette préoccupation tourne à l’obsession et conduit à des prescriptions irrationnelles et à un usage aberrant de la force publique, on bascule dans le délire. Voilà à quels excès conduit la phobie sécuritaire : une ahurissante scène de chasse au baigneur un après-midi de juillet à Villers-sur-mer.

Bruno Jordan (Paris)


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