Bible dévoilée ou Bible voilée ? A vous de juger !

par Emile Mourey
vendredi 19 janvier 2007

Les premiers textes de la Bible relatent-ils des événements qui ont vraiment eu lieu ? Oui, à condition de bien les interpréter. Telle est la thèse que j’ai proposée aux lecteurs d’AgoraVox dans mes cinq articles précédents. Pourquoi ai-je écrit ces cinq articles ? Pour réagir à une émission toute récente d’Arte et de la Cinq intitulée « La Bible dévoilée ». Dans cette émission, des certitudes ont été émises sans débat. Je demande que le débat ait lieu.

Une révolution dans la compréhension de la Bible ???

La puissance de la télévision est telle qu’elle arrive en quelques minutes seulement à convaincre des milliers de téléspectateurs, et probablement davantage, en les entraînant dans une enquête présentée comme scientifique mais qui ne donne malheureusement pas la parole à l’avocat de la partie adverse. Personnalités particulièrement convaincantes, paysages magnifiques, musique envoûtante, tous les ingrédients ont été rassemblés pour faire de l’enquête d’Arte un documentaire passionnant. Quant au fond, on peut en donner l’idée principale en citant deux extraits du livre qui l’a inspiré : « Il est aujourd’hui évident qu’un grand nombre d’événements de l’histoire biblique ne se sont déroulés ni au lieu indiqué ni de la manière dont ils sont rapportés. Bien plus : certains des épisodes les plus célèbres de la Bible n’ont tout simplement jamais eu lieu » (page 21, La Bible dévoilée, éditions Gallimard). « Nous démontrerons que, pour l’essentiel, le Pentateuque fut une création de la monarchie tardive destinée à propager l’idéologie et les besoins du royaume de Juda... » (page 35). En termes clairs, cela signifie que, huit à onze siècles après les dates que donne la Bible, le roi Josias aurait fait rédiger, au VIIe siècle avant J.-C., un faux à partir d’éléments disparates, et cela afin d’abuser ses compatriotes en leur faisant croire à une histoire très ancienne qu’il a en réalité reconstruite pour les besoins de sa cause. L’accusation est grave quand on sait que les auteurs et les détenteurs de ces textes sacrés y voyaient une parole de Dieu qu’il eût été blasphématoire de modifier.

Je propose une autre façon de comprendre.

Aveuglé par son orgueil, imbu de ses connaissances, l’homme moderne n’a pas pensé que, dès 4000 ans avant J.-C., des êtres qu’il considère comme frustes aient pu évoquer leur cité dans l’image d’un couple enlacé et son histoire par analogie avec la vie d’une famille. Et pourtant, les statuettes retrouvées dans les fouilles ne demandaient qu’à parler, véritables emblèmes patriotiques que la Bible appelle "téraphim" (Gn 31,19). Les âges avancés des patriarches auraient dû également nous faire deviner depuis longtemps que leurs noms désignaient des clans ou des conseils et que leurs femmes étaient en réalité des troupes militaires. Le déluge sémite qui s’est abattu sur le pays de Sumer, Abraham mettant sa femme dans le lit du Pharaon, Jacob et Moïse parlant presque en égal avec lui, la femme de Putiphar disant à Joseph ; "Couche avec moi !", la mer qui s’ouvre, le soleil qui s’arrête, toute cette allégorie empreinte de poésie mais absurde dans son sens littéral, nous avons été incapables de la déchiffrer. Nous n’avons pas vu qu’à travers ces textes bibliques assez extraordinaires, c’est toute une histoire de l’humanité qui nous revenait du fond des âges.

Les auteurs de la Bible dévoilée sont partis sur l’idée que les premiers textes bibliques n’ont pu être écrits, créés, rédigés ou recomposés qu’à partir du VIIe siècle avant J.-C., au temps du roi Josias, lorsque l’écriture a pris de l’importance dans le royaume de Juda (page 34). Le raisonnement est recevable à condition d’attribuer ce travail, non pas à Josias au VIIe siècle mais à Moïse au XVe, comme les historiens le disaient encore récemment. Anciennement prêtres d’Osiris, comme je l’ai expliqué, les prêtres Moïse et leurs scribes avaient toutes les compétences requises. L’histoire des patriarches qui les ont précédés dans le pays, ils l’ont mise par écrit en rajoutant parfois quelques passages, en modifiant quelques termes (Yahvé au lieu de El, Io-Jeph au lieu de Osarseph). Faisant suite à cette histoire, ils ont écrit la leur avec un maximum de précisions. Ces textes de l’Exode, du Lévitique, des Nombres, du Deutéronome crient d’authenticité et de vérité historique. Ils révèlent la haute culture des prêtres égyptiens d’Osiris, mais aussi la façon dont ils s’y sont pris pour transformer un troupeau d’anciens esclaves en un peuple redoutable et redouté. L’hypothèse d’une écriture au temps de Josias, suivie d’une réécriture au temps de l’exil à Babylone, la transformation par les exilés de Josias en un Moïse symbolique, tout cela ne tient pas la route.

Voici deux extraits qui prouvent l’existence du Livre dès l’époque de Moïse : Yahvé dit à Moïse : « Ecris cela en mémorial dans un livre » (Ex, 17, 14). « Et dès qu’il sera assis sur le trône de sa royauté, il écrira pour lui, sur un livre, un double de cette Loi... » (Deut. 17, 18)

Les arguments des auteurs de la Bible dévoilée ne prouvent rien.

Page 29 : « Comment le prophète pouvait-il être l’auteur du Pentateuque dès lors que le Deutéronome, le dernier des cinq livres, décrit avec force détails le moment exact et les circonstances de son décès ? » Page 30 : « Des vestiges toujours visibles de nos jours » (rajout postérieur ?). Dans d’autres pages : des noms de lieux litigieux. Des villes et bourgades qui n’existaient pas encore. Des chameaux qui n’auraient pas dû être mentionnés alors que leur existence était pourtant connue. Un exode de 600 000 hommes (chiffres grossis). Bref, des arguments facilement réfutables d’autant plus que les auteurs se placent au XIIe siècle au lieu du XVe en ce qui concerne l’exode.

Quant au témoignage des vestiges archéologiques, on est en plein malentendu. Les archéologues ne peuvent pas retrouver la trace des troupes militaires d’Abraham ou de Jacob puisque c’est la trace d’une tribu nomade qu’ils cherchent. Ils ne peuvent pas retrouver celle de Joseph en Egypte puisque c’est celle des prêtres d’Osiris. Ils ne peuvent pas retrouver celle du peuple de Moïse dans la péninsule dite du Sinaï, ni à Qadech, puisque ce n’est pas dans ce désert que ce peuple a passé ses quarante ans d’errance. En revanche, j’aimerais bien qu’on nous dise quel peuple aurait eu davantage de savoir-faire et de foi pour réaliser les superstructures du mont Sinaï, à Massada, et peut-être d’autres ailleurs.

|center>Enfin, l’absence du mot hébreu dans les textes égyptiens est un argument qui ne tient plus dès lors qu’on accepte les témoignages écrits de Flavius Josèphe et de Manethon qui nous apprennent que les Egyptiens désignaient les Hébreux par le nom Hyksos.

Lecteurs d’AgoraVox, à vos Bibles !

Vos commentaires sont les bienvenus. Bible dévoilée ou Bible voilée, à vous de juger !

E. Mourey

D’après mon Histoire de Bibracte, Dieu caché, http://www.bibracte.com

N.B. Les légendes des dessins sont des interprétations personnelles d’objets découverts à Tello.


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