Il ne caricaturait pas le prophète, sa religion était la justice, Hrant Dink assassiné

par Jacques RICHAUD
mercredi 31 janvier 2007

Un intellectuel laïc est tombé à Istanbul, sa religion était la justice, cette utopie qui suffit à attiser les haines meurtrières. Hrant Dink était un homme de paix et de réconciliation.

Le 19 janvier 2007 à Istanbul un intellectuel engagé dans le combat essentiel pour la démocratie et la paix entre les communautés vivant en Turquie est tombé. Militant laïc issu de l’extrême gauche, né dans la communauté arménienne, il animait depuis plus de dix ans l’hebdomadaire qu’il avait voulu bilingue turc-arménien, Agos (le sillon, en arménien).

Son combat n’a jamais été communautariste, il luttait aussi contre les injustices faites à la communauté kurde ou contre les atteintes à la laïcité de l’Etat ou aux droits fondamentaux. Il réclamait la juste reconnaissance de la violence génocidaire faite aux Arméniens dans l’histoire après 1905, mais avait dénoncé la loi française visant à pénaliser sa négation, comme il dénonçait la turcophobie d’une partie de sa communauté d’origine en même temps que les injustices subies par celle-ci.

Quatre mois après Anna Politkovskaïa à Moscou, c’est un homme de paix et de tolérance qui a été assassiné. Le meurtrier, dit-on, n’avait que dix-sept ans, le cerveau déjà vidé par les propos haineux que propagent certains criminels de plume qui savent réunir parfois des comités de soutien et hurler à l’intolérance lorsque la violence de leurs écrits incite à l’indignation.

Mais Hrant comme Anna n’usaient jamais de la violence, même verbale, et ne haïssaient personne. Il ne leur serait pas venu à l’idée de revendiquer le droit de caricaturer ou d’insulter le prophète. Leur arme était le respect et leur seule religion était la justice, simplement la justice...Cette prétention qui sous tous les cieux suffit à attiser les haines meurtrières, à Istanbul comme à Moscou, au Darfour comme en Palestine...

Quinze mille manifestants sont venus crier leur désarroi devant le local de son journal Agos au cri spontané de « Nous sommes tous Arméniens !  » Le plus bel hommage des Turcs à l’un des leurs, pourtant si atypique, mais si essentiel, si universel, si seul et devenu plus fort que ceux qui ont vidé le cerveau et armé le bras de son tueur.

Il est rapporté que dans son dernier éditorial, il se décrivait, lui, Hrant, comme « Une colombe effrayée mais... libre ». Hommage universel à Toi, frère de là-bas et de partout.


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