L’ultra-foi en l’Amour de sainte Thérèse de Lisieux

par Sylvain Rakotoarison
mardi 3 janvier 2023

« Pour notre temps, Thérèse est un témoin puissant et proche d'une expérience de la foi en Dieu, en Dieu fidèle et miséricordieux, en Dieu juste par son Amour même. Elle vivait profondément son appartenance à l'Église, Corps du Christ. Je crois que les jeunes trouvent effectivement en elle une inspiratrice pour les guider dans la foi et dans la vie ecclésiale, à une époque où le chemin peut être traversé d'épreuves et de doutes. Thérèse a connu maintes formes d'épreuves, mais il lui a été donné de demeurer fidèle et confiante ; elle en porte témoignage. Elle soutient ses frères et sœurs sur toutes les routes du monde. » (Discours de Jean-Paul II, le 20 octobre 1997 au Vatican).

Ce lundi 2 janvier 2023, une sainte est à l'honneur dont on célèbre le 150e anniversaire de la naissance à Alençon. Il s'agit de sainte Thérèse de Lisieux, qu'on peut aussi appeler sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, à la naissance Thérèse Martin qui a rejoint les carmélites en tant que sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. Je resterai sur Thérèse de Lisieux, Lisieux où elle est morte de tuberculose (hélas, une cause assez banale et qui se soignait mal à l'époque, surtout quand la maladie était déjà très avancée comme c'était le cas pour Thérèse) à l'âge de 24 ans le 30 septembre 1897, il y a un peu plus de cent vingt-cinq ans. Sainte Thérèse de Lisieux est avant tout un modèle de foi pour celui qui doute et qui désespère.

Un article d'Adrien Bail paru dans l'hebdomadaire catholique "Le Pèlerin" le 25 septembre 2013 évoquait comment Thérèse de Lisieux avait été source d'inspiration notamment du philosophe Maurice Bellet : « "Il paraît que Thérèse était très drôle en récréation. Je crois bien qu’elle était gaie. Elle n’avait pas le goût de la tristesse", note Maurice Bellet, rapportant aussi les mots de mère Marie de Gonzague au sujet de Thérèse : "Mystique, comique, tout lui va". Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus a gardé l’espièglerie, mêlée à un profond sérieux, de son enfance, où elle jouait déjà au théâtre (…) et raconte ses aventures avec sa cousine Marie ou sa sœur Céline, dignes de la comtesse de Ségur. Ce côté enfantin lui fera imaginer "un ascenseur" pour aller au ciel… Il reste cependant un style qui peut être un obstacle. Maurice Bellet, amoureux de la petite Thérèse, a été de ceux-ci, d’abord découragé par ce qu’il jugeait être de "la mièvrerie : "L’œuvre de Thérèse est comme un tableau impressionniste : si on a le nez dessus, on risque de ne voir que le sentimentalisme et de passer à côté de l’essentiel". Elle a en fait retrouvé cette fraîcheur après son "étrange maladie". Une époque de mutisme et de crises de larmes, dont elle est sortie grâce à un premier événement mystique à [10] ans : la Vierge lui sourit. On retrouve ce sourire sur de nombreux clichés de Thérèse. Il imprègne son dialogue amoureux avec Jésus et sa symbolique : les roses, les oiseaux… Tout traduit une invincible gaieté qui résistera à l’agonie. ».

Les parents de Thérèse, Zélie Guérin et Louis Martin, étaient très chrétiens (Zélie voulait aller au couvent et Louis voulait devenir chanoine mais on leur déconseilla, et à leur rencontre puis mariage le 13 juillet 1858, ils voulaient consacrer leurs enfants à la religion). Elle dirigeait une entreprise de dentellerie à Alençon avec une quarantaine d'employées ; lui, ancien horloger, était devenu son comptable. Sa mère Zélie est morte jeune le 28 août 1877 d'une tumeur fibreuse au sein quand Thérèse avait 4 ans. La famille s'est installée chez le frère pharmacien de Zélie, à Lisieux, quelques mois plus tard. Zélie et Louis (mort le 29 juillet 1894 après une maladie qui a beaucoup éprouvé Thérèse, d'autant plus que, carmélite, elle ne pouvait pas être auprès de lui) furent béatifiés le 19 octobre 2008 à Lisieux et canonisés le 18 octobre 2015 à Rome par le pape François, pour saluer l'exemplarité de leur vie en couple.

