Dominique Rizet, agent secret ou honorable correspondant ?

par Emmanuel Glais
lundi 21 avril 2025

Dominique Rizet, animateur de Faites entrer l'accusé, agirait, bénévolement ou non, pour les services français. Cet article a été initialement posté sur mon blog.

Bien que le reportage de Complément d'enquêtes sur Jeffrey Epstein ressemble largement au premier épisode de la mini-série Netflix, le pas de côté sur le volet français a permis de lever un coin de voile sur une discrète personnalité française du réseau tentaculaire du criminel suicidé. Daniel S. S comme Siad, pourquoi ne pas donner le patronyme ? Des internautes avisés ont eu moins de pudeur que France 2. Mais qui est Daniel Siad ? Nous ne répondrons pas à cette question ici. La proximité de cet homme avec Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell et Jean-Luc Brunel reste à établir. En tout cas il fréquente de hautes personnalités du monde économique et politique aux quatres coins de la planète.

J'ai davantage jeté mon dévolu sur son cousin Hamid (Amid) Richard Siad, un propriétaire de multiples brasseries parisiennes. Il raconte son parcours dans un livre (pas lu), et sur Youtube. J'ai écouté les deux longs entretiens donnés à Abdou Semmar. Siad dit avoir très bien connu le président algérien Tebboune, lorsque celui-ci vivait à Paris dans les années 90. On retrouve également Hamid Richard Siad photographié avec Emmanuel Macron d'une part, et invité par Gabriel Attal à une commémoration d'autre part.

Il prétend avoir aidé la France et son pays natal, l'Algérie, à éviter des attentats et appréhender des terroristes. Son histoire est rocambolesque. Après avoir été pompiste à Paname, il dit s'être enrichi outrageusement grâce à des coups de pouce du politicien d'extrême-droite Tixier-Vignancour (1907-1989) et du banquier Jean-Maxime Lévêque (1923-2014), qu'il présente comme un des plus grands banquiers internationaux de l'époque, et qui avait la particularité d'avoir mené une fronde contre les nationalisations décidées par François Mitterrand, à son arrivée à l'Elysée.

Hamid Siad assure ensuite que son café-resto, dans les années 1980, était fréquenté par des Iraniens, qui à l'occasion se vantaient des attentats à venir. Il aurait alors alerté les Français, mollement, car dit-il, de toute manière les services français connaissaient déjà bien ces Iraniens. L'intervieweur, Abdou Semmar, ne s'est pas montré très perspicace à ce moment là, ce qui entretient un certain flou. Le journaliste, excellent connaisseur du marigot algérois, est cependant en délicatesse avec le régime. Exilé en France, ses apparitions sur la chaîne israélienne I24News, lui valent de gros soucis juridiques chez lui en Algérie. En France, il a déposé plainte pour tentative d'assassinat.

Hamid/Amid Siad raconte comment il est devenu un honorable correspondant, bénévole, pour la France. Puis pour l'Algérie. Avec des échanges parfois avec le Maroc, Israël, et les Etats-Unis. Toujours gratuitement, par patriotisme, haine du djihadisme et amour de l'humanité.

Au détour d'une phrase, à la 29e minute du second entretien, alors qu'il raconte comment il a été amené à collaborer avec les services algériens, il annonce que Dominique Rizet, qu'on savait journaliste, lui a demandé un service (héberger un ami, agent spécialiste du terrorisme algérien). On en déduit que Dominique Rizet est un honorable correspondant français, ou un agent.

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AS : (...) sur la décennie noire (...) est-ce que tu peux nous expliquer (...) comment tu as eu ces contacts au sein des services secrets des Français ? Après avoir joué le rôle d'intermédiaire entre services secrets français (et) services secrets algériens ?

HS : Les services secrets français je les ai connus d'abord à travers l'achat du Fouquet's (...). On m'a convoqué.

AS : Il y a eu une enquête sur toi.

HS : Voilà, il y avait une enquête détaillée. (...) Il n'y avait rien dans le dossier. C'est classé. Je suis devenu ami avec les services qui m'ont convoqués. (...). Les impôts m'ont convoqué, je suis devenu ami avec eux. Et un ami journaliste, qui est Dominique Rizet, qui est toujours une star de BFM, m'appelle et me dit : "Hamid, j'ai un ami, il devait partir en mission, sa mission a été ratée et tout, sa femme l'a mis dehors : est-ce que tu peux l'héberger ?" Je dis "Y a pas de souci." Je l'héberge. Il s'avère que cette personne qui s'appelle Patrick Robert, travaillait sur l'antiterrorisme ; et la chance que j'ai eu, c'est qu'il travaillait sur l'Algérie !". 

