Foi et vérité

par Sylvain Reboul
vendredi 3 février 2006

On oppose souvent la vérité de la foi à celle(s) de la raison. Cette opposition est juste, dans la mesure où la vérité de la foi est toujours subjective et bien souvent dogmatique, alors que la démarche scientifique par exemple est fondée sur des procédures objectives de preuve et ouvre à la critique permanente de ses énoncés, mais il n’y aurait pas d’opposition si la vérité de la foi admettait qu’elle n’est qu’une croyance subjective, ou une vérité du coeur, comme le disait Pascal, et non de la raison ; ce qu’elle omet en prétendant en faire une vérité pour tous, croyants ou non.

La foi est mise au rouet de la vérité historique : soit elle se dit vraie sans preuve, soit elle se dit non vraie, mais alors elle n’est plus crédible, devient nécessairement douteuse et risque alors de se dissiper comme n’importe quelle illusion.

Certains affirment que la foi n’a nul besoin de vérité historique, mais le problème vient qu’elle s’en réclame toujours ; il suffirait qu’elle dise que son contenu est légendaire (mélange de faits incontrôlables et de productions imaginaires) pour qu’aucune contestation ne puisse l’atteindre (on ne conteste pas la vérité d’un rêve) ; mais serait-elle encore la foi, dans la vérité en ce qu’elle a d’indubitable ? Certains affirment que la foi et le doute sont compatibles, mais alors, qu’est-ce qui peut la distinguer de la simple croyance subjective, même collective, sans valeur de vérité établie ?

Si la foi n’est pas aveugle, peut-elle survivre à la recherche critique de la vérité historique ? Si oui, c’est qu’elle est d’un autre ordre que la vérité et/ou que la connaissance, et que sa valeur n’est que symbolique et éthique -c’est-à-dire subjective, comme toute valeur éthique- et donc discutable . Si non, c’est que sa prétention à la vérité est parfaitement illusoire (imagination désirante que l’on prend pour une vérité objective), par exemple, les miracles et la résurrection de Christ.

Mais le problème reste entier : la déchirure du voile d’illusion (de la prétendue vérité) qui caractérise la foi peut la tuer chez la plupart des croyants. Donc ceux qui ont la mission d’administrer et de transmettre la foi ont tendance à refuser la recherche de la vérité, qu’ils ressentent nécessairement comme une menace mortelle pour sa survie et pour l’autorité de leur ministère.

Toute exégèse critique et historique du contenu de la foi en fait une croyance humaine dont le contenu "divin" est de l’ordre de la croyance humaine dépourvue de toute espèce de vérité universelle. Elle prend alors le risque de n’avoir qu’une valeur symbolique, indéfiniment interprétable par tout un chacun, et le pouvoir des Églises de dire la vérité unique et unifiante de la foi s’effondre inéluctablement.

Cela ne condamne pas la foi, mais les Églises, comme machines de pouvoir spirituel et temporel, qui prétendent toujours régir la foi et la dresser contre d’autres formes de croyances, au nom d’une illusoire vérité, ou d’une idée illusoire de la vérité unique absolue, et par là, intolérante.


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