Quelques étymologies

par ricoxy
samedi 29 mars 2025

Quelques étymologies de titres nobiliaires français et étrangers (1/2)

Bien que les titres nobiliaires ne soient plus d'usage actuellement, ils sont connus de tous et sont encore employés, surtout dans certains pays étrangers. De toute façon, ils ont marqué des siècles avant la Révolution française, qui les a abolis – théoriquement (1). Nous allons donc les examiner.

(1) A ce propos, on rapporte cette anecdote, peut-être vraie, d'un noble, un certain monsieur de Saint Janvier, passant devant un tribunal révolutionnaire. Le juge lui demande son nom : « Comment t'appelles-tu ? – Monsieur… Le juge le coupe : Il n'y a plus de Monsieur ! Le noble continue : de… – Le juge : Il n'y a plus de de ! Le noble poursuit : Saint – Le juge : Il n'y a plus de Saint ! Le noble termine : Janvier. Le juge : Il n'y a plus de janvier ! Il s'adresse alors au greffier : Greffier, inscris le nom du ci-devant : citoyen Nivôse. »

Rappelons au passage que monsieur, c'est mon sieur, c'est-à-dire littéralement mon seigneur.

Tout d'abord, le mot noble. De l'italien nobile, venant du latin nobilis  : connu. Nobilis est l'altération de gnobilis : digne d'être connu, fameux, du verbe latin nosco, noscere : connaître. Le contraire de noble est ignoble, du latin ignobilis  : inconnu, de petite naissance, obscur. Beaucoup de personnes en France – et dans le monde – sont ignobles, c'est-à-dire non nobles, de basse extraction. Outre le fait qu'être noble rapporte honneurs et revenus, entre autres avantages, le titre nobiliaire est héréditaire.

 

Un aristocrate, lui, fait partie des meilleurs. Le mot vient du grec αριστος (aristos) : excellent, et ϰρατεω, ϰρατειν (krateo, kratein) : être fort, commander. L'aristocratie, c'est le gouvernement, la domination des meilleurs. Enfin... théoriquement.

 

Empereur

C'est un emprunt au latin classique imperator  : chef d'armée, chef suprême ; du verbe imperare  : commander. La racine est le verbe parere  : préparer, organiser, régler. L'empereur organisait et dirigeait un empire. Il fallait avoir beaucoup d'empire sur soi-même et sur les autres pour accomplir une telle tâche.

Féminin ; impératrice.

 

Roi

Du latin rex, regis : roi ; la racine est le verbe regere  : mettre droit, dresser, régir, diriger. Le roi, homme droit, régissait, dirigeait, redressait tout un royaume… il avait un boulot de dingue.

Un roi sur son trône ("en majesté"), symbole de puissance assise. Il porte une couronne, qui représente la force mentale supérieure qui émane de lui, et tient un sceptre à la main, symbole lui de puissance et d'autorité.

En général, nobles et hauts gradés militaires ont des tenues d'apparat, élégantes, imposantes, qui forcent le respect. C'est le "décore-homme", pour employer l'expression de Jacques Prévert.

Féminin : reine, du latin regina, d'où vient le prénom Régine.

L'adjectif correspondant à roi est royal, du latin regalis, qui a aussi donné régalien, mot qu'on retrouve dans les ministères dits régaliens ("royaux") – sous la responsabilité unique de l'État –, mais occupés maintenant par nombre de ministres plébéiens, non nobles (des "ignobles" [2]). Quant au roi, pourvu qu'il nous fiche une paix royale, on ne lui demande pas plus.

[2] rappelons au passage que le mot ministre vient du latin minus.

Le roi était un souverain qui régnait sur ses sujets. Souverain vient de l'adjectif superus : au-dessus, supérieur, qui a aussi donné suprême. Cf. l'italien soprano  : voix la plus aiguë. Pour les Anglais, un souverain (sovereign) est une pièce d'or, appelée souverain car elle représentait la première fois la tête d'un roi, celle d'Henri VII.

Le sujet lui est soumis. Sujet, du latin subjectus  : soumis, assujetti. Verbe subjicio, subjicere, supin subjectum : mettre en-dessous, placer dessous, soumettre ; formé de sub  : sous, et jacere  : jeter. Donc étymologiquement et spatialement, le souverain est au-dessus, le sujet est au-dessous.

