Elections européennes et au-delà. Une tragi-comédie de plus en plus grinçante et oppressante

par Octave Lebel
vendredi 17 mai 2024

L’information sur ce que l’on appelle l’actualité, dans nos sociétés, c’est le lien social et politique qui nous relie tous, toutes couches sociales confondues. Censé faire vivre le débat démocratique qui institue le corps social dans une démocratie et donne du sens et de la légitimité aux processus électoraux. Notre situation actuelle est en soi un problème démocratique structurel.

Nous avons des chaînes d’info et instituts d’opinion aux mains de milliardaires qui non comptant de ne pas payer leur part d’impôts exercent leur pouvoir à travers la puissance politique et économique ainsi acquise, leurs centres de formations et écoles, des think tanks et des fondations en quantité , subventionnés et aidés fiscalement comme il se doit. Excellence à la française, il nous en faut bien une, en Europe nous comptons maintenant le plus grand nombre de milliardaires. À la tête de toute cette cavalerie. Tout va bien donc dans le meilleur des mondes possibles. Vouloir modifier cette situation d’urgence ou non est un indicateur d’engagement politique vis-à-vis d’une démocratie de citoyens où l’on pratique la responsabilité nourrie de débats éclairés ou le suivisme moutonnier livré à la cacophonie et concurrence des démagogies et des puissants.

Des minorités politiques de blocage.

Prenons garde à la puissance des médias qui nous imposent sans répit en continu la partie de la réalité qu’ils choisissent et mettent en scène. Avec l’espoir de nous rendre aveugles et sourds à sa diversité et sa complexité comme si nous ne devions pas y accéder. Nous voulant pour une grande part incapables de sortir de leurs sentiers battus. Où par l’intermédiaire de la toile médiatique l’on nous pose des questions bien souvent non pas pour nous interroger mais pour nous fournir des réponses toutes faites et aussi nous entretenir dans la dispersion, la division et la confusion en nous inscrivant dans un chapelet sans fin de controverses successives qui nous imposent leurs rythmes. Tous piégés dans le cadrage défini par leurs éléments de langage et la force de leur répétition. Il est notable aussi qu’il faut un peu de temps et un effort pour cerner ce que nous connaissons vraiment et ce que nous accueillons un peu trop facilement parce que cela comble notre besoin de savoir et d’être reliés avec l’ensemble de la société telle qu’elle se présente ainsi à nous.

De ce point de vue, l’élection européenne fait office de petit laboratoire des actuelles et prochaines manipulations des opinions publiques. L’extrême-droite et le pouvoir en place représentent chacun une minorité politique dont nous ne voulons pas. Mais que la puissance répétitive et prescriptive d’éléments de langage et de contenus mis en exergue et répétés sans cesse grâce à la puissance devenue oppressante des médias, alliée à celle des instituts d’opinion, finit par faire apparaître comme un jeu d’alternatives incontournables. Bloquant ainsi les questions et débats nécessaires normalement au centre de la vie politique d’une démocratie fonctionnelle. Rappelons quand même qu’avant 2017 cette manœuvre à visée électoraliste était déjà à l’œuvre mais n’avait pas encore atteint le stade vital actuel pour ces deux composantes. Et pour nous aussi évidemment.

Le dessous des cartes 

Rappelons que Marine Le Pen est passée de justesse à 1% près au second tour de la présidentielle en récupérant une partie des voix de Pécresse (LR) en effondrement et en récupérant au second tour juste ce que perdait Macron par rapport à 2017. Lui étant élu deux fois de suite par défaut grâce aux voix de ceux qui ne voulaient surtout pas de la championne. Celle-ci a alors obtenu 13 288 636 voix quand l’abstention, les votes blancs et nuls en comptabilisaient 16 695 014 (source ministère de l’Intérieur). Et les médias nous ont parlé alors de façon tonitruante de la progression du RN. En réalité contredite par celle de l’abstention et du vote Macron par défaut qui confirmaient son rejet et celui de son concurrent de campagne. Nous sommes là loin des sondages qui confirment les attentes de leurs commanditaires. Sans parler du second tour des législatives où pour sauver les meubles, LR, LREM sont venus au secours du RN en difficulté devant la NUPES en lui donnant de 50 à 60 mandats. Ces gens, concurrents pour une place à la table du pouvoir mais rassemblés par les mêmes intérêts, sachant toujours voter utile sans état d’âme, tout en restant discrets pour des raisons compréhensibles en évitant d'afficher leur habileté de roublards des élections à la Pasqua. Nous sommes tous bien conscients que l’abstention ne constitue pas un groupe homogène d’électeurs mais nous savons aussi qu’il a été mesuré qu’elle concerne bien plus les milieux populaires et parmi ceux-ci les jeunes qui ne se retrouvent pas dans les intérêts de la macronie ni dans la supercherie qu’elle conduit avec l’extrême-droite.

