Loi de février 2005 de l’Assemblée nationale française

par akika
mardi 20 décembre 2005

L’immixtion de la loi dans l’écriture de l’histoire est non seulement une atteinte à la recherche scientifique mais aussi une dévalorisation de la démocratie. Jusqu’à présent, on croyait que soumettre la science à l’idéologie ou à des desseins politiciens était une spécificité des régimes totalitaires.

La loi du 23 février 2005 sur le "rôle positif de la colonisation’’

L’immixtion de la loi dans l’écriture de l’histoire est non seulement une atteinte à la recherche scientifique, mais aussi une dévalorisation de la démocratie. Jusqu’à présent, on croyait que soumettre la science à l’idéologie ou à des desseins politiciens était une spécificité des régimes totalitaires.

Les défenseurs de cette loi pataugent dans l’idéologie au lieu d’utiliser les règles de base de la science historique qui, du reste, a fait beaucoup de progrès depuis son précurseur Ibn Khaldoun, éminent savant maghrébin du XIVe siècle. Ce dernier nous a pourtant avertis que « l’histoire consiste à méditer, à s’efforcer d’accéder à la vérité, à expliquer avec finesse les causes et les origines des faits, à connaître à fond le pourquoi et le comment des événements. L’histoire prend donc racine dans la philosophie.’ »

Pour ne pas s’appuyer sur la philosophie, les partisans de cette loi de février 2005 triturent les faits, nient les causes et les origines d’un phénomène aussi important que la colonisation.

  1. Triturer les faits consiste à dire que ces peuples étaient des barbares à qui on apportait les bienfaits de la civilisation. Les ex-colonisés trouvent cela risible, car ils côtoient encore et toujours chez eux les merveilles de leur architecture, sont fiers du raffinement de leur couture et des délices de leur gastronomie, et sont encore bercés par une poésie d’une grande beauté, écrite dans une langue qu’on dit inimitable.
  2. S’agissant des causes et des origines de la colonisation, tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire qu’elle ne fut pas motivée par la bonté des hommes, mais par des considérations mercantiles, sous la pression de la formidable machine industrielle qui se mettait en place en Europe.

  3. Si on faisait preuve de rigueur intellectuelle, on constaterait que le phénomène de la colonisation est d’abord une violence inouïe contre les peuples qu’on voulait dominer. Elle a eu comme conséquence directe la destruction ou la mort lente de l’économie des autochtones, qui ont été marginalisés économiquement, déclassés socialement et enfin réduits à la misère. Les nostalgiques de la colonisation croient faire oublier ces destructions physiques et la dignité bafouée des peuples en faisant miroiter les "acquis" de la colonisation : terres cultivées, ponts, ports, écoles et hôpitaux, etc. Ils oublient d’une part, que ces infrastructures ont été faites au seul bénéfice des populations européennes, d’autre part, que ces pays en question n’étaient pas des déserts. Ceux qui connaissent l’histoire de la colonisation d’Algérie savent que les soldats français ont été ébahis par la beauté des villas d’Alger, par les cultures de la Mitidja et par l’alphabétisation de la population. À la veille de la guerre d’indépendance, il y avait 500 étudiants algériens perdus parmi 5000 étudiants européens dans les facultés d’Algérie. La population algérienne était dix fois plus nombreuse que la population européenne, mais les étudiants autochtones étaient dix fois moins nombreux. Arrêtons la litanie des chiffres, et essayons d’être philosophes, comme nous le suggère Ibn Khaldoun.

La colonisation est un phénomène historiquement daté, qui a déstabilisé des sociétés qui auraient pu se développer en bénéficiant des nouveautés engendrées par l’ère industrielle, sans passer sous les fourches caudines de la colonisation. Le cas du Japon est un bon exemple de l’ouverture en direction de l’Occident associée à une préservation de la souveraineté.
Il est dommage que l’histoire soit déformée dans le seul but de se déculpabiliser. Elle est le patrimoine de l’humanité que nous devons assumer. Elle est faite de lumières et de ténèbres, faisons en sorte d’augmenter l’aire des lumières pour dépasser à l’avenir l’ère des ténèbres.

Ali Akika, cinéaste algérien.



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