Le choix des mots

par Robert GIL
lundi 17 juin 2024

Si tu décides de te lancer dans les lectures que je te propose, je veux que l’on se mette d’accord sur le sens que je donne à certains mots comme bourgeoisie ou patrons par exemple afin que l’on soit tous les deux sur la même longueur d’ondes. Je sais, certains mots ou expressions ont disparu et ont mauvaise presse, pourtant il faut appeler un chat un chat, ce n’est pas parce que l’on ne parle plus de lutte des classes, d’exploiteurs et d’exploités que ça n’existe plus. La lutte des classes c’est la confrontation permanente entre la classe dirigeante qui possède le pouvoir et le reste de la population. Des révoltes dans l’empire romain, la révolution de 1848, la commune de 1871 en passant par les jacqueries des paysans au moyen âge, toutes ont été sauvagement réprimées par la noblesse ou les différents pouvoirs en guise d’avertissement. C’est pour cela que Karl Marx a écrit : «  L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes  ». La lutte des classes est une lutte économique, politique et idéologique.

Bourgeoisie, patronat, exploitation, riches, lutte des classes ou opprimés sont devenus des mots tabous, et le fait de les utiliser te met presque automatiquement hors-jeux. Pourtant, comment combattre ou parler de choses que l’on ne peut nommer ? On a lissé les mots, fait du politiquement correct, et l’on a empêché toute possibilité de débat de fond. Il ne faut pas que le citoyen ordinaire puisse faire le lien entre les agissements de certaines personnes et sa situation personnelle. Il faut qu’il soit convaincu qu’il vit dans un monde difficile, sous contrôle et qu’il n’y a pas de solution. On le persuade que seul le mérite et l’effort individuel peuvent faire la différence, et que donc, si sa situation ne lui convient pas, c’est forcément de sa faute. Pas étonnant dès lors que certains se réfugient dans la religion, ou sont attirés par des théories complotistes. D’autres idéalisent les anciennes traditions, ou cherchent des solutions alternatives qui ne remettent jamais en question les fondements du système. Donc, ne soit pas choqué par mon vocabulaire, j’utilise ces mots car je ne vois pas comment nommer ces choses basiques, autrement que par leur nom. Ces mots ont une connotation communiste, alors qu’ils étaient utilisés par Victor Hugo, Emile Zola et d’autres grands penseurs bien avant la révolution Bolchévique de 1917.

La société est divisée en deux groupes : ceux qui ont le pouvoir (économique et politique) et les autres. Ce sont deux classes distinctes qui ont des intérêts antagonistes l’une par rapport à l’autre : les maîtres et les esclaves, le seigneur et ses serfs, et aujourd’hui, les salariés qui produisent la richesse et ceux qui l’accaparent et la confisquent. La lutte des classes, c’est la bataille de la majorité opprimée contre la minorité oppresseuse. Elle peut mener à un changement de régime comme la Révolution Française de 1789 ou la Révolution Russe de 1917. La classe dominante bien que minoritaire ne doit sa position que grâce à la collaboration consciente et assumée d’une partie de la classe opprimée. Contrairement à la classe dominante, unie derrière ses intérêts, la classe dominée est divisée en différentes groupes sociaux, ouvriers, employés ou classes moyennes, ce qui pose le problème d’une conscience commune et de l’action collective.

Quand je parle de « capitalisme », je fais référence au système économique dans lequel nous vivons, et que certains appellent aussi, libéralisme ou néolibéralisme, un système politique et économique reposant sur la propriété privée des moyens de production, et du système financier. Le seul but est la recherche du profit maximum, aucune règle morale ne régit ce système économique. Le capitalisme, s’il fait l’apologie de la propriété privée et du « self made men », vient pleurer dans le giron de l’Etat dès qu’il en a besoin. Le capitalisme ne tolère pas qu’un seul secteur qui pourrait être lucratif lui échappe. Tout doit être privatisé, tout monopole doit être privé. Vive la libre concurrence, et le démantèlement des services publics ! Par contre, dès que le capitalisme a un problème de fonctionnement, il demande à l’Etat de le résoudre, et même de combler ses pertes si elles sont trop importantes (1) … C’est ce que l’on désigne habituellement par socialisation des pertes et privatisation des bénéfices.

La Grande Bourgeoisie est la classe sociale dominante qui détient les moyens de production, qui organise et dirige le travail, et qui décide de la répartition des profits. Son intérêt est que les salaires soient le plus bas possible et que le chômage apparaisse comme une punition, et lui serve de moyen de pression. Son poids économique et ses réseaux font qu’elle peut influencer les élections et les décisions politiques. C’est son contrôle sur la quasi-totalité des médias (2) qui lui permet d’orienter les pensées de l’ensemble de la population (6A-B-C). C’est cette bourgeoisie-là, qui est pour moi la clef de voute du système capitaliste. Il existe aussi une petite et moyenne bourgeoisie, constituée de cadres supérieurs, de professions libérales ou d’artisans. Mais même si ceux-ci se rangent du côté de la Grande Bourgeoisie lors de conflits sociaux, ils se placent souvent du mauvais côté du manche ! Il est hallucinant que l’artisan boulanger se sente plus proche de François Pinault ou de la famille Dassault que du smicard qui lui achète sa baguette de pain. Il faut, ensemble, réfléchir à un autre mode de société, car plutôt tôt que tard nous allons à la catastrophe, qu’elle soit économique, sociale, sanitaire, écologique… ou guerrière !

http://2ccr.unblog.fr/2024/06/16/le-choix-des-mots/

Ref ;

(1) Alternatives économiques, le 20/06/2018 : « L’assistanat des riches nous coûte un pognon de dingue ». (2) Acrimed, le 20/12/2022 : « Mediaş français, qui possède quoi ? ».

 


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