Que d’eau

par C’est Nabum
vendredi 22 septembre 2023

 

Le festival sous la goulotte

 

Une animation en plein air, fut-elle marinière et au cœur de l'étiage se trouve fort dépourvue quand la pluie tombe de la nue. Il semble alors que tout s'arrête, que le marin redoute bien plus l'eau du ciel que le vin de la terre tandis que le spectateur se volatilise mystérieusement. Un climat de fin du monde régnerait sur le quai si ce n'était les scolaires qui bravent les intempéries.

Comment leur expliquer alors à ces charmants bambins trempés de la tête aux pieds que les marins ont mis les bouts parce qu'il tombait des cordes et qu'ainsi, en dépit de la superstition qui ne se dément pas, ils leur ont posé un lapin ? C'est alors place aux raconteurs de sornettes, les pieds sur le pierré et le corps abrité sous une ample cape de pluie.

Aucune pluie n'abat le pèlerin, celui qui trace sa route de pied ferme, le bâton à la main. Tandis que le ciel se fâche, il convient de garder la tête froide à défaut d'être sèche et de ne pas oublier ceux qui ont fait le déplacement. Il est certain que du côté des animations, le matériel de sonorisation et les câbles électriques ne goûtent que très modérément de goutter ainsi. Le risque est grand de provoquer un court circuit alors que paradoxalement le courant de la rivière profite amplement de cette offrande céleste.

Ce qui vient du ciel ne sera pas déduit de la côte qui s'affiche au niveau du pont Royal. Le niveau monte même si pour un temps, un temps seulement, il n'est pas sonore. Qui se plaignait un temps de ne pas avoir de retour voit sa demande exaucée quand elle grave les nuages à défaut des écrans. L'artiste aime à se mouiller pour surfer sur la vague d'un succès illusoire.

Les parapluies n'y peuvent rien, ils n'empêchent nullement l'eau de s'inviter à la fête au plus mauvais moment. Elle que l'on n'espérait plus, se trouve ainsi propulsée au rang de vedette Armoricaine, promue au premier rang par un précieux vent de galerne. Seul manque à l'appel les tonnerres d'applaudissement d'un public qui joue à la poule mouillée.

Sur la contre-allée marchande pour une fois, pour une fois seulement, il y coule plus d'eau que de bière ou de vin. Les commerçants font grise mine tandis que le liquide ne vient pas garnir le fond de caisse. Le compte courant à sec, c'est la Loire qui fait la bonne opération, se renflouant quelque peu en profitant de ce virement inespéré.

Continuer plus avant à parler de la pluie sans évoquer le beau temps, c'est faire honneur à l'ami Georges qui n'aimait rien temps que les ciels d'orage. Il faut bien tuer le temps quand celui-ci fait grise mine. La plus sûre manière d'arriver à ses fins est ainsi de déblatérer sans rime de saison sur ce temps de chien dans la ville de ses pareils.

Curieusement au terme de ce billet tombé du ciel, j'avoue me trouver un peu sec pour achever dans la précipitation ce texte qui n'a rien d'un bulletin météorologique. Un petit grain ne doit pas mettre sur le flan un conteur privé d'auditoire. Il se peut que le flot de mes mots vienne enfin regonfler notre Loire qui depuis quelques temps avait petite mine.

J'en arrive au terme de cette pénible litanie aqueuse qui loin de couler de source cherche encore l'inspiration en levant les yeux au ciel. « Agnus Agnus ne vois-tu rien venir ? » interroge les participants du Festival de Loire. « Je ne vois que la Loire qui nous noie et le ciel qui pleuvoit » répond le brave évêque béatifié par la grâce d'un bain de siège et d'un temps de cochon en juin 451.

C'est donc une eau bénite qui oint cette matinée passée le regard tourné qui vers le bulletin météo, qui vers son téléphone ou pour les moins modernes, le nez dehors en guettant une éclaircie qui viendra glisser un point final à cette laborieuse jérémiade.

À contre-pluie.


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