Prise de conscience.

Combien sommes-nous à avoir été les couillons de cette souricière par l’intermédiaire de l’extrême-droite qui a fait comme d’habitude le sale boulot de semer la confusion et la division sous l’œil gourmand et opportuniste de la macronie et de notre oligarchie pour participer à l’insu de notre plein gré à cette grande mystification politique et électorale ? Nous, les abstentionnistes et les électeurs de Macron par défaut de clairvoyance, de lucidité et de résistance au matraquage médiatique. Qui nous ont livrés pieds et poings liés à des dirigeants sans état d’âme mais bon praticiens du ficelage à la 49-1.2.3 et de la broderie des grands mots et déclarations dont à l’usage, aucun ne les engage. Qui n’ont de fait de compte à rendre, dans un archaïsme politique incroyable, à personne. Des dirigeants dont tous les actes et décisions nous conduisent vers la même pente, devenir une colonie d’une UE sous-ensemble de l’impérium et des intérêts économiques et de puissance des classes dirigeants américaines .Pour le meilleur et le pire. À chacun de s’y retrouver.

C’est notre responsabilité de nous être laissés faire, entretenus dans l’ignorance et le trop plein de propagandes, rendus avides d’explications simplistes et moralisantes nous dispensant de nous poser des questions et de réfléchir. Nous invitant à nous conformer dans la chaleur et la bien-pensance du troupeau. Faite d’émotions et de réflexes conditionnés, de préjugés régulièrement entretenus et de la menace latente d’être exclus du champ social tel que balisé par la puissance et l’autorité morale médiatique qui s’insinue partout. C’est notre responsabilité de faire le pas et de redevenir suffisamment des citoyens conscients et dignes, éclairés et persévérants, et de changer la donne. Parce que nous ne sommes jamais aussi seuls et fragiles que dans le troupeau quand on ne sait plus faire la différence entre soumis et consentant. Il n’y a pas de citoyenneté sans citoyens qui s’enrichissent mutuellement des doutes, des erreurs qu’ils partagent et corrigent et de leurs réflexions, analyses et découvertes qu’ils mutualisent et qui les enrichissent.

L’ultime bluff.

 Le point délicat étant maintenant de préparer et conduire, selon besoin, le passage de la séquence épouvantail qui fait gagner le champion du moment choisi par l’oligarchie à l’œuvre avec ses médias et instituts d’opinion à la séquence roue de secours où il s’agit de préparer une ou des candidatures possibles voire une coalition de circonstance. Avec une variante au cas où la supercherie serait trop vite éventée (nos oligarques sont des gens intelligents et prévoyants) dont ne rend pas compte l’image où manque un vieux cheval de retour, le social-libéralisme à la sauce hollandaise, accoucheur d’un macron, revenu donner le change avec un outsider supposé disruptif (lui aussi...) qui a, comme il se doit, sans avoir rien fait, déjà la complaisance des médias.

 C’est vrai que ce n’est pas si simple parce que nous commençons à être habitués à ces manœuvres qui se répètent en devenant de plus en plus laborieuses et perceptibles. C’est le moment de tous les risques, du grand dévoilement possible dans une réaction en chaîne de prise de conscience généralisée de la duperie ainsi menée. Touchant, quasi en même temps, des gens sincères et abusés un temps, d’autres embarqués là par défaut, d’autres plus tournés vers l’idéologie, pensant avoir trouvé des réponses et découvrant l’ampleur de la démagogie et de la tromperie. Et enfin, ceux qui se tenaient depuis longtemps enragés de se sentir impuissants et résignés dans l’abstention, retrouvant courage et détermination. Se mettant maintenant à réfléchir sur leurs attentes et les analyses et propositions de ceux qui sont tenus méthodiquement à la marge du système et débat politique tel que institué par cette comédie devenant de plus en plus grinçante et difficile à tenir. Des gens même pas dignes du report honnête de leurs déclarations et propositions pour l’essentiel ni d’un sondage un peu consistant de la part de nos beaux parleurs des médias. Du moins, pas de ceux qu’ils rendent publics.

Quitte ou double.

