Si vous n’êtes pas content, pourquoi ne pas créer votre propre pays ?

par Damien Personnaz
vendredi 25 février 2011

Le Royaume des Gays et des Lesbiennes des îles de la mer de Corail. Seland. La Principauté de Hutt River. Cela ne vous dit rien ? Pas étonnant : ces entités territoriales sont réelles mais n'existent pas vraiment non plus. 

Il y a un mois, le cyclone Yasi a provoqué des dégâts considérables dans l’Etat du Queensland, en Australie, et dans les îles et les atolls qui constituent la Grande barrière de corail.

Du coup, je me demande ce qu’est devenue la communauté gay non permanente du Royaume des Gays et des Lesbiennes des îles de la mer de Corail.

Ce Royaume s’est déclaré indépendant en 2004. Il a un drapeau, un hymne national, des timbres, un site internet et un empereur, Dale Andersen – alias Dale 1er. Il vit à Brisbane avec son cousin gay. Il y a même un code postal (0000).

En 2004, un groupe de militants homosexuels, forts mécontents de la décision du Gouvernement australien d’interdire le mariage entre personnes du même sexe, mit le cap sur la plus grande île du groupe de la mer de Corail, l’île de Cato.

A bord du « Gayflower », ce groupe d’activistes d’hommes et de femmes enragent. Ils déclarent officiellement la guerre à l’Australie, une fois le pied posé sur cet atoll de 1,5 km2. Il n'y a rien, sauf une petite colline juchée à six mètres au-dessus de l'océan Pacifique. 

Une semaine plus tard, et comme le Gouvernement n’a ni répondu à cette belliqueuse requête, ni envoyé l’armée munie de canons et des missiles pour les déloger, ils se sont officiellement séparés de l’Australie et ont instauré un Etat « indépendant ».

Soit. Il faut mettre toutefois des guillemets au mot indépendant.

Pour qu’un Etat soit indépendant, il faut qu’il ait un territoire – là, c’est ok –, une population permanente unie par une Constitution – ils ont une Constitution – et une légitimité internationale. C’est là où le bât blesse. Pour être indépendant, il faut qu’un Etat véritablement indépendant reconnaisse le Royaume.

Ce n’est pas le cas.

Mais ils ont envoyé leur demande aux Nations-Unies, ont signalé au Premier Ministre de l’époque leur sécession et se sont donc proclamés « indépendants ».

Cette indépendance est somme toute symbolique. Toutefois, il existe un véritable vide juridique dans cet exemple de micro-nation auto-proclamée. De par le monde, il en existe une bonne cinquantaine : le Sealand, qui se situe non loin des côtes britanniques, la République de Molossia, au Nevada, La Principauté de Hutt River ou celle de Wy, en Australie, par exemple. La plupart sont minuscules, mais certaines font valoir des territoires plus importants que Saint-Marin, Monaco ou le Liechtenstein.

Ces micro-nations se sont réunies en 2010 à Sydney pour faire valoir leurs droits et leur souveraineté un tantinet ambiguë, mais presque réelle, notamment pour les quelques-unes qui se situent hors des limites territoriales des vraies nations.

En 2009, soit un an avant de fêter le 40ème anniversaire de son « indépendance », sa majesté le Prince Léonard de la Principauté de Hutt River, en Australie-Occidentale, tamponnait des lettres dans sa poste. Mal fagoté dans son territoire — un peu décati, à son image, somme toute — ressemble à une île lointaine assiégée par le néant du désert. Le sable vient lécher les portes de sa Principauté où les mouches sont plus nombreuses que ses sujets. Mais là aussi, il y a un Prince, une Princesse, des timbres, une chapelle dans laquelle trône un portrait du Prince et de la Princesse. La Principauté est née d’un litige sur les restrictions sur les quotas de blé que voulait instituer le Gouvernement Australien de l’époque. A l’époque en 1970, fermier de son état, Léonard Casley a déclaré la guerre à son pays. Lequel n’a pas daigné répondre. Depuis ce cessez-le-feu unilatéral, la Principauté a fait son petit bonhomme de chemin.

Bien entendu, le Prince a demandé la reconnaissance officielle. Mis à part ses collègues des autres micro-nations auto-proclamées, personne n’a répondu à sa requête, même si beaucoup lui ont envoyé des lettres d’encouragement ou de politesse.

Entourée par le sable et envahie de carcasse rouillée, la Principauté ne paye pas de mine. Elle ne paye pas non plus d’impôts, ce qui laisse songeur. Elle délivre des visas pour une journée, tamponne le passeport, vend des timbres pour subsister, possède sa propre Société (non reconnue) de la Croix-Rouge et sa monnaie frappée à son effigie. Sur les murs fleurissent des lettres, dont une signée de la main du pape Jean-Paul II. Moderne, le Prince a adopté la stratégie des produits dérivés. Des tasses à son effigie ou de celle de son épouse, des stylos, des briquets, des assiettes sont à vendre dans le petit magasin poussiéreux.

Des litiges personnels sont à l’origine de ces Etats : des ennuis avec les impôts, avec le Gouvernement local, régional, national, des velléités indépendantistes ou tout simplement une mauvaise humeur diffuse mais tenace contre le monde entier en général. Et avec un bon avocat et une opportune jurisprudence jonglant avec les vides juridiques et des Cours qui se déclarent non compétentes, il semble que l’on peut aller loin.

Aujourd’hui, les litiges avec autrui ne manquent pas. Si on n’a rien à faire, pourquoi ne pas créer sa propre micro-nation ? Un avocat s’avère toutefois utile. Pour le payer, on peut se faire un site internet avec logo et drapeau, y vendre ses produits dérivés et ses timbres, faire payer les visas de visiteur, se débrouiller pour ne pas payer d’impôts. Un chien féroce se chargerait de la sécurité. On pourrait même voyager à l’étranger, prendre des jets privés et se languir dans les palaces des dictateurs aux abois.

On pourrait même se faire appeler Votre Altesse.

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