La rage de dent de Goupil

par C’est Nabum
lundi 20 mai 2024

 

Confusions en série.

 

Il advint que ce jour-là, notre brave Goupil, se levant du bon pied, d'humeur guillerette sans le moindre nuage à l'horizon, se hâta de se mettre en chasse. Une bonne traque vous ouvre l'appétit tandis qu'il n'est rien de plus agréable que de courir le campagnol dans une campagne verdoyante. Certains pourront s'indigner de pareil petit déjeuner quand d'autres estimeront qu'il convient toujours d'assumer sa nature.

Goupil donc ne tarda pas à trouver une proie à sa convenance. Il fit preuve, comme bien souvent de ruse et de rouerie pour parvenir à ses fins, le petit rongeur n'ayant que fort peu de chance d'échapper à son triste destin. Campagnol pourtant mit les gaz et prit ses petites pattes à son cou pour échapper au sort qui lui était promis. Lui qui avait su faire son trou dans ce territoire champêtre, entendait profiter encore longtemps de ce magnifique lieu de villégiature.

Pourtant dans sa course effrénée vers une issue de secours, il perdait du temps et du terrain sur son poursuivant. Il en était à devoir se résigner à la perspective d'une mort peu glorieuse quand dans un sursaut du désespoir, alors que le Renard ouvrait grand sa gueule, il projeta un petit caillou sur son prédateur.

Goupil d'un violent coup de mâchoire qui tomba dans le vide, écrasa le projectile entre les deux molaires aplaties qu'il avait au fond de la gorge. Il manqua s'en étouffer se rendant compte dans l'instant qu'il faisait une fausse route. Le chasseur renonça à son petit déjeuner afin de reprendre son souffle. Il rentrait la queue basse pour regagner l'arbre creux où il avait élu domicile quand il fut saisi d'une violente douleur dentaire.

Le renard, la chose peut prêter à confusion, était la malheureuse victime d'une terrible rage de dent. Il lui fallait consulter dans l'instant une personne de confiance. Il avait appris que non loin de son repère, dans le village tout proche, vivait un Pasteur. L'animal fit alors terrible et fâcheuse confusion entre le berger des âmes et le biologiste qui fit la mauvaise réputation de ceux de sa race. Les approximations sont légion chez les renards aussi.

C'est donc la mine déconfite que Goupil toqua à la porte du bon pasteur qui s'enquit tout naturellement de la raison de sa visite. L'homme étant des plus hospitaliers, voulut offrir à boire à son visiteur une bière, tout naturellement puisque nous étions en Alsace. Cette fois c'est le berger des âmes qui commit bourde en offrant une rousse à son convive.

Goupil en eut une dent contre ce maladroit hôte. Mais, reprenant ses esprits, il ouvrit sa gueule espérant non pas une intervention divine de laquelle sont exclus jusqu'à nouvelle révision du dogme nos amis les bêtes, mais bel et bien une intervention aussi salutaire que sanitaire. Le Pasteur de se récrier devant pareille sollicitation. Que dirait-on de lui si on apprenait dans le bourg qu'il avait soigné un animal réputé nuisible et fort mal vu des chasseurs de l'endroit ?

Le brave homme confia à Goupil qu'il ne souhaitait pas que ses paroissiens bavent à son propos suite à une intervention qui lui serait vertement reprochée. Se piquant pourtant d'humanisme le bon pasteur offrit un cachet d'aspirine à son visiteur pour calmer la douleur et lui laisser le temps de consulter un professionnel de la chose.

Goupil faute de mieux se contenta de cette offrande, bien décidé à consulter le vétérinaire le plus proche puisque désormais, il savait à qui s'adresser grâce aux bons conseils de l'homme du temple. Il s'en alla en quête de ce professionnel mais hélas, il ignorait qu'il vivait dans un désert médical. Sa requête demeura stérile, il s'y cassa justement la dent qui le faisait souffrir. C'est ainsi que sans rien coûter à la sécurité sociale des animaux, il venait de régler son problème.

Il n'est nulle morale à tirer de cette histoire quelque peu tirée par la queue d'autant que le pauvre animal se contenta désormais de ne manger que du fromage.


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