Accepter la différence, c’est d’abord accepter qui nous sommes

par Maximilien Depontailler
mercredi 11 avril 2007

Dans un manuel scolaire d’histoire géographie, l’éditeur Belin a décidé de « flouter » le visage du prophète Mahomet sur une reproduction du XIIIe siècle, rapporte Le Figaro dans un article daté du 7 avril 2007.

Au Canada, ce type de décision porte désormais un nom : un « accommodement déraisonnable ».

L’"accommodement raisonnable" est une expression juridique définie par la Cour suprême du Canada pour désigner différentes mesures destinées à minimiser la discrimination dont pourrait être victime un individu issu d’une minorité à l’intérieur de la société canadienne.

Tout accommodement se fonde sur la "Charte canadienne des droits et libertés", intégrée dans la constitution depuis 1982 et qui interdit toute discrimination basée sur le sexe, la race, la religion, l’opinion ou l’orientation sexuelle.

Préalablement, en 1975, la province du Québec s’était déjà dotée d’une "Charte des droits et libertés de la personne".

Or, c’est précisément au Québec que la question des accommodements s’est imposée dans la dernière campagne électorale de mars 2007 à la suite de revendications de plusieurs minorités religieuses, contestées par l’opinion publique.

Telle communauté juive ne supportait pas qu’une salle de sport, dont les fenêtres donnaient sur une rue passante, puisse laisser voir des femmes en tenue sportive, demandant que les fenêtres soient givrées. Telle communauté indienne revendiquait le port du kirpan (un petit couteau traditionnel) pour les garçons à l’école. Telle communauté musulmane revendiquait le droit de porter le nijab pour aller voter, alors que la loi électorale québécoise impose l’identification visuelle de la personne. Telle autre communauté religieuse s’indigna que le gouvernement célébre Noël, fête typiquement catholique. Telle communauté religieuse refuse de passer le permis de conduire avec une femme comme examinateur. Telle autre refuse que des cours prénataux soient donnés à des groupes mixtes, etc.

Jusqu’où doit-on accommoder les minorités pour respecter leurs coutumes au risque de sacrifier aux principes d’égalité et de non-discrimination énoncés par les chartes elles-mêmes ?

Tout d’abord, il est une première évidence : ces communautés religieuses n’acceptent pas qu’il puisse y avoir une séparation entre la vie privée et la vie publique. Dans leur conception des choses, la religion (qui, pour nous, occidentaux, est une affaire privée) est aussi pour eux une affaire publique que l’État doit même garantir. D’où leur activisme pour imposer leur vision religieuse de la société.

Seconde évidence : toutes les religions ont toujours été hostiles à la femme. Les États occidentaux, devenus laïques, ont su, avec plus ou moins de volonté politique, réhabiliter la femme dans la société. Pour les non-occidentaux, la question de la femme reste souvent dramatique et il est intolérable de sacrifier l’égalité entre hommes et femmes au profit d’une autre vision sociétale. Il y a des principes universels (celui-là en est un parmi d’autres) qui ne supportent ni relativisme ni compromis.

Troisième évidence : les pays occidentaux ont une histoire et cette histoire est judéo-chrétienne. Certains peuvent le déplorer, mais on n’efface pas une histoire, même pour accommoder quelques-uns. Ceci est aussi vrai pour toutes les cultures : l’histoire d’un peuple ou d’un continent, quel qu’il soit, est le creuset de son identité et elle doit être respectée. Par conséquent, bien que laïques, les pays occidentaux n’en continuent pas moins d’utiliser un calendrier grégorien (du pape Grégoire XIII), de faire résonner les cloches des Églises catholiques le dimanche et de déclarer Noël jour de congé. Il n’y a pas de honte à avoir une histoire.

On peut donc être laïque, affirmer des principes républicains inamovibles tels que l’égalité des sexes et accepter notre héritage judéo-chrétien. Ce n’est que sur cette base pleinement assumée et revendiquée que nous pourrons satisfaire à des accommodements qui soient véritablement raisonnables. Car après tout, accepter la différence, c’est d’abord accepter qui nous sommes.


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