Le roi était aussi un monarque, c'est-à-dire quelqu'un qui régnait seul, sans partage. Dans notre actuelle République, il n'est pas rare qu'un président (littéralement : celui qui est assis devant) se conduise en monarque. L'état du monarque, c'est la monarchie. Monarque vient du grec μοναρχος (monarchos), formé de μονος  : seul, unique, et de αρχος  : celui qui conduit, guide, chef. Verbe αρχειν  : guider, commander. Pour mieux asseoir son pouvoir, le roi (le monarque) déclarait que la monarchie était "de droit divin", en faisant référence à une entité ("dieu"), d'autant plus redoutable qu'elle est invisible. C'est l'alliance du temporel et du spirituel pour mieux opprimer les sujets.

Le radical μονος (monos) a aussi donné moine, celui qui est seul — même s'il vit souvent dans une communauté — et a servi à former un grand nombre de mots.

Serf. La France a connu une forme d'esclavage, le servage, avec les serfs. Serf, du latin servus  : esclave, originellement : serviteur, racine servire : servir. Un serf était attaché à la glèbe et ses droits étaient inexistants.

Curiosité historique : c'est le roi Louis XVI qui abolit le servage en France le 8 août 1779. Le bon peuple, en signe de reconnaissance, le guillotina place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) le 21 janvier 1793.

Le roi en russe se dit korol (король), mot venant du germanique karl  : homme d'âge mûr, homme libre, qui a donné le prénom Karl, et en français les prénoms Charles, Charlotte, Carole, Caroline (cf. Charlemagne : Charles le Grand) – des prénoms royaux, donc.

 

Prince

Ce mot vient du latin princeps, lui-même formé de primus  : premier, et du verbe capere  : prendre ; le prince, c'est celui qui prend la première place. : Princeps a donné principium  : commencement, origine, d'où vient le mot principe en français, et donc principal. Le prince occupait une principauté, du latin principalitatem, adverbe formé à partir de l'adjectif principalis, principal.

Dans le vocabulaire de l'imprimerie, une édition princeps est la première édition imprimée d'un livre d'un auteur ayant vécu avant l'invention de l'imprimerie.

Les Anglais ont des princes consorts ; ce ne sont pas des princes qu'on sort de temps en temps, pour leur faire prendre l'air, mais des hommes mariés à une reine, et qui ont un pouvoir très limité, uniquement représentatif. L'épouse d'un roi d'Angleterre a elle aussi droit au titre de princesse consort. Latin cum  : avec, et sors, sortis  : sort, destin, indiquant un partage de destin. Exemple : feu le prince Philippe d'Édimbourg, mari de feue la reine Élisabeth II d'Angleterre (étaient-ils l'un pour l'autre tout feu tout flamme ?).

Il y a toutes sortes de princes, y compris le prince des ténèbres (le démon) ou le prince de l'enfer (Satan), des princes de l'humour ou princes sans rire (sic, comme Alphonse Allais ou Buster Keaton), des princes charmants, des princes de la mode, etc. La fonction de prince s'est très "démocratisée", comme on voit.

Féminin : princesse, objet de fantasmes de toutes les petites filles.

 

Duc

Le duc est un guide, un conducteur, un meneur ; en effet le mot vient du latin dux, ducis  : meneur, chef ; du verbe ducere  : conduire. Le duc occupait un duché. Tout le monde connaît le duce Mussolini, qui conduisit l'Italie à sa perte et qui connut une fin cruelle (il fut pendu par les pieds à un croc de boucher). Le führer Adolf Schicklgruber fut lui aussi un guide, un meneur, un conducteur. Même racine que le verbe führen  : mener, conduire, diriger, guider. L'Adolf en question mena avec fureur la guerre dans toute l'Europe.

Quant à archiduc, en allemand Erzherzog, c'est un titre princier réservé aux seuls souverains de l'archiduché d'Autriche. Racine grecque αρχειν : commander + latin dux, ducis : meneur, chef.

Féminins : duchesse, archiduchesse. Les chaussettes de cette dernière n'en finissent pas d'être sèches et même archi-sèches.

Marquis

Le marquis, littéralement, c'est celui qui gouvernait une Marche, c'est-à-dire une province limitrophe, une province frontière. Même racine que pour le mot marque, dans le sens de démarcation, limite (la marque est un signe ou une ligne de démarcation, de séparation). Le domaine d'un marquis était un marquisat. Cf. la vieille chanson Aux marches du palais, farcie d'allusions érotiques, et où les marches ne sont pas les degrés d'un escalier.

Féminin : marquise, pour qui tout va très bien, comme le répète la chanson de Ray Ventura. Un ancien sens de marquise était tenancière de lupanar. Quant à la marquise ou verrière au-dessus d'une porte d'entrée, c'était au début un pièce de toile pour protéger des intempéries.

 

(Étant donné la longueur de ce petit essai, en raison du nombre de mots étudiés, il a été scindé en deux parties. La suite dans un prochain article).

 


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