France - Brésil, un monde d’écart

par libaber
mercredi 14 juin 2006

Huit ans après la fameuse finale de Coupe du monde, les deux sélections reines du football international ont suivi leur voie. Voies diamétralement opposées.

12 juillet 1998 : une date désormais inscrite à jamais dans la mémoire collective et footballistique. L’histoire du ballon rond, pour sa part, retiendra l’avènement d’une nation, la France, trop souvent malheureuse dans le passé et enfin récompensée, victorieuse 3-0 d’un Brésil provisoirement déchu du trône mondial. Huit ans plus tard, alors que les deux équipes viennent de faire leur entrée dans la compétition en Allemagne, l’occasion est toute trouvée pour s’interroger sur leurs évolutions respectives.

A première vue, peu de chose, si ce n’est le résultat, distingue la prestation des Français, auteurs d’un piètre 0-0 face à la Suisse, de celle des Brésiliens, vainqueurs 1-0 d’une Croatie très accrocheuse et talentueuse. Pourtant, à y regarder de plus près, comment ne pas sentir l’immense fossé qui s’est creusé entre les tricolores et les auriverde ?

Contre leurs voisins helvètes, les Bleus de Raymond Domenech n’ont jamais semblé dominer leur sujet. Comme autant d’élèves doués rongés par l’angoisse de la page blanche le jour de l’examen. A l’instar des apprentis philosophes du baccalauréat, les joueurs français ont tenté de répondre à la question : "Cela a-t-il un sens de vouloir échapper au temps ?" Résultat : une approche trop scolaire, un devoir insipide et, au total, une copie bâclée. Heureusement pour ces élèves un peu limités, il s’agissait de la première épreuve, rien n’est encore compromis. Du moins mathématiquement. Car, à voir jouer Zizou et compagnie mardi soir, il y avait bien du souci à se faire. Hormis Makélélé et Barthez, irréprochables, personne n’a semblé jouer à son niveau, face à une Suisse indigente. Henry ? Complètement à côté de ses pompes, incapable d’accélérer ou même de décocher un tir digne d’un joueur pro. Vieira ? A peine a-t-on remarqué son grand corps malade sur le terrain. Ribéry ? Remuant mais trop impressionné par l’enjeu pour faire les bons choix balle au pied. Quant au roi Zizou, on l’a senti impuissant et incapable de mener ses hommes à la victoire. Certes, il faisait chaud, la pelouse était sèche, mais invoquer tant d’excuses pour justifier un non-match frise le ridicule. Bref, une entrée en matière très laborieuse pour les Bleus, à double-tranchant. Côté pile, ils ont volontairement joué avec le frein à main, histoire de ne pas gaspiller trop d’énergie dès le premier tour. Côté face, ils n’ont pas trouvé le levier de vitesse pour passer la seconde, hypothèse plus probable et plus inquiétante. On prend les paris...

Zidane - Ronaldo, même combat

Les Brésiliens, quant à eux, s’en sont bien mieux sortis. Contre les Croates, ils ont assuré l’essentiel, grâce à un (joli) petit but de Kaka en première mi-temps, et quelques arrêts du gardien Dida en deuxième. Ensuite, les quintuples champions du monde ont souffert face aux coéquipiers de Prso et Kranjcar, que l’on n’attendait pas à pareille fête. Mais quel plaisir de voir jouer les danseurs de samba ! Même au ralenti, Ronaldinho et ses compères ont le rythme dans la peau. Jeu court, redoublement de passes, actions spectaculaires, quel régal ! A la différence de la France, le Brésil n’a jamais paru hors-sujet, juste en ballottage. Avec, sous le capot, une puissance offensive encore en rodage mais que l’on devine monstrueuse. Au milieu, Ronaldinho n’a pas brillé, bien pris en tenaille par la défense croate, sans toutefois démériter. Il a laissé la vedette à Kaka, remarquable de limpidité et d’efficacité. Sur les ailes, Roberto Carlos et Cafu ont réussi a démontrer que le temps ne fait rien à l’affaire : quand on est bon, on est bon. Finalement, un collectif bien huilé, qui ne demande qu’à exprimer sa joie de jouer. Seul hic notable pour les Sud-Américains, la petite forme de leur paire d’attaque, Adriano et Ronaldo. Ce dernier, critiqué pour son dilettantisme et ses kilos superflus, n’a pas franchement rassuré ses partenaires. Comme Zidane, le poids des ans semble peser plus que jamais sur les épaules du fenomeno. A croire que le Real Madrid est devenu une maison de retraite de luxe pour footballeurs lessivés...

Dommage pour ces deux génies du foot, dont les routes s’étaient déjà croisées, il y a huit ans, au Stade de France. Deux destins formidables, mais aujourd’hui deux idoles en perte de vitesse. La seule différence, c’est que Ronaldo peut toujours compter sur son équipe. Brazil is still Brazil !


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