De santé très fragile,Thérèse est tombée très malade à l'âge de 10 ans (anorexie, hallucinations, fièvres) quand sa mère de substitution, sa grande sœur Pauline, est partie du foyer pour entrer dans les ordres le 2 octobre 1882 (mère Agnès de Jésus). Elle fut guérie quelques mois plus tard, le 13 mai 1883, comme par miracle, et le pape Jean-Paul II, dans son Angélus du 19 octobre 1997, a rappelé : « Le lien de saint Thérèse de l'Enfant-Jésus avec Marie fut profond dès son enfance. Elle attribuait sa guérison miraculeuse, à l'âge de 10 ans, à l'expérience inoubliable du sourire de Marie, contemplé sur le visage de la statue placée dans sa chambre. La "Madone du sourire" demeurera également en face de son lit à l'infirmerie où la sainte conclura sa brève existence consumée par la maladie. ».

Comme sa sœur Pauline auparavant, Thérèse est entrée à 15 ans, le 8 avril 1888, dans l'ordre des Carmes déchaux (Carmel), sa prise d'habit a eu lieu le 10 janvier 1889 (à l'âge de 16 ans) et elle a fait sa profession religieuse le 8 septembre 1890. Quatre autres de ses huit sœurs étaient devenues religieuses (et les quatre autres sœurs sont mortes en bas âge ; Thérèse était la plus jeune de toutes). Elle a été convaincue que c'était sa vocation lors de l'exécution d'Henri Pranzini, considéré comme un monstre et condamné à mort dans une affaire de trois meurtres qui a été très suivie par les journaux et dont l'adolescente s'est mise au défi d'obtenir par sa prière la conversion avant d'être guillotiné. Le 31 août 1887, juste avant de mourir, Henri Pranzini, qui n'avait jamais regretté ses crimes, a refusé les services d'un prêtre, mais au tout dernier moment, il s'est retourné et a embrassé la croix. Ce signe de conversion l'a conforté dans ses prières et sacrifices personnels pour aller au Carmel de Lisieux. Entre-temps, avec sa famille, elle a fait un pèlerinage à Rome le 20 novembre 1887 à l'occasion du jubilé du pape Léon XIII avec qui elle a pu s'entretenir en audience générale.

Le 3 avril 1896, Thérèse a eu sa première crise d'hémoptysie (elle crachait du sang par la toux), et a été très malade pendant un an et demi, jusqu'à la fin ; elle a vécu surtout à l'infirmerie du Carmel (à partir du 8 juillet 1896), elle est entrée dans une nuit de la foi, qu'elle a eu le temps de décrire dans un témoignage bouleversant, écrivant beaucoup avant de succomber à la tuberculose le 30 septembre 1897 : « Je ne meurs pas, j'entre dans la vie. ». Ses dernières paroles furent : « Mon Dieu... Je vous aime ! ».

Thérèse de Lisieux ne fut vraiment connue qu'après sa mort avec la publication de ses manuscrits, en particulier ses écrits autobiographiques ("Histoire d'une âme"). Elle a aussi laissé plusieurs pièces de théâtre (au Carmel, elle a joué le rôle de Jeanne d'Arc dans sa propre pièce en janvier 1894 ; à l'époque, la Pucelle d'Orléans était en cours de béatification), des poèmes (une soixantaine) et 250 lettres. "Histoire d'une âme" fut publié en septembre 1898 (en 1956, il y avait déjà eu une quarantaine d'éditions), et en plus d'un siècle, furent vendus plus de 500 millions d'exemplaires, traduits en plus d'une cinquantaine de langues. De nombreuses personnes ont été transfigurées à la lecture de cet ouvrage (qui n'avait pas été écrit pour être publié) et bien avant que le Vatican ne s'en soit mêlé, Thérèse faisait déjà l'objet d'une profonde dévotion populaire et était considérée comme une "petite sainte".



Dans sa biographie publiée par le Vatican, il est écrit : « Sa doctrine et son exemple de sainteté ont été reçus par toutes les catégories de fidèles de ce siècle avec un grand enthousiasme, et aussi en dehors de l'Église catholique et du christianisme. De nombreuses Conférences épiscopales, à l'occasion du centenaire de sa mort, ont demandé au pape qu'elle soit proclamée Docteur de l'Église, à cause de la solidité de sa sagesse spirituelle, inspirée par l'Évangile, à cause de l'originalité de ses intuitions théologiques où brille sa doctrine éminente, et à cause de l'universalité de la réception de son message spirituel, accueilli dans le monde entier et diffusé par la traduction de ses œuvres dans une cinquantaine de langues. ».

