Le protectionnisme dérisoire de l’UE sur les voitures chinoises
par Laurent Herblay
mardi 27 août 2024
C’est un feuilleton qui dure depuis des mois, entre annonce de taux de droits de douane, menaces de la Chine, et soutien de l’Empire du milieu par une Allemagne qui lui vend trop pour défendre une protection du marché européen. Nous ne sommes pas au bout du chemin, mais entre la baisse des taux et les exceptions de plus en plus nombreuses, la protection du marché européen risque bien d’être dérisoire.
L’UE sacrifie à nouveau les européens
Il serait temps d’agir. Plus tôt dans l’année, Biden avait annoncé la multiplication par 4 des droits de douanes sur les véhicules chinois, de 25 à 100%. L’UE est à la fois l’ensemble qui protège le moins son industrie (alors que les pays asiatiques sont extrêmement protectionnistes, les usines nationales assurant au moins 90% de la demande intérieure) et celui qui pousse à la transition la plus rapide vers les véhicules électriques, une technologie où notre continent a du retard par rapport à une Chine en position de force. Bien sûr, les droits de douane supplémentaires annoncés ne sont pas négligeables (jusqu’à 36%), mais c’est bien moins que les Etats-Unis, le taux ne cesse de baisser (il était à 48%), et il ne concernera que SAIC, BYD s’en tirant avec 17% et Geely 19%... Pire, bien des fabricants occidentaux, comme Tesla, se contenteront d’un taux de 9%, conservant la Chine comme une base de production compétitive…
Bien sûr, cela devrait pousser certains constructeurs chinois à ouvrir des usines dans les pays européens, comme les constructeurs japonais et coréens auparavant. Mais se posent des questions sur les droits de douane sur les pièces détachées, et notamment les batteries, un angle mort colossal étant donnée la nouvelle répartition de la valeur ajoutée pour les véhicules électriques. Les droits de douane pour les cellules de batteries venues de Chine ne sont que de 1,3%... Globalement, le danger industriel venu de Chine ne doit pas être sous-estimé car il est probable que les ambitions de l’Empire du milieu seront beaucoup plus grandes que celles du Japon et de la Corée du Sud. Pire, l’envahissement du marché européen est autant le fait des constructeurs locaux que des constructeurs occidentaux, qui importent par centaines de milliers des voitures assemblées en Chine, de Tesla à Dacia, en passant par BMW.
Dans ce contexte, les mesurettes de l’UE, qui pourraient encore être limées dans les prochains jours, sont totalement dérisoires. Bien sûr, cela devrait freiner la percée des constructeurs chinois, et notamment SAIC. Mais malgré tout, on peut rappeler que BYD et Geely auront des tarifs proches de ceux appliqués par les Etats-Unis, avant le quadruplement de début d’année. Et la complexité de ces accords fait craindre que des exceptions en tout genre, et autres taux réduits, finissent par garnir de trous énormes le filet protectionniste européen. Malheureusement, ce n’est pas une surprise. Il y a 20 ans, les pays européens dominaient, avec le Japon, l’industrie des panneaux solaires. Malgré le fait que l’installation de ces panneaux est très largement subventionnée, à l’achat, et ensuite via le tarif de rachat de l’électricité, nous avons laissé la Chine s'emparer de ce marché en une dizaine d'années… En clair, l’UE créé un cadre où nous subventionnons notre déficit commercial, et le développement de la Chine à nos dépends (les derniers producteurs européens disparaissant). De manière tristement intéressante, en 2013, l’UE avait menacé la Chine de droits de douane sur les panneaux solaires, avant de capituler…
Cela est d’autant plus grave dans le cas de l’automobile qu’il s’agit de la première industrie, qui génère un nombre d’emplois colossal. Entre le choix d’un passage en force vers l’électrique, technologie dominée par la Chine, et le refus de véritablement protéger notre marché, c’est un nouveau naufrage industriel qui se profile, du fait des mauvais choix de l’UE. Les technocrates européens, avec l’assentiment de nos dirigeants, laissent entrer les véhicules chinois et fuir une partie de la production de nos constructeurs en Asie, qui font venir ensuite leurs véhicules fabriqués en Chine. Bien sûr, les limitations au bonus pour les véhicules fabriqués en Chine sont bienvenues, mais elles sont venues tardivement. Et si l’augmentation des droits de douane est un pas dans la bonne direction, quand on va plus loin que les grands titres, on comprend que les mesures prises sont assez dérisoires et ne freineront pas assez la percée de la Chine.
De manière ironique, l’UE fait un peu comme Donald Trump pendant son premier mandat, dont les annonces protectionnistes finissaient le plus souvent en demi-mesures, sans doute sous la pression du monde des affaires. Car finalement, c’est bien ce que fait l’UE : elle ne défend de l’oligarchie globalisée, sans se soucier des intérêts nationaux, vus comme rétrogrades…