Nez rouge et Carambar

par C’est Nabum
mardi 3 janvier 2023

Truculence et passion.

Il fut l'un de ces innombrables bénévoles qui, dans l'ombre, sont l'âme d'une association, la cheville ouvrière fidèle, efficace tout autant qu'indispensable. Il fut le serviteur d'un seul club auquel il a voué son existence avec une passion jamais démentie. Il y a sans doute laissé sa santé, oublié sa vie personnelle, dépensé le peu qu'il avait. Il est à ce titre un parmi des milliers d'autres dans le monde sportif, ces dirigeants sans lesquels rien ne serait possible.

Pour Gilles ce fut jusqu'à son dernier souffle, sa dernière facétie, son ultime pirouette le Rugby club Orléans. Il fut le père de tous ceux qui jouèrent un jour dans une des équipes qu'il accompagnait, distribuant sans compter des carambars et des blagues, se permettant des traits d'esprit qui seront à jamais sa marque de fabrique.

Il y avait en lui une truculence toute rabelaisienne tandis que les habituelles conventions de l'hommage ne doivent pas effacer qu'elles étaient parfois d'un goût douteux et c'est en cela que nous l'aimions aussi. On ne pourra jamais évoquer son tonitruant : « Excusez-moi, je me croyais à table » qui résonnera longtemps durant les banquets d'après match. Il était dans l'excès, excès de vie, excès d'amour pour les tous petits du club, excès de passion qui lui faisait perdre toute objectivité, excès de larmes à la moindre émotion.

C'était un caractère bien trempé qui cachait des montagnes de sensibilité à moins que celle-ci ne fleure la sensiblerie. Il se donnait totalement à ces petits, qu'ils furent de très jeunes enfants découvrant le jeu de la balle ovale et un étrange barbu grimé en mère poule ou de jeunes adultes pour qui il était le confident, l'amuseur, celui qui mettait tout en œuvre pour leur rendre un service ou dénouer une situation critique.

Que ce soit avec son nez rouge quand il devenait l'éducateur atypique qui mettait la dimension affective au-delà de tout pour faire de « ses petits » des jeunes pousses capables de faire des miracles pour faire plaisir à Gilou ou bien avec sa cravate aux couleurs de son club de cœur, dirigeant exemplaire de rigueur administrative avant de basculer dans l'effervescence du supporter chauvin, il se donnait corps et âme à son maillot.

Le RCO a perdu non pas un éducateur ou un dirigeant parmi les autres, le club se trouve orphelin de sa figure de proue, d'un emblématique personnage connu de tous dans la région, apprécié de tous ceux qui un jour ou l'autre ont croisé sa route. Reviennent alors en mémoire les blagues rituelles de cet éternelle farceur, les répliques cultes qui doivent s'en aller avec lui, puisque le grand arbitre céleste a décidé de l'appeler pour égayer le paradis.

Je lui devais bien ce billet tant il fut pour les équipes que j'ai entraînées dans ce club un dirigeant admirable, un être d'exception, un rouage essentiel à l'épanouissement des jeunes adultes qui apprirent à son contact ce que sont les valeurs humaines. Je ne cacherai pas non plus qu'un tel engagement supposait de petits travers qui en faisait un digne héritier de Gargantua. Homme entier, son incroyable complexité en faisait l'éducateur référence, le personnage clef de ce club, si loin parfois de l'austérité de certains dirigeants.

À l'heure de tous les hommages, il sera unanimement encensé, ce qui n'est que justice en gommant les aspérités de ce personnage digne de figurer dans les films de Mocky. Au risque de déplaire aux hagiographes officiels, ce sont ces deux faces que j'entendais évoquer ici, sans nulle intention d'égratigner sa mémoire, car il était véritablement constitué de cette dualité qui n'appartenait qu'à lui. Je ne peux me souvenir de Gilou qu'en mêlant Nez rouge et carambars, passion et excès, truculence et dévouement, émotion et grivoiserie. Il était ainsi et lui rendre hommage c'est le restituer dans ces deux dimensions.

Bon vent monsieur Gilles.


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