Thérèse de Lisieux fut béatifiée le 29 avril 1923 à Rome par le pape Pie XI puis canonisée le 17 mai 1925 à Rome par le même pape : « L'Esprit de vérité lui ouvrit et lui fit connaître ce qu'il a coutume de cacher aux sages et aux savants pour le révéler aux tout-petits. Ainsi, selon le témoignage de notre prédécesseur immédiat, elle a possédé une telle science des réalités d'en-haut qu'elle peut montrer aux âmes une voie sûre pour le salut. ».


Elle fut proclamée le 14 décembre 1927 patronne des Missions (alors qu'elle n'a jamais voyagé hors de Normandie sauf lors de son pèlerinage à Rome), fêtée le 1er octobre dans le calendrier, également sainte patronne de la France, comme sainte Jeanne d'Arc, le 3 mai 1944 par le pape Pie XII. Lors de son homélie le 2 juin 1980 à Lisieux, Jean-Paul II évoquait la missionnaire Thérèse : « Ici, dans son Carmel, dans la clôture du couvent de Lisieux, Thérèse s’est sentie spécialement unie à toutes le missions et aux missionnaires de l’Église dans le monde entier. Elle s’est sentie elle-même "missionnaire", présente par la force et la grâce particulières de l’Esprit d’amour à tous le postes missionnaires, proche de tous les missionnaires, hommes et femmes, dans le monde. Elle a été proclamée par l’Église la patronne des missions, comme saint François Xavier, qui voyagea inlassablement en Extrême-Orient : oui, elle, la petite Thérèse de Lisieux, enfermée dans la clôture carmélitaine, apparemment détachée du monde. ».

Enfin, Thérèse fut déclarée docteure de l'Église le 19 octobre 1997 à Rome par le pape Jean-Paul II, au cours de la Journée mondiale des Missions. C'était une cérémonie extrêmement rare. Rappelons qu'actuellement, il y a 37 docteurs de l'Église, dont seulement 4 femmes (Thérèse fut la 33e docteure de l'Église, 3e femme après sainte Thérèse d'Avila, l'initiatrice d'une nouvelle branche des Carmélites, proclamée le 27 septembre 1970 par le pape Paul VI, et sainte Catherine de Sienne, proclamée le 4 octobre 1970 par Paul VI ; la quatrième femme fut Hildegarde de Bingen, bénédictine, proclamée le 7 octobre 2012 par le pape Benoît XVI).

Dans son message du 1er mars 2022 à Saint Jean de Latran, le pape François observait : « L'éminente doctrine de ces saintes, pour laquelle elles ont été déclarées docteurs de l'Église ou patronnes, prend une nouvelle importance à notre époque en raison de sa permanence, de sa profondeur et de son actualité et, dans les circonstances actuelles, elle offre une lumière et donne une espérance à notre monde fragmenté et en manque d’harmonie. Bien qu'elles appartiennent à des époques et des lieux différents et qu'elles aient accompli des missions différentes, elles ont toutes en commun le témoignage d'une vie sainte. (…) Où ont-elles puisé la force de la réaliser, sinon dans l'amour de Dieu qui remplissait leur cœur ? Comme Thérèse de Lisieux, elles ont pu réaliser pleinement leur vocation, leur "petite voie", leur projet de vie. Un chemin accessible à tous, celui de la sainteté ordinaire. La sensibilité du monde actuel exige que l'on rende aux femmes la dignité et la valeur intrinsèque dont le Créateur les a dotées. L'exemple de vie de ces saintes met en évidence certains des éléments qui composent cette féminité si nécessaire à l'Église et au monde : le courage d'affronter les difficultés, la capacité d'être pragmatique, une disposition naturelle à être proactive en faveur de ce qu'il y a de plus beau et de plus humain, selon le plan de Dieu, et une vision clairvoyante du monde et de l'histoire, prophétique, qui les a rendues semeuses d’espérance et bâtisseuses d'avenir. Leur dévouement au service de l'humanité s'accompagnait d'un grand amour pour l'Église et pour le "doux Christ sur terre", comme Catherine de Sienne aimait appeler le pape. Elles se sentaient coresponsables de la réparation des péchés et des misères de leur temps, et elles contribuaient à la mission d'évangélisation en pleine harmonie et communion ecclésiale. ». Le thème de l'Église catholique et les femmes mériterait évidemment de plus longs développements. Revenons à Thérèse.

