Considérations informatives

par Alain Malcolm
jeudi 16 novembre 2023

 

1. Il n'y a pas d'époque où l'information n'a pas été importante entre humains, c'est même pour ça qu'on est passé des grognements préhistoriques aux paroles puis à l'écrit historique.

 

2. Bien sûr, bien sûr, bien sûr chers animalistes voire antispécistes, tout le règne animal communique dans ses genres sinon selon ses espèces, et puis d'ailleurs les corps et leurs animations (la seule chose qu'on puisse éthologiquement nommer âme soit dit en passant...)... les corps et leurs animations, les âmes donc, ont une façon bien à eux de s'exprimer gestuellement, mimiquement et attitudinalement même d'une morphologie à l'autre (je dis morphologie pour complaire à l'antispécisme mais si l'impossibilité de croisement sexuel n'étaient pas déjà suffisamment claire, le dimorphisme est là pour entériner la spéciologie – passons, on se met les bâtons dans les roues qu'on veut n'est-ce pas). Enfin c'est bien parce que ce que je nomme les âmes s'exprime qu'il est heureusement possible à une mère de comprendre quelque chose à son bébé au-delà des "il babille" et des "il chiale" et c'est certainement par obstination dépressive-agressive que certains parents détestent leurs enfants, en tout cas que nombre de non-parents croient devoir s'en passer pour "éviter ces problèmes insupportables" (à leur place, j'élèverai mes propres parents au rang de Dieux de m'avoir engendré et élevé alors, pour être un minimum conséquent avec mes griefs anti-enfants).

 

3. A la radio Françoise Dolto disait ainsi que "tout est langage" sur une base lacanienne, encore que Lacan était décidément tout à fait mathématicien linguistiquement quand il disait que "l'inconscient est structuré comme un langage" à t'évacuer pour pathologique la pulsionnalité au privilège culturel simili-catholique du Verbe barrant le sujet (pour les connaisseurs). Pas étonnant que le concepteur de la forclusion ou confinement psychotique, ait forclos soi-même quelque chose tel que le pulsionnel freudien au moins partiellement à le b(i)aiser dans la structure, et il faut rajouter au compte de l'idéologie française un tel "idéalisme lacanien" – selon mes Considérations françaises – et c'est un manipulateur, au reste. Je dis ça parce que c'est triste que les lacaniens devenus milleriens dominent le champ psychanalytique français car ça lui donne bien des airs de clergé alter-catholique, enfin il faut dire qu'on aime ça en hauts-lieux et qu'Emmanuel Macron l'avait hélas exhibé en exposant le Rouge et le Noir sur sa photo présidentielle (encore que ce soit un excellent Stendhal). M'enfin si l'informationnel relève même des domaines qui nous échappent tels que l'inconscient...

 

4. ... d'ailleurs la notion d'information est très édifiante car elle à tout à voir avec l'instruction étymologiquement. En effet si in-former c'est former-en-dedans, in-struire c'est structurer-en-dedans. Alors quand on vous dit de vous méfier de la sursaturation d'info actuelle par complotisme anti-mainstream comme hygiénisme mental, rapport à l'addiction aux notifications, ne restez pas les bras ballants et allez promener vos enfants avec votre chien en forêt plutôt, surtout si vous êtes un de ces commentateurs AgoraVox (ou autre) parfaitement redondant et inutile juste là pour croire trouver de la reconnaissance et de l'autorité en faisant preuve d'"affirmation commentatrice de soi"... Enfin quoi qu'il en soit les infos vous structurent plus que vous ne l'imaginez et l'on a tout autant raison de déconstruire le mainstream à la fin propagandiste – que de s'éloigner des réseaux sociaux et vivre comme une bénédiction nos pertes réseautiques de réputation : après la déprime vient le printemps.

 

5. Déjà dans les clans anciens (tout comme dans les clans modernes évoqués dans mes Considérations entrepreneuriales et administratives d'ailleurs) la question de faire circuler rapidement l'information se présentait lors des dangers. Evidemment que cette question s'est déployée avec "le moment ou tournant axial" de l'apparition des premiers Etats mésopotamiens se déployant progressivement en Empires. C'est même pour ça que l'écriture devint l'instrument sacerdotal et royal des nantis. Quant à savoir si la démocratisation de la lecture ainsi que l'universalisation cybernétique des IT (Information Technologies, comme chez Docteur IT) est une bonne chose, c'est un débat qui n'a pas fini d'être tranché entre complotisme accusant le "technototalitarisme", l'écologisme de l'épuisement des ressources évidemment, l'astroturfing des propagandes marketings, les débordements des réseaux sociaux à cause d'agités, etc. Enfin on a de beaux exemples en Chine, et pas qu'en Chine puisque les GAFAM sont nos petits Chinois à nous autres Occidentaux, glanant surabondamment des données, à faire leur data mining.

