Les étoiles filantes …

par C’est Nabum
vendredi 3 mai 2024

 

Un cadeau empoisonné.

 

Il advint qu'un saltimbanque en mal d'inspiration, errant sur les chemins à la quête d'un signe ou d'une idée par un jour de grand vent, reçut à la tête, un papier porté par la tempête. Au lieu de le froisser, de le mettre en boule pour le jeter au loin comme aurait fait tout bon malotru qui se respecte, il le défroissa pour s'enquérir de son message.

Quelle ne fut pas sa surprise que d'y lire des notes et des mots qui sous forme de partition semblaient tomber du ciel pour éclaircir soudainement son horizon personnel. Un miracle ou un geste de la destinée mettait sur son parcours un présent inestimable. C'est du moins ce qu'il crut dans l'instant, subjugué par la qualité de ce qui lui était envoyé par la providence.

Il remarqua à peine le petit sigle placé en bas de page, un message énigmatique qu'il eut la négligence de ne pas prendre en compte avant que de se précipiter sur ses claviers et micros pour transformer ce message de papier en chanson. L'ASSA sème …, il n'y avait rien d'inquiétant dans ce slogan qui tout au contraire lui donnait envie de se laisser porter par un surprenant souffle de vent pour récolter à son tour 

Il enregistra un titre qui devint les étoiles filantes, tout simplement parce que levant les yeux au ciel, en recevant ce présent, il avait perçu ce pressage favorable. Tous les éléments semblaient réunis pour le porter au firmament avec cette feuille si vivante. Il en était ému aux larmes et s'appliqua tant et si bien que sa chanson se laissa elle aussi porter par le souffle du succès.

Notre brave ami n'avait pas perçu le message de ce curieux texte. Trop focalisé sans doute à suivre à la lettre et à la note, les indications reçues par cette missive céleste, il avait fait l'économie d'une analyse de texte. Il en aurait eu la puce à l'oreille avant que ne survinrent les ennuis qui provoquèrent sa chute.

Il aurait pu rechercher également le sens de cette signature surprenante : l'Assa sème et découvrir aisément qu'il s'agissait d'un organisme mafieux : l'Association du Sens et du Son Artistique dont le but était de semer à tous vents des œuvres, des idées, des mélodies puis ensuite d'en réclamer les droits et les bénéfices avec une virulence extrême et la bienveillance des autorités.

Notre saltimbanque comme de bien entendu connut la banqueroute quand les questeurs de l'association se mirent sur son dos mais également sur celui des lieux qui lui ouvraient leurs portes pour y faire spectacle. Il fut tant racketté qu'il en avala son chapeau tandis que tous les subsides qui lui furent prélevés allaient garnir les comptes en banque suisse de grandes vedettes du spectacle ou de leurs ayant droits.

Il laissa tomber ce monde des paillettes pour reprendre son chemin loin des salles et des projecteurs, portant la musique et la culture en des endroits discrets qui entendaient échapper à la terrible prédation de l'Assa sème. Il se fit vagabond musicien jouant au bon cœur de spectateurs plus prompts à glisser des pièces jaunes que des billets quand ils ne prenaient pas la poudre d'escampette avant le passage du quémandeur.

Sans illusion aucune sur l'âme humaine, il qualifiait sa quête désespérée de Denier de l'inculte alors que de l'autre côté, le méchant organisme préleveur lui faisait toujours la chasse impitoyablement, détestant rien plus que ses artistes aux semelles trouées qui n'ont de cesse de propager des idées subversives dans les rares esprits encore ouverts à la Culture véritable.

Il finit misérable, toujours en fuite pour échapper aux fourches caudines d'une société de la normalisation et de l'exploitation. Ne pouvant vivre de son travail, il se contenta de survivre dans la clandestinité : ultime perspective pour ceux qui ont encore quelque chose à dire.


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