Dans sa lettre apostolique du 19 octobre 1997 où il a déclarée Thérèse docteure de l'Église, Jean-Paul II constatait : « À la suite de ces consécrations, le rayonnement spirituel de Thérèse de l'Enfant-Jésus a grandi dans l'Église et s'est répandu dans le monde entier. Nombre d'instituts de vie consacrés et de mouvements ecclésiaux, notamment dans les jeunes Églises, l'ont choisie comme patronne et maîtresse de vie spirituelle, en s'inspirant de sa doctrine. (…) Sous le patronage de la sainte de Lisieux, de multiples cathédrales, basiliques, sanctuaires et églises ont été édifiés et consacrés au Seigneur dans le monde entier. Son culte est célébré par l'Église catholique dans les différents rites d'Orient et d'Occident. Beaucoup de fidèles ont pu éprouver la puissance de son intercession. Nombreux sont ceux qui, appelés au ministère sacerdotal ou à la vie consacrée, spécialement dans les missions ou dans la vie contemplative, attribuent la grâce divine de leur vocation à son intercession et à son exemple. ».

Il insistait sur la profondeur de la vie spirituelle de Thérèse : « Parmi les petits auxquels les secrets du Royaume ont été manifestés d'une manière toute particulière, resplendit Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (…). Pendant sa vie, Thérèse a découvert "de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux" et elle a reçu du divin Maître la "science d'Amour" qu'elle a montrée dans ses écrits avec une réelle originalité. Cette science est l'expression lumineuse de sa connaissance du mystère du Royaume et de son expérience personnelle de la grâce. Elle peut être considérée comme un charisme particulier de la sagesse évangélique que Thérèse, comme d'autres saints et maîtres de la foi, a puisée dans la prière. En notre siècle, l'accueil réservé à l'exemple de sa vie et à sa doctrine évangélique a été rapide, universel et constant. (…) Son message, souvent résumé dans ce qu'on appelle la "petite voie", qui n'est autre que la voie évangélique de la sainteté ouverte à tous, a été étudié par des théologiens et des spécialistes de la spiritualité. ».

Il notait en outre : « Sa doctrine est à la fois une confession de la foi de l'Église, une expérience du mystère chrétien et une voie vers la sainteté. Faisant preuve de maturité, Thérèse donne une synthèse de la spiritualité chrétienne ; elle unit la théologie et la vie spirituelle, elle s'exprime avec vigueur et autorité, avec une grande capacité de persuasion et de communication, ainsi que le montrent la réception et la diffusion de son message dans le Peuple de Dieu. L'enseignement de Thérèse exprime avec cohérence et intègre dans un ensemble harmonieux les dogmes de la foi chrétienne considérés comme doctrine de vérité et expérience de vie. (…) Dans les écrits de Thérèse de Lisieux, sans doute ne trouvons-nous pas, comme chez d'autres Docteurs, une présentation scientifiquement organisée des choses de Dieu, mais nous pouvons y découvrir un témoignage éclairé de la foi qui, en accueillant d'un amour confiant la condescendance miséricordieuse de Dieu et le salut dans le Christ, révèle le mystère et la sainteté de l'Église. (…) Elle a fait resplendir en notre temps la beauté de l'Évangile ; elle a eu la mission de faire connaître et aimer l'Église, Corps mystique du Christ ; elle a aidé à guérir les âmes des rigueurs et des craintes de la doctrine janséniste, plus portée à souligner la justice de Dieu que sa divine miséricorde. Elle a contemplé et adoré dans la miséricorde de Dieu toutes les perfections divines, parce que "la Justice même (et peut-être encore plus que toute autre) me semble revêtue d'amour". (…) Enfin, parmi les chapitres les plus originaux de sa science spirituelle, il faut rappeler la sage recherche qu'a développée Thérèse du mystère et de l'itinéraire de la Vierge Marie, parvenant à des résultats très voisins de la doctrine du Concile Vatican II, au chapitre VIII de la Constitution "Lumen gentium", et de ce que j'ai moi-même proposé dans mon encyclique "Redemptoris Mater" du 25 mars 1987. ».