 

6. Mais posons-nous une seconde la question quand même de savoir si le data mining est la panacée universelle à pouvoir te confier la gérance de l'humanité à des IA, et la réponse est naturellement non parce que tout ce qui est médiatisé n'est jamais qu'une sédimentation informationnelle cumulative fatalement distordue de la réalité : une métaréalité à la Zuckerberg si vous voulez. Ça peut vous donner des infos utiles à condition d'être bien exploitées sur des tranches-cibles de temps et de personnes, donc les communicants politéconomiques se branlent avec ça, tel que que les GAFAM sont de véritables trous noirs privatifs en collusion establish-entrepreneurists avec le US-gov... Tout cela pris globalement vous conchie un vaste métaréalisme, une notion que je n'invente pas puisqu'elle a été exprimée d'abord par le Russe Mikhail Epshtein dès les années 1980 rapport à ce qui advient du réalisme à l'heure des sciences, et la notion est peut-être à relier au métamodernisme de Timotheus Vermeulen et Robin van den Akker émergeant dans la dernière décennie : on re-veut du Grand Récit vital comme on re-veut de la Métaphysique épistémique, à savoir une mentalité abstraite qui donne une direction quelle que soit par ailleurs l'expérience concrète, puisque l'expérience concrète en a été privée ce dernier siècle par divers facteurs et ne semble pas donner autre chose que des routines techno-économiques précarisées (rendons grâce au corporate world, après le matérialisme dialectique des soviets).

 

7. C'est que l'information ferait partie de la nature-même de la réalité, un peu comme Néo dans Matrix voie les lignes de code ou même une illumination une fois de sortie avec Trinity... On nage là en plein New Age sous CBD vraiment digne d'une BD d'Alejandro Jodorowsky dans l'univers de... Métabarons... et voici bientôt les hordes de moustiques para-quantiques en train de vous laisser croire que le principe d'incertitude remet en cause la nature même de la réalité à l'intriquer avec votre conscience qui en serait participative au point qu'il y aurait un pouvoir magique secret de l'intention. Vous en reprendrez bien une petite pétée ? Enfin les hermétistes le disaient déjà sans avoir besoin de physique quantique à travers les siècles, relisez le Pendule de Foucault d'Umberto Eco, alors pourquoi avoir besoin de mêler le quantique à l'hindou en passant par la psychologie transpersonnelle ?... C'est exactement comme avec la surabondance de notifications réseautiques à croire se donner un sentiment d'"affirmation de soi" commentateur pour ne rien dire : on a littéralement fait du "caca-Bouddha" si je puis me permettre, à tire-larigot avec des infos tous azimuts, mais le fait est que ça déstructure avant tout d'avoir tout amalgamé pêle-mêle dans une prétention absconse et narquoise à l'amour dans l'éveil des consciences enfumées.

 

8. Maintenant on comprend bien que l'information est un pouvoir puisqu'on parle avec elle depuis un moment au sujet des médias du Quatrième Pouvoir. Cinquième avec les médias réseautiques à prétentions "alternatives" parfois, généralement souvent forclusifs au sens lacanien de tout à l'heure (3) à divers degrés : du côté prétendument "décalé" aux bonnes grosses tranches de lard complotiste... et néanmoins ces décalages et ces grosses tranches ont le mérite de stimuler dans leurs genres pour le meilleur et pour le pire, où le pire sert parfois l'émergence du meilleur par sursaut et où le "meilleur" est parfois dénoncé grâce au pire comme illusion. C'est ainsi et ce n'est finalement pas mal quand on veut poser un regard leibnizien sur notre barnum : "tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles".