Comment ne pas voir et entendre une promotion permanente accordée aux faits divers d’autant plus qu’ils seraient liés à un patronyme qui pour certains ne pourraient pas être porté par des français ? Sans jamais que soit développée à la même hauteur une réflexion sur le phénomène, son véritable poids dans notre vie sociale, ses origines et développements. Que ne soit rappelé la création, l’entretien et le développement de ghettos de pauvres et d’immigrés par le refus constant de la droite et de l’extrême-droite des politiques de type LRU (lois de rénovation urbaine) allant même soutenir, à contre-courant, d’autres politiques publiques promues par la macronie elle-même.De nouveau encore au cœur de cette campagne électorale. Gentrification de quartiers d’un côté et affaiblissement et éloignement des services publics d’un autre, alors qu’ils sont la colonne vertébrale de la solidarité, de la justice et de la cohésion sociale. Favorisant ainsi le communautarisme, la dérive vers les trafics en tout genre tout en en récupérant la dénonciation à visée électoraliste. Promotion accompagnée pour faire bon poids par une mise en scène de débats de circonstances du moment qu’ils occupent les esprits et entretiennent des polémiques et accessoirement viennent nourrir le business des sondages. Où l’on voit se déployer le jeu devenu inévitable, que nous devons subir, de responsables politiques qui auraient bien des comptes à rendre sur leur véritable action dans le temps long de la politique vis-à-vis de faits et de phénomènes dont ils s’emparent avec des postures de donneurs de leçons et justiciers alors qu’ils ne sont plus que de médiocres prospecteurs à la recherche de filons prometteurs de voix. En entretenant ainsi le terreau fertile de notre abstention car pour eux, mieux vaut un abstentionniste ou un électeur abusé le temps d’une campagne qu’un citoyen éclairé chaque jour. Je ne donnerai pas les noms de ceux qui depuis longtemps déjà ont pour devise « courage fuyons » et « récupérons l’événement » parce que nous les connaissons tous. Vieux routiers de la politique ou nouveaux arrivés. Vieux routiers des médias ou nouveaux arrivés. Cela suffit, qu'ils partent. Il est plus que temps. Ces gens n’ont pas besoin de nous, sauf entretenus dans la confusion et la division, estourbis et embourbés dans leurs promesses qui changent et se renouvellent si vite d’élections en élections que nous finissons par ne plus savoir de quoi il s'agit vraiment. Trop occupés à la culture de petites rentes électoralistes pour mettre sur la table des analyses et propositions de fond qui devraient être au cœur de nos choix démocratiques. Balayons-les afin de changer une fois pour toute la relation entre le citoyen et le responsable politique.

 

Le nœud gordien.

 C’est plus que l’heure de l’élargissement d’une union populaire responsable et déterminée qui oblige le politique et qui commence et a toujours commencé dans les urnes. Autour de nos aspirations communes qui traversent toutes les couches de la société. Des aspirations pour plus de démocratie fondée sur la justice sociale et le respect et l’implication de nos concitoyens autrement qu’à travers des pantalonnades électorales et la guerre des sondages. Plus de responsabilité et solidarité écologiques par l’arbitrage d’une mise en œuvre équitable et autrement qu’à travers la confusion, des slogans, de la surenchère et des polémiques stériles. Plus de sens de l’état (à quand des élus à la légitimité incontestable et respectueux de leurs électeurs et citoyens) vis-à-vis de nos intérêts géopolitiques autrement qu’à travers une propagande infantilisante et de lamentables et dérisoires petites manœuvres électoralistes qui, quand des enjeux vitaux sont concernés, décrédibilisent ceux qui s’y adonnent à nos yeux et aux yeux de nos partenaires de l’UE et au-delà. Quand l’heure est à l’autonomie et au non alignement de l’Europe afin de mieux servir la paix dans le respect des souverainetés des nations et des peuples et du droit international par tous et pour tous, dans une collaboration économique équitable et responsable. C’est à l’Europe de s’occuper de sa sécurité et de son avenir, pas à une autre puissance qui a toujours profité de nos divisions. Ni à aucune autre.

Je ne peux aussi m’empêcher de penser que dans ce qu’est cette mystification permanente de la vie démocratique, il y a aussi une part de fabulation à laquelle cette minorité de plus en plus fragilisée croit. Qui lui sert à masquer à ses propres yeux, plus ou moins consciemment, le sentiment diffus d’illégitimité qui la travaille. La poussant toujours plus dans des combinaisons électorales qui peuvent devenir inquiétantes par leur volonté de fracturer notre société avec l'espoir de tirer profit de ces confusions et de ce chaos ainsi mis en scène et instrumentalisé.

