La place des femmes dans le sport de haut niveau, les inégalités persistent

par Eliane Jacquot
samedi 4 septembre 2021

La France peut être fière des performances réalisées par ses athlètes féminines dans le cadre des JO de Tokyo en ce mois d'Août 2021. Elles ont remporté 18 médailles dont 3 en or, la majorité d'entre elles étant obtenues dans des sports collectifs féminins ou mixtes. Tous sports confondus, la France se situe à la huitième place des nations avec 33 médailles dont 10 en or, en deçà des objectifs qu'elle s'était fixé.

Pierre de Coubertin, fondateur des JO de l'ère moderne en 1896, n'avait pas souhaité y accueillir des femmes parce que dans son esprit il s'agissait de compétitions entre athlètes mâles occidentaux devenus les élites sportives de la modernité industrielle. Que de chemin semé d'embûches accompli depuis lors ! Aux JO d'Atlanta en 1996, le sexe féminin ne représentait que 34% des participants, alors qu'à Tokyo l'équilibre entre les sexes est atteint avec 49% de femmes parmi les compétiteurs, l'égalité parfaite devant être réalisée à l'occasion de Paris 2024. Dans le difficile contexte sanitaire du moment, ces succès revêtent une dimension symbolique observée au travers les liens de solidarité et d'entraide observés chez nos représentantes devenues des héroïnes... éphémères. Leurs performances sont une incarnation de la nation qui a su fédérer la population au delà des clivages politiques et des diversités territoriales en créant un fort lien sociétal.

Dépassement des stéréotypes de genre

Historiquement les performances physiques ont été associées aux paradigmes de la virilité , limitant largement leur accès au sexe féminin. Jusqu'à la moitié du XXè siècle les institutions existantes représentées par le mouvement olympique et les fédérations internationales s'opposent au développement des activités sportives pour celles qui demeurent des filles et des mères destinées au foyer, le sport ne concernant qu'une minorité de jeunes femmes cultivées pratiquant le tennis et l'équitation. Ce n'est qu'à partir des années 1960, période de démocratisation des loisirs, de scolarisation plus longue et plus ouverte socialement que l'on assiste à l’émergence d'une société devenue de plus en plus égalitaire. De nos jours certaines sportives ont porté les couleurs de leur discipline très haut, repoussant sans cesse leurs limites de par leur courage, leur détermination et leur moral de battantes tout en affrontant des milliers de commentaires sexistes. Quand aux JO d'Athènes en 2004 Laure Manaudou donne à la France une médaille d'or olympique, elle n'a que 20 ans et fait preuve d'une grande humilité. En cette année l'équipe de France féminine de handball remporte le premier titre olympique de son histoire, hissant très haut les valeurs de l'esprit d'équipe . La prestation la plus remarquable est réalisée par Clarisse Agbegnenou qui décroche à 28 ans l'or olympique en individuel et en épreuve par équipe mixte de judo, laissant une empreinte dans nos esprits bien au delà du sport.

Difficultés spécifiques rencontrées dans le sport de haut niveau

Les critères de l’excellence sportive sont définis en France par une Commission nationale permettant aux élues la participation aux JO, Championnats du Monde et d'Europe. Depuis les années 1990 la répartition entre les sexes tend vers plus de parité . C'est ainsi que leur nombre s'élève à 5943 soit environ 39% des athlètes listés de haut niveau (Source, Ministère des Sports) accélérant en cela l'ouverture salutaire des terrains sportifs dans toutes les disciplines.

Une initiative récente « Sport pour la Génération égalité » a été lancée au niveau mondial par ONU Femmes, permettant de responsabiliser les jeunes filles et les femmes dans et à travers le sport et visant entre autres à

-promouvoir les femmes dans des postes à responsabilité dans les instances dirigeantes en luttant contre les barrières invisibles leur permettant de n'être plus simplement un quota dans l'organisation du CIO et des fédérations internationales.

-promouvoir une plus grande couverture médiatique du sport féminin sans préjugés sexistes compte tenu de son puissant effet multiplicateur dans l'opinion.

-promouvoir la reconnaissance des sportives de haut niveau en matière de revenus salariaux, largement inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, tout en anticipant des parcours de formation et leur reconversion en mettant en place un double projet sportif et professionnel.

-combler les lacunes en termes d'investissements qui leur sont alloués.
 

Pour élargir le sujet, nous savons que le sport olympique est un outil majeur du rayonnement d'une nation à l'international de par son rôle diplomatique. Le constat du bilan mitigé de la France qui n'a pas atteint son objectif fixé à 40 médailles à Tokyo doit s'appuyer pour l'avenir sur la dynamique de réussite des sports collectifs. A ce propos Brigitte Henriques première femme élue présidente du Comité National Olympique et Sportif français il y a peu souhaite assurer la réussite des JO qui se tiendront à Paris en 2024 tout en soulignant dans une déclaration récente que les moins de 1% dédiés au Sport dans le budget de l'Etat français devraient être largement revus à la hausse. Son objectif est aussi de promouvoir la mixité à l'encontre de toutes les barrières et discriminations. C'est aussi l'ambition du pôle haute performance de l'Agence nationale du sport, Groupement d’Intérêt public crée en 2019 qui souhaite propulser la France dans le cercle des 5 premières nations d'ici trois ans. En aura -t-il les moyens humains et financiers ?

 Eliane Jacquot 


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