 

9. La sursaturation des transmissions (de l'édit seigneurial énoncé par un héraut sur la place publique à ta dernière notif Android) vient injecter sur Terre des mots d'ordre par in-structuration in-formative. Et je dis bien injecter bien avant qu'on nous soûle pour ou contre la "vaXXXination". Il y a un principe d'injection, une injectionnalité des infos, afin que tous les pouvoirs – du Premier au Cinquième – in-structurent par in-formation à travers leurs infos comme leurs intox. C'est normal que ça soûle parce que de nos jours vous l'avez là tout contre vous dans votre sac à main, ou votre poche vibrant à côté du pénis, et dans vos mains-mêmes évidemment à le caresser et vous vibromasser de votre Précieux, joliment chanté par Soprano. Ça vous injecte des idées plein la tête algorithmiquement et si l'on veut que vous pensiez à quelque chose il suffit d'une dépêche AFP pour que ce soit relayé par tous diffuseurs, de la plus grande plate-forme numérique à son plus modeste like, plus ou pouce bleu émis par le commun des mortels enjaillé par son expérience-utilisateur et son taux-de-satisfaction dépressif-agressif (après le printemps vient la déprime).

 

10. Comment mieux vous dire que ça suscite une schizothymie et une paranoïdie, conformément à mes Considérations narcissiques ? Et c'est ainsi que l'on se plonge dans l'anonymat : on accepte les cookies FB et YT mais quand c'est une institution ou un "petit site" même d'info qui nous demande notre consentement nous sautons sur l'occasion pour refuser et nous cliquons lamentablement sur un refus de publicités ciblées ou d'enregistrement de l'historique, quand on est un tant soit peu vigilant sur la question. Mais les multitudes émettent des métaréalités et même notre usage vigilant émet des métaréalités d'utilisateur lambda pour usage d'exploitation future. Et comment ferions-nous autrement désormais puisque c'est "le progrès" et qu'"après tout" il y a un certain nombre d'avantages en termes de praticité ?... Quoi qu'il en soit, et "quoi qu'il en coûte", nous avons développé une ire, un courroux, un hyper-narcissisme, et tout en injectant nous luttons contre les injections.

 

11. Nous sommes tous responsables, coresponsables, quoi que les premiers responsables soient les politéconomistes ayant mené de Grands Plans infrastructurels dans le monde à enserrer la Terre comme une pieuvre ou une mygale de leur webs, toiles, réseaux, techno-tentacules, et puis ça moustique dans l'espace proche satellitaire aussi évidemment, on ouvre la conquête spatiale à la concurrence des ultrariches : normal après leurs enrichissements-monstres ces dernières années d'accroissement de l'écart de répartition des ressources entre pauvres et nantis : il faut bien se désennuyer en investissant quelque part et puis "là-haut" pour le contrôle de la Terre c'est encore quelque chose, cf. mes Considérations territoriales. Tous (plus ou moins) coresponsables signifie aussi tous (plus ou moins) irresponsables c'est évident, puisque tout le monde et personne ne veut assumer à se réfugier derrière le sempiternel "on n'arrête pas le progrès". C'est qu'il est porté par la bourgeoisie, cf. mes Considérations idoines.

 

12. Vue l'ampleur panique des choses à ce stade il est permis d'ajouter à l'injectionnalité généralisée autre chose : la panresponsabilité car elle est co-ir-responsable, irresponsable collectivement tout en étant coresponsable impersonnellement. C'est ledit "tout le monde et personne" à divers degrés. Or cette panresponsabilité fait peur : on croyait avec le monothéisme s'être débarassé de la figure du Dieu Pan mais voici qu'il nous revient sous la forme panique des commtechs injectionnelles, Le moment monothéiste ne lui aura pas fait de bien... Matrice absolue faisant de la Terre une Vaste Endocité (une Cité-Planète involuée, close sur elle-même) comme dans lesdites BD d'Alejandro Jodorowsky.

 

13. Dernièrement Pan faisait toujours cauchemarder dans le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro et il faut lire Pan et le cauchemar de James Hillman : nous en sommes tous les nymphes violées par injection. Pan s'est adapté, Pan a évolué : il n'est plus le Dieu naturel, cynique et onanique, des bergers et des troupeaux... il est devenu le Dieu artificiel, sarcastique et narcissique, des ingénieurs et des masses panresponsables nymphatiques.

 

14. Antisémitisme, racisme, colonialisme, écologisme, terrorisme, wokisme : panresponsabilité générale !

 

 

Lire aussi :
- Considérations narcissiques, ou "animeuses" ;
- Considérations gauche-droite ;
- Considérations françaises - pour l’étranger européen, oxydantal* et autre ;
- Considérations émeutières ;
- Considérations sexuelles ;
Condisérations entrepreneuriales et administratives ;
- Considérations territoriales ;
Considérations bourgeoises ;
Considérations décoloniales.


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