Le totalitarisme bisounours

par Jacques-Robert SIMON
lundi 25 mars 2024

Le monde du numérique ne se cache pas de souhaiter changer le monde, ce qui à certains égards peut être souhaitable. Mais il ne se contente pas d'offrir une technologie novatrice dont chacun raffole, il s'agit aussi de changer l'âme humaine en profondeur.

Même si on peut le regretter, la survenue du totalitarisme numérique est inéluctable. La moindre des activités publiques, privées ou même intimes de tous, sera à la disposition des autorités grâce aux innombrables ressources numériques dont elles disposeront plus ou moins légalement. La Chine n'est probablement pas un modèle, mais c'est le but vers lequel on se dirige. Les démocraties diront vouloir encadrer cette dynamique pour préserver des valeurs fondamentales mais face aux défis qui s'annoncent, qui remettent en cause l'existence même de civilisations, elles ne pourront pas éviter la mise en place d'une surveillance de tous à tous instants.

 Pourtant même pendant les totalitarismes les plus parfaits, il y a toujours eu des dissidents qui souhaitaient tout sauf penser comme les autres. Les samizdats manuscrits ou imprimés s'échangeaient clandestinement dans les cuisines pour éviter les écoutes indélicates. Il y a donc lieu d’être optimiste, même le pire terrorisme numérique pourra être escamoté ne serait-ce qu'en se passant d'ordinateur ou de portable. Des gens non-conformes existeront toujours mais quel prix devront-ils payer ?

 Des socialistes militants prônèrent, durant un temps, un type d’Hommes comme devant diriger tous les autres : il devait être blond, avoir des yeux bleus, un nez droit, être dominateur, créateur, porteur de grandeur et farouche partisan du progrès technique. Le succès fut fulgurant puisque beaucoup des pays d’Europe vont succomber à ces sirènes souvent par des voies relativement démocratiques. Le Parti national-socialiste des travailleurs Allemands obtiendra ainsi 43,91% des suffrages bien que concurrencé par 12 autres partis plus convenables. Le futur peut se répéter mais un autre se superposer.

 Dans un état totalitaire il ne suffit pas d’imposer une idéologie qu’on ne peut que suivre, il faut également imprégner les esprits si profondément que non seulement on accepte cette domination mais encore qu’on la réclame. Les voies célestes d’antan furent remplacées par un peuple mythique déifié auquel chacun voulait appartenir. Les moyens numériques permettent d’obtenir le même résultat tout en faisant montre de sa modernité : on ne peut plus trouver son chemin sans son smartphone, on ne peut plus écrire un message sans son correcteur d’orthographe, on ne sait plus rien trouver sans un moteur de recherche, on ne sait plus penser sans un réseau social… Allié au fait que la règle d’airain imposée par les marchés financiers n’est plus réellement contestée dans aucun pays, le totalitarisme ne se contente plus d’être rampant, il est vif, alerte et sur ses pieds.

 Mais une autre façon de faire est proposée : la domination est un mâle absolu, il faut tout faire pour l’éradiquer. Il est donc proposé un ensemble de lois qui régissent non pas les actes mais le comportement, voire même l’inconscient, des individus. Il ne faut pas être raciste, antisémite, homophobe, pédophile… Personne (sauf malencontreux contre-exemples) ne revendique de faire partie d’une ou de plusieurs de ces catégories. Mais on blâme non pas un comportement, des actes, des actions, mais la nature d’un individu. Penser que l’on est bien au-dessus de beaucoup d’autres par exemple, reflète un trait de caractère qui se retrouve chez beaucoup… voire tous. L’Homme (ce qui inclut les femmes) par sa nature a en lui beaucoup de qualités mais aussi toutes les perversions possibles. Le contrôle de soi doit être la règle mais il ne doit pas être le fait de militants sur d’autres individus qui ne se reconnaissent pas dans leur militance. Il faut accepter ou refuser les actes qui résultent de la maîtrise ou de la non-maîtrise d’un comportement et non pas la nature présumée de l’individu qui les commet.

 Pourtant se dessine de plus en plus clairement une attitude qui consiste à faire entendre qu’un genre particulier serait plus apte qu’un autre à ne pas se montrer agressif, à accepter une collégialité des décisions, à convaincre plutôt que vaincre. Une « race supérieure » se fait ainsi jour qui se démarque de toutes les précédentes car enveloppée de bonnes intentions qui prônent la paix, la douceur, la tolérance. Personne ne sait si une femme de pouvoir sera plus avisée et moins brutale qu’un équivalent masculin, il est fort possible de trouver un pourcentage suffisant de sauvageonnes brutales et sans pitié au sein de n’importe quel type d’échantillon qui se seront emparées du pouvoir.

 Malgré tout, la Justice des Hommes ne devait pas tenir compte du fait qu'on était huguenot ou pas, noble ou roturier… homme ou femme. L’individualité des peines est un principe fondamental de la Justice telle qu’établit depuis la fin des privilèges et de l’arbitraire. Le numérique et la bien-pensance vont donc s’allier pour établir un totalitarisme-bisounours grâce aux réseaux sociaux qui ne tient plus compte de cette individualité. La peine de mort est certes abolie mais pas la peine de mort sociale. Une large panoplie de stratagèmes s’offre pour nuire au téméraire qui n'accepta pas les préceptes affichés par la bien-pensance : accusations diverses, malversations supposées, indélicatesses dissimulées, pensées enfouies malsaines… « On » trouvera toujours les moyens d’abattre les gêneurs.

 Il y a fort à parier que la gent féminine une fois en possession des pouvoirs se comportera, malgré son taux de testostérone plus faible que pour la moyenne des hommes, exactement comme ceux-ci. La fonction crée l’organe. On peut donc se rassurer rien ne changera.

 


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