Le keffieh brūle

par C’est Nabum
vendredi 5 mai 2023

 

Tempête du désert.

 

Il advint qu'un petit lutin, habile de ses pieds au point d'être capable de transformer des semelles de plomb en lingots d'Or, le plus grand prophète de la nouvelle religion planétaire au point que son patronyme fait référence à l'un de ses plus glorieux devanciers, se trouva prit dans un curieux engrenage. Comme bien souvent dans les mécaniques de précision, un petit grain de sable est souvent en mesure de bloquer les plus belles mécaniques.

Il est vrai que le Prince des pelouses ne pouvait se douter que prendre le large pour aller baguenauder dans un autre désert que celui de son employeur, allait mettre le feu aux keffiehs. Ce pauvre garçon, ignorait que le port de Lorient doit son nom à ce lointain Orient qui fut déjà en ce temps lointain un Eldorado tangible.

En ignorant le message envoyé par des besogneux, petits merlus, humbles gueux qui n'oublient jamais de mouiller la vareuse pour honorer leur contrat, le lutin prit le large un soir de tempête, sans se soucier de demander l'autorisation à son pourvoyeur de fortune. Faire un pied de nez à un Émir vous place immédiatement dans la ligne de mire de son impitoyable vengeance.

Le facétieux petit artiste des pieds se pensait à l'abri de toute réplique. Son statut, son aura, sa renommée, son palmarès constituaient une inexpugnable forteresse dans laquelle, il ne risquait absolument rien. Il s'émancipa donc des règles d'usage de courtoisie et de pratique professionnelle, pour s'en aller traiter des affaires au nez et à la barbe de son généreux donateur qui cette fois, n'apprécia absolument pas son incartade.

Qu'on puisse se fiche ouvertement de lui, il n'en avait cure. Depuis qu'il s'est offert une danseuse parisienne, il a pris l'habitude des railleries, des échecs, des caprices de ses obligés, du fiasco de ses investissements, du ridicule de son entreprise tout autant que de la vacuité de son projet. L'argent ne compte pas pour lui et il n'attend nul retour sur un investissement qui n'est en fait qu'un Cheval de Troie pour assoir sa respectabilité dans un Occident qu'il méprise mais dont il veut s'attirer les suffrages.

Mais cette fois, son employé avait dépassé les bornes en faisant allégeance à son ennemi juré, un autre Prince du désert aussi peu soucieux de démocratie et de principes que lui-même. Il avait atteint son heure de gloire avec sa parodie de compétition sportive mondiale, il voyait venir la réplique de ce maudit voisin, désireux de faire mieux en s'offrant ce vil traître sans patrie. La coupe, fut-elle du monde était pleine.

Le lutin serait mis à pied. Pour un artiste de cette spécialité, la mesure aussi symbolique soit elle, a coupé les jambes et la parole à plus d'un officiant de la nouvelle religion. On privait les fidèles de leur opium durant quinze jours et sans doute beaucoup plus car sur le coup de la vexation, le lutin allait passer la main et faire un pied de nez à des adorateurs qu'il n'a jamais respectés.

Quinze jours sans spectacle, répétition ni salaire, si tout cela semble dérisoire, la somme économisée permettrait de nourrir bien des affamés sur cette Terre. La dérision et la démesure se donnent ici la main pour une fois encore éclabousser de leur morgue les conversations de café du commerce.

Dans cet univers de renards du désert, voilà bien l'épilogue qui convenait à cette farce qui durant deux années, sema l'illusion et le mépris pour que perdure un peu plus, cette monstrueuse manipulation. Le petit lutin n'est rien d'autre qu'un pantin dérisoire au cœur d'un château de sable qui s'est construit sur aucune fondation solide. Dire que d'anciens présidents de notre Ripoublique ont cautionné et certainement profité grandement de cette parodie sportive ! Pendant ce temps, le Petit Prince du ballon rond réclame à son nouvel ami « S'il te plait, dessine-moi, un nouveau stade pour mes moutons bêlants. »

À contre-pied


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