La divulgation des archives du CNES sur les ovnis ne serait-elle pas un trompe l’œil ?

par Francois de la Chevalerie
mercredi 11 avril 2007

A grands renforts de manchettes de journaux, le Groupement pour l’étude et l’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (GEIPAN) a annoncé la mise en ligne sur le site du CNES de tous les cas d’ovnis recensés en France. Pas moins de 400 dossiers, 1650 affaires, 6000 témoignages dont il apparaît que 28 % seraient irréductibles à toute analyse rationnelle, du moins en l’état actuel des connaissances scientifiques. D’ailleurs, le souci de divulgation tient moins à une volonté de transparence que de l’espérance, selon les termes avancés, « d’attirer l’attention de la communauté scientifique sur des phénomènes inexpliqués derrière lesquels se cachent peut-être de véritables révolutions scientifiques.  » Dès lors, l’opération ne s’apparente-t-elle pas à un appel à proposition(s) destiné à des doctorants, des thésards afin de fendre les zones d’ombre plutôt qu’elle ne sert une véritable compréhension d’un phénomène complexe et à multiples facettes ?

De surcroît, cette ouverture au public des archives ne serait-elle pas à mettre en rapport avec la situation peu confortable du GEIPAN dans la galaxie du CNES ? Comment, proclament de nombreux scientifiques, justifier l’existence d’un Comité de pilotage dont « la matière de recherche » repose sur des témoignages de personnes souvent en proie à des hallucinations et des procès-verbaux de gendarmerie. Quelles compétences disposent ces derniers pour décrypter des phénomènes aérospatiaux qui exigent de profondes connaissances en physique et en chimie ? La charge est habituelle mais, aujourd’hui, dans un contexte budgétaire délicat, chacun doit défendre sa place. L’audacieux plan de communication ne consiste-t-il pas en une levée de rideau destinée à engranger quelques crédits ?

Les interrogations s’aiguisent plus encore lorsqu’il apparaît que l’accès aux archives n’apporte rien de nouveau. La plupart des cas litigieux sont connus depuis longtemps. Beaucoup ont fait l’objet d’analyses fouillées et détaillées. De surcroît, la plupart ont été examinés par le rapport COMETA. Curieusement, nulle mention n’est faite de ce document, autrement nommé, "lLs OVNIS et la défense : à quoi doit-on se préparer ?" (publié en 1999). Elaboré par des fonctionnaires de haut rang[1], il se présentait comme une étude approfondie du phénomène OVNI en ses aspects pouvant relever de la Défense nationale. Malgré ses faiblesses[2], le document ouvrait des pistes, cherchait à comprendre. Alors que ses auteurs étaient reconnus pour leur impartialité, tout a été fait pour en railler les approximations et l’absence de méthodologie. Certains faisaient remarquer que l’unique journal l’ayant accueilli sur sa manchette fut VSD, gazette par trop voyeuriste. Sans doute l’hostilité vient-elle aussi d’une incidente : « Ne serait-il pas logique, conclut le rapport, de penser que ces civilisations extraterrestres auraient établi des stations, voire des colonies, dans la ceinture des astéroïdes et pourquoi pas des relais sur la Lune ? (...) Pour l’instant ils ne paraissent pas s’immiscer dans nos affaires, mais il convient de se demander ce qu’ils recherchent effectivement. Veulent-ils envahir la Terre ? La préserver d’une autodestruction nucléaire ? Connaître et conserver le patrimoine que nos civilisations ont créé au cours des siècles ? »

Bien évidemment cette formulation a provoqué l’hilarité des scientifiques, certains s’emportant en signifiant l’indigence du rapport, jugé sulfureux. Sans doute eût-il été plus adroit de laisser paraître un soupçon. Ou mieux, de s’abstenir. En même temps, à l’époque, nous étions beaucoup à nous en étonner. Comment se fait-il que des hauts fonctionnaires et des militaires de haut rang, généraux, droits dans leurs bottes, osent s’aventurer autant ?

En France, la reconnaissance des pairs est parfois une maladie dont nul ne guérit autrement que par humilité. Qui plus est, la communauté scientifique a toujours été réticente, voire hostile, à aborder le sujet des ovnis. Pour les scientifiques, seul un travail accompli sur des faits prouvés, corroborés et catalogués disposent d’une légitimité. En matière d’ovnis, outre les repérages radar, la méthode de vérification s’appuie sur des connaissances approfondies en chimie et en physique. Un ovni s’inscrit dans un champ visuel. Il sera reconnu en tant que tel si ses mouvements ne répondent à rien d’entendu.

La méthode est suspecte. Rien ne nous autorise à dire que la présence d’un engin extraterrestre ne puisse interférer avec l’environnement selon des cheminements inconnus. Sauf à nous draper dans une arrogance superflue, comment pouvons-nous rendre opposables nos protocoles à l’immensité de l’univers ? Comment pouvons-nous interpréter les agissements de l’inconnu à l’aune de ce que nous savons, de ce qui nous sommes ? Peut-être l’ovni évolue-t-il dans le ciel en affirmant une présence au sol ou en opérant selon des dimensions que nous ignorons et cela, selon un temps indéterminé.

Le thème des ovnis ne ressemble à rien de convenu. Dûment écartés les témoignages explicables, perdure un résidu de phénomènes mystérieux défiant l’analyse. Alors que l’on pourrait chercher à les décrypter, une espèce d’opacité règne sur la question. Le sujet sera réellement pris en charge le jour où chaque témoignage reconnu inclassable fera l’objet d’une analyse intégrale couvrant tous les savoirs disponibles et élargissant le périmètre des relevés sur un espace de 100 kilomètres autour du lieu de rencontre. Une fois ce travail réalisé, il faudra relier la pertinence de l’événement à toutes les statistiques accessibles et cela, dans d’innombrables domaines.

L’on ne dira jamais assez à quel point l’absence d’une information exhaustive favorise les élucubrations et donne de la matière aux charlatans, aux théoriciens du complot et aux sectes. Ces dernières comblent le vide en vendant à bon compte chimères et illusions. A cet égard, la divulgation des archives du Geipan maintient les choses en l’état, faire connaître sans faire comprendre. Dans son livre The universe in a nutsbell [3], Stephane Hawking récuse l’idée du principe anthropique selon lequel l’univers doit être tel que nous le voyons. Sans enfreindre les connaissances établies, il admet que tout doit être envisagé, tout est possible. Et c’est ainsi des ovnis, ne rien exclure, plutôt comprendre.



[1] Membres de la Commission COMETA

Général Bruno Lemoine, Armée de l’Air (ancien auditeur de l’IHEDN)
Amiral Marc Merlo (ancien auditeur de l’IHEDN)
Michel Algrin, Docteur en Sciences Politiques, avocat (ancien auditeur de l’IHEDN)
Général Pierre Bescond, ingénieur en armement (ancien auditeur de l’IHEDN)
Denis Blancher, commissaire de Police, Ministère de l’Intérieur, Christian Marchal, chef ingénieur du Corps des Mines, Directeur de Recherche à l’ONERA (Office National pour l’Etude et la Recherche Aéronautique)
Général Alain Orszag, Docteur en Physique et ingénieur en armements.
Jean-Jacques Vélasco, directeur du SEPRA au CNES,
François Louange, Président de Fleximage, spécialiste en analyse photographique,
Général Joseph Domange, de l’Armée de l’Air, délégué général de l’Association des Auditeurs du IHEDN.
Général Norlain.

[2] « Regard critique sur le rapport Cometa » (extraterrestres.net)

[3] « L’univers dans une coquille de noix » parue aux Editions Odile Jacob


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