Le Lyon-Turin ne sera pas

par olivier cabanel
mardi 16 avril 2024

Voilà plus de 33 ans que nous sommes harcelés par les promoteurs de ce projet, et les raisons pour affirmer qu’il ne se fera jamais sont nombreuses, mais il y en a une qui est primordiale…

Nombreuses, oui en effet… :

Voulu par 3 acteurs à son début, ceux-ci ont fait « pschitt »…

1° Louis Besson, alors ministre des transports sous Mitterrand, rêvait d’une gare TGV à Chambéry à son nom…

Oups ! Les dernières décisions concernant le trajet l’éloigne de la capitale savoyarde le faisant passer plus au Nord...lien

2° Charles Millon, alors président du conseil régional de Rhône-Alpes, était le deuxième acteur du projet qui passait par Lyon...

Oups ! Le tracé s’arrête à plus de 35 km de Lyon, à Grenay, pour rejoindre la capitale, et les voyageurs qui voudraient aller à Lyon devraient trouver une autre solution pour y aller.

De plus, la métropole lyonnaise est passée dans les mains d’un pouvoir qui « ne présage pas de leur soutien au Lyon-Turin ». lien

3° Grenoble, sous la coupe à l’époque d’Alain Carignon, soutenait le projet, mais aujourd’hui, l’édile (et ses casseroles) a cédé sa place à d’autres qui ne veulent plus du projet. Lien

Voilà donc les 3 acteurs historiques écartés et un projet qui n’est plus soutenu par la métropole de Lyon. lien

Les promoteurs du projet ont avancé un argument massue : il y aurait 10 000 emplois créés…(dixit un artisan plombier), lien

Oups ! Un tunnel ferroviaire équivalent, celui du St Gothard, a permis la création de seulement 2400 emplois. Lien

De plus, ces emplois étaient en majorité des immigrés…

Plus étonnant, du côté italien, ils avaient poussé le bouchon encore plus loin, évoquant le chiffre de 50 000 emplois. lien

Autre argument mis en avant par les tenants du projet : le gain de temps de 2 heures...

Ce qui reste à prouver, ces chiffres sont illusoires car sur la ligne actuelle, le train s’arrête dans de nombreuses gares, ce qui n’est plus le cas dans le projet voulu.

Et puis, s’il est vrai que nos TGV actuels peuvent rouler à 320 km/h, c’est seulement hors tunnels, et ceux qui circulent sous la Manche, le font à moins de 160 km/h. Lien

Or, le « Lyon-Turin », comporte près de 162 km de tunnels, sur les 270 km du projet, (lien) tunnels dans lesquels il faudra rouler plus lentement…

En effet, au-delà du problématique tunnel de base de 57,5 km, il y a entre autres les tunnels de Chartreuse, de Belledonne, et des tunnels plus petits en Nord-Isère. lien

Quant au prix du chantier, estimé préalablement à 8 milliards, la Cour des Comptes a refait les calculs et évoque maintenant 30 milliards, sachant que ce chiffre sera évidemment dépassé. lien

En ces temps de rigueur budgétaire, avec une dette qui a passé le cap des 3000 milliards, est-ce bien raisonnable ?

Mais le plus étonnant, c’est que le Lyon-Turin existe déjà, la voie historique qui relie les deux villes a d’ailleurs été l’objet d’une modernisation qui a coûté 1 milliard d’euros, afin de permettre le passage de plus de fret ferroviaire.

Mais le mieux est à venir…

Car, alors qu’en 1984, plus de 8 millions de tonnes transitaient par ce tunnel, en 2021 ce chiffre est tombé à 2,7 millions de tonnes. lien

Sur la voie historique rénovée, il ne passe plus que 24 trains, soit 3 fois moins qu’auparavant…

Pour le fret, c’est pire : alors qu’en 1998 il circulait 50 trains dans chaque sens entre la France et l’Italie, il n’en circule aujourd’hui plus que 10. lien

Daniel Ibanez, l’un des opposants, ne dit pas autre chose : « prétendre que la ligne historique est saturée ou obsolète, c’est mentir  ». lien