À mon avis en témoigne cette façon obsessionnelle d’y revenir sans cesse en tentant de diaboliser ou d’affaiblir le mouvement LFI par les seules armes de la caricature et de l’intimidation policière, ce qui est un aveu de faiblesse. De diaboliser ce que l’on ne veut pas rendre visible que ce mouvement représente avec constance et persévérance depuis des années. Qu’il y a une intelligence collective qui le porte et le dépasse et qui, mise au service de la démocratie, prépare l’avenir et remettra ces gens à leur place, en fonction de leurs compétences et mérites, dans le lot du commun. Un mouvement qui envers et contre tout poursuit son chemin avec les générations qui se renouvellent et apportent leur intelligence, leur créativité, leur détermination, leur sens des responsabilités et leurs ambitions et dont les médias parlent si peu. Ne soyons pas trop injustes, on peut comprendre les oligarques qui ne se sont pas, à l’exemple de leurs grands modèles mondiaux, donné le mal de prendre le contrôle des médias et des instituts d’opinion pour rien. Cette diabolisation de kermesse, qui révèle maintenant chaque jour un peu plus leur peur, une dose d’hystérie qu’ils voudraient bien contagieuse, leur incontournable hypocrisie et aussi une forme de dangerosité qui accompagne les pouvoirs en difficulté. Travaillés par le besoin fébrile de recourir à ce type de pratiques dans une décadence amorcée. Toujours historiquement accompagnée du vieux recours aux recettes de l’extrême-droite comme la dernière étape qui en fait accélère la chute.

 

Le dénouement.

Il est devenu nécessaire que nous nous réveillions une bonne fois pour toutes. Nous ne sommes plus tout à fait en démocratie et paradoxalement, servons-nous de ses outils volontairement biaisés par une coalition de politiciens, hauts fonctionnaires et oligarques contrôlant maintenant l’essentiel des médias et instituts d’opinion qui manipulent des institutions qui ne permettent plus l’émergence d’une responsabilité démocratique et des fonctionnements qui la rendent possible.

Soyons donc résolument présents à toutes les élections sans laisser le terrain à ces mauvais comédiens qui nous prennent pour des imbéciles si nous voulons un jour pouvoir participer à une démocratie fondée sur un citoyen correctement informé avec les moyens politiques de se faire respecter et des mandants responsables politiquement. Parce qu’en réalité nous sommes arrivés au point de bascule entre celle-ci et un autoritarisme renforcé en préparation dont tous ces comédiens sont les instruments. Ces thèmes devraient être dans une authentique démocratie au cœur des élections.

Ne pas voter c’est se donner la garantie de devoir subir le bon vouloir de ceux dont nous ne voulons pas, de devoir faire grève et défiler maintenant à ses risques et périls dans les rues (sauf si on est la FNSEA) afin de conserver un peu de dignité et d’estime de soi pour avoir droit au final à un pied-de-nez à la 49-1.2.3 soleil. Et de devoir subir encore et encore à longueur de journée la condescendance de journalistes et experts de tous poils croyant s’adresser à de plus ou moins braves gens assez limités et nous expliquant ce qui bon pour nous. Que nous serions incapables de concevoir et comprendre.

Une dernière mise en garde aux plus jeunes d’entre nous et à ceux qui appartiennent aux classes populaires. Notre abstention est la chaîne portée autour du cou qui permet à une minorité de s’imposer et notre vote la clef qui permet d’y mettre fin. À chacun d’entre nous d’assumer ses responsabilités. Nous ne pouvons réussir et construire qu’ensemble parce que chacun détient une part de la compréhension de ce qui se passe et de ce qu’il y a à faire si nous voulons pouvoir mettre en place une authentique démocratie.

Nous avons été abusés aussi par une certaine gauche, faute de moyens démocratiques parce aussi nous avions oublié qu’il n’y a pas de démocratie sans citoyens impliqués. Une société qui retrouve son souffle démocratique reprend espoir, se pacifie, retrouve des forces, se sent capable collectivement d’affronter les difficultés, reprend goût à l’avenir et le prépare. Elle investit réellement pour l’intérêt de tous, en responsabilité, dans l’école, la santé, la culture, a la volonté et se sent collectivement responsable et en capacité de mettre en œuvre une véritable planification écologique et économique au lieu des zigzags qui nous cognent dont personne ne veut assumer la responsabilité (c’est pas moi, c’est l’autre, ou c’est personne mais j’ai de solides promesses), un aménagement du territoire digne de ce nom, conçu et piloté en véritable concertation avec les habitants (que d’occasions manquées !) afin de venir, entre autres, à bout des ghettos de pauvres et d’immigrés et de remettre à sa place la loi du marché qui gentrifie les quartiers en chassant les habitants plus modestes préparant ainsi d’autres problèmes pour demain. Une telle société est alors en capacité de tenir toute sa place dans la coopération européenne et avec le reste du monde.

Une seule certitude, c’est que si nous ,nous nous mettons ou remettons à voter, quand d’autres qui ont leurs champions au pouvoir, comme par hasard, eux n’ont jamais cessé de voter, alors nous aurons réuni les conditions pour pouvoir remettre sur pied une authentique démocratie qui restera bien sûr à défendre et faire vivre.

 

 

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