Domi 007 ? Pourquoi pas. Un lecteur avisé de sa fiche Wikipedia, à la mention de son service militaire au Service d'informations et de relations publiques des armées, pouvait s'en douter. Cette casquette ne jurerait pas avec ses états de service à BFM, la chaîne de Saadé et Fogiel. Mais ce qui fout la gerbe, c'est que le gus a révélé en direct, en janvier 2015, qu'un otage de l'Hyper Cacher se trouvait dans la chambre froide. Certes, il a présenté ses excuses depuis. Cela suffit-il ? On se souvient que Claude Hermant, figure de l'extrême droite lilloise et ancien indicateur des douanes et des gendarmes, a joué un rôle important dans l'attaque de Coulibaly. Il a été condamné, contrairement à Epaminondas Tsatsis, lié au Mossad (interrogé comme simple témoin, il a dit à la barre que sa fille y travaillait, mais pas lui. Le reste de son audition est peu compréhensible.).

On pourrait s'interroger également sur l'intérêt qu'a porté Rizet aux disparus de Mourmelon, une des affaires non résolues les plus troublantes de l'histoire contemporaine. Wikipedia résume ainsi : "huit jeunes gens, principalement des appelés du contingent, qui avaient fait de l’auto-stop à proximité du camp militaire de Mourmelon, dans la Marne". On lit plus loin : "Le Canard enchaîné révèle, le 31 août 1994, que le SIRPA a commandé en 1987 à Jean-Noël Kapferer, professeur de marketing à HEC, une étude présentant « les disparitions de Mourmelon » comme une légende urbaine. La complexité de l'affaire, la dispersion et l'insuffisance des moyens (au moins onze juges d'instruction), des fautes et des négligences (pertes de scellés, expertises inutiles ou mal faites) ont rendu l'instruction extrêmement longue et chaotique."

Ces éléments me paraissent gravissimes. Au moins autant que les accusations dont Rachid M'Barki va devoir se défendre en justice. L'ancien co-animateur de Faites entrer l'accusé est soupçonné d'ingérence étrangère. Après que BFM ait porté plainte, il a été mis en examen pour abus de confiance et corruption privée passive.

 

"La presse doit être libre, indépendante." Dominique Rizet, parrain de Factuel, dans une vidéo de lancement.

Rizet a donc parrainé Factuel. L'éphémère site d'information était financé par le producteur Stéphane Simon et le banquier d’investissement et essayiste Sami Biasoni (fier membre de la 138e promotion de l’Ecole de Guerre-Terre comme récemment indiqué sur son Linkedin). Le compte X de Factuel est toujours actif. Il se présente sobrement comme "Le nouveau média ordolibéral". Dans sa vidéo de lancement/parrainage, Rizet dit avoir travaillé sur la mort du pasteur Doucé, un autre coldcase qui continue d'affoler les complotistes tendance chasseurs de pédos. Avant Internet, dans L'Humanité du 18 mai 1994, Rémi Darne avait relié L'Elysée à la mort de Doucé, quatre ans plus tôt, via Hubert Védrine.

L'animatrice de CNEWS Christine Kelly était l'autre figure de proue du canard en ligne (dont elle était la "marraine", rémunérée). Kelly ayant longtemps servi la soupe à Zemmour ; Stéphane Simon ayant travaillé à la communication des candidates à la Présidence Valérie Pécresse et Marine Le Pen, on a maintenant une bonne indication de la sensibilité politique, réelle ou affichée, de Dominique Rizet. D'ailleurs, Rizet a animé le 10e congrès du syndicat policier Alliance1.

Je terminerais en vous demandant, cher lecteur, si vous avez une idée des motivations de Monsieur Hamid/Amid Richard Siad dans ce déballage qu'on imagine parfaitement mesuré. Cela a t-il à voir avec sa mise en examen ? Et pourquoi médiatise t-il sa rencontre avec l'ambassadrice de l'Azerbaïdjan, quand les relations entre Bakou et Paris sont glaciales, sinon par besoin de se défendre ? Ce sont de simples hypothèses. J'espère que mon billet sera commenté et enrichi. N'hésitez pas à interpeller tous ceux qui ont pu travailler avec Dominique Rizet, comme Christophe Hondelatte, Frédérique Lantéri ou Christophe Delay à Faites entre l'accusé.

1. J'ignore si Rizet était payé comme parrain de Factuel, à l'instar de la marraine Christine Kelly. En revanche, il précisait à CNEWS  : « « J’anime gracieusement le congrès d’Alliance comme j’avais été approché il y a longtemps par Nicolas Comte d’Unité-SGP police pour faire la même chose, comme je suis intervenu à l’ENM [Ecole nationale de la magistrature, ndlr] ou à la Maison du Barreau. Toujours gracieusement, parce que j’aime et je respecte la police et la justice de mon pays, et que je ne leur fais aucun cadeau quand elles dysfonctionnent. ».

 


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