Normal dès lors que des élus demandent une intensification du trafic sur cette voie historique, afin que les investissements faits servent à quelque chose...et ils réclament surtout l’arrêt immédiat du projet. lien

Une autre raison d'arrêter les dégâts porte sur la question de l’eau…

La Maurienne est aux premières loges, et les travaux des descenderies ont provoqué le tarissement des sources obligeant les promoteurs du chantier à construire 5 km de tuyauterie afin de ramener l’eau dans les fontaines des villages, notament à Villarodin-Bourget. lien

Ajoutons que des cavités mystérieuses ont été découvertes retardant l’achèvement des puits de ventilation. lien

Ce n'est pas tout…

on s’est souvent interrogé, ici ou ailleurs, de la lenteur à trouver un financement pour la totalité du projet, alors que l’U.E. était prête à payer une partie du chantier, 40 %, pour la partie internationale du projet, (8,6 milliards) c’est à dire, le tunnel de base, soit 3,44 milliards d’euros...sur 30 milliards, c’est bien, mais c’est largement insuffisant.

Amusant aussi de constater une fois de plus les manipulations d’une certaine presse qui n’hésite pas à arrondir la somme à 4 milliards...lien

dans la série gros mensonges, un autre média affirmait que près de 38 km du tunnel de base auraient été creusés. Lien

On essaye de comprendre pourquoi les gouvernement italiens et français qui disent vouloir à tout prix ce projet n’aient pas encore réussi à boucler ce budget ?

La réponse peut surprendre, et pourtant…

il faut savoir qu’il existe sous les Alpes 2 tunnels routiers entre la France et l’Italie, le « Fréjus » et le « Mont-blanc ».

Or ces tunnels sont gérés par des sociétés écran, mais l’actionnaire principal est l’état français à 84 %. lien

Ajoutons pour la bonne bouche que la situation financière du Fréjus n’est pas au top, comme l’a constaté la Cour des Comptes, s’il faut en croire « le Moniteur  », qui écrit dans un article récent : « selon les éléments disponibles, notamment son coût final et le trafic constaté, son bilan actualisé serait négatif (…) le trafic de poids lourds constaté, qui procure l’essentiel des recettes, est inférieur de plus du tiers aux prévisions... ». lien

Or, le trafic routier sous ces tunnels est à 70 % constitué par des poids lourds, lesquels doivent s’acquitter d’un péage de 590 € à chaque aller-retour. lien

Si demain, le fret échappe à des poids lourds, pour aller sur le rail, c’est la faillite assurée pour ces 2 tunnels, et donc pour la France.

On comprend dès lors bien mieux les errements de l’état qui, tout en se disant favorable au Lyon-Turin, arguant la défense de la cause environnementale, peine à mettre la main à la poche...

Alors abandonner ?

Pour les promoteurs du projet, les travaux seraient trop avancés pour tout arrêter… et ils assurent que la situation est irréversible. lien

Ce qui reste à prouver, car au-delà des descenderies qui ont été réalisées, (et qui font seulement partie des études), pour le percement du tunnel de base, 115 km (soit 2 fois 57,5 km, puisqu’il y a deux tubes) seulement 11 km auraient été creusés, sans les ouvrages techniques qui permettent l’utilisation. lien

D’ailleurs le Lyon-Bordeaux vient d’être abandonné pour cause de non rentabilité : le tribunal de commerce de Cahors évoque : « une dette qualifiée d’insoutenable pour la jeune coopérative », (Railcoop), qui gérait le tunnel : un déficit abyssal de 4,3 millions d’euros pour 2022lien

Sans oublier le gâchis monumental du tunnel ferroviaire sous les Pyrénées, entre Perpignan et Figueras, qui finalement a fait faillite : le gouvernement a dû payer les pots cassés...10 ans pour faire 40 km, et finalement un échec cuisant. lien

Une lueur d’espoir a brillé furtivement lorsque la France, suivant l’avis du C.O.I., a décidé de reporter de 10 ans la réalisation du projet...lien

Comme dit mon vieil ami africain : « on ne planifie pas un échec, mais on échoue par manque de planification ».

Le dessin illustrant l’article est de Charmag

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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