La sainte est honorée à la Basilique Sainte-Thérèse à Lisieux, bâtiment commencé le 30 septembre 1929 et consacré le 11 juillet 1954 par l'archevêque de Rouen Mgr Joseph-Marie Martin, classé monument historique le 7 septembre 2011. Dans son message radiophonique à l'occasion de la consécration de cette basilique, le pape Pie XII déclarait : « Message d'humilité d'abord ! Quelle étrange apparition au sein d'un monde imbu de lui-même, de ses découvertes scientifiques, de ses virtuosités techniques, que le rayonnement d'une jeune fille que ne distingue aucune action d'éclat, aucune œuvre temporelle. Avec son dépouillement absolu des grandeurs terrestres, le renoncement à sa liberté et aux joies de la vie, le sacrifice combien douloureux des affections les plus tendres, elle se pose en vivante antithèse de tous les idéals du monde. Quand les peuples et les classes sociales se défient ou s'affrontent pour la prépondérance économique ou politique, Thérèse de l'Enfant jésus apparaît les mains vides : fortune, honneur, influence, efficacité temporelle, rien ne l'attire, rien ne la retient que Dieu seul et son Royaume. Mais en revanche, le Seigneur l'a introduite dans sa maison, lui a confié ses secrets ; il lui a révélé toutes ces choses qu'il cèle aux sages et aux puissants. Et maintenant, après avoir vécu silencieuse et cachée, voici qu'elle parle, voici qu'elle s'adresse à toute l'humanité, aux riches et aux pauvres, aux grands et aux humbles. Elle leur dit avec le Christ : "Entrez par la porte étroite. Car large et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui le prennent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent" (Mt 7, 13). La porte, étroite en vérité, mais accessible à tous, est celle de l'humilité. (…) Cette créature est destinée aussi à recevoir le plus éblouissant des dons du Ciel : l'amour divin. Dès sa plus tendre enfance, Thérèse se sent possédée de lui, livrée à toutes ses exigences, incapable de rien lui refuser. Petit à petit, se précisent les renoncements qu'il attend d'elle. Aucun sacrifice ne lui sera épargné : Dieu comme une flamme ardente la consumera toute entière jusqu'à l'ultime agonie, qui s'accomplira dans la foi pure, privée de toute consolation. Mais sainte Thérèse sait qu'elle présente une offrande expiatoire pour les fautes du monde, qu'elle continue en sa chair et en son cœur lacérés le mystère de la Croix. ».

Je terminerai cette modeste évocation de Thérèse par la lettre du pape Paul VI du 2 janvier 1973, il y a exactement cinquante ans, à l'occasion (donc) du centenaire de la naissance de la sainte : « Que sa proximité de Dieu, la simplicité de sa prière, entraînent les cœurs à rechercher l’essentiel ! Que son espérance ouvre la voie à ceux qui doutent de Dieu ou souffrent de leurs limites ! Que le réalisme de son amour soulève nos tâches quotidiennes, transfigure nos relations, dans un climat de confiance en l’Église ! (…) À notre époque, l’intimité avec Dieu demeure comme un objectif capital mais difficile. On a en effet jeté le soupçon sur Dieu ; on a qualifié d’aliénation toute recherche de Dieu pour lui-même ; un monde largement sécularisé tend à couper de leur source et de leur finalité divines l’existence et l’action des hommes. Et pourtant la nécessité d’une prière contemplative, désintéressée, gratuite, se fait de plus en plus sentir. L’apostolat lui-même, à tous ses niveaux, doit s’enraciner dans la prière, rejoindre le Cœur du Christ, sous peine de se dissoudre dans une activité qui ne conserverait d’évangélique que le nom. Face à cette situation, Thérèse demeure avant tout celle qui a cru passionnément en l’Amour de Dieu, qui a vécu sous son regard les moindres détails quotidiens, marchant en sa présence, qui a fait de toute sa vie un colloque avec le Bien-Aimé, et qui a trouvé là, non seulement une aventure spirituelle extraordinaire, mais le lieu où elle rejoignait les horizons les plus vastes et communiait intimement aux soucis et aux besoins missionnaires de l’Église. Tous ceux qui sont aujourd’hui en quête de l’essentiel, qui pressentent la dimension intérieure de la personne humaine, qui recherchent le Souffle capable de susciter une vraie prière et de donner une valeur théologale à toute leur vie, nous les invitons, qu’ils soient contemplatifs ou apôtres, à se tourner vers la carmélite de Lisieux : au-delà d’un langage nécessairement marqué par son époque, elle constitue un guide incomparable sur les chemins de l’oraison. ».

Et le souverain poncif continuait, dans une étonnante modernité : « De même aujourd’hui, il importe de raviver l’espérance. Beaucoup éprouvent durement les limites de leurs forces physiques et morales. Ils se sentent impuissants devant les immenses problèmes du monde dont ils s’estiment à juste titre solidaires. Le travail quotidien leur semble écrasant, obscur, inutile. Bien plus, parfois, la maladie les condamne à l’inaction, la persécution étend sur eux un voile étouffant. Les plus lucides ressentent davantage encore leur propre faiblesse, leur lâcheté, leur petitesse. Le sens de la vie peut ne plus apparaître clairement, le silence de Dieu, comme on dit, peut se faire oppressant. Certains se résignent avec passivité ; d’autres se referment sur leur égoïsme ou sur la jouissance immédiate ; d’autres se durcissent ou se révoltent ; d’autres enfin désespèrent. Aux uns et aux autres, Thérèse "de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face" apprend à ne pas compter sur soi-même, qu’il s’agisse de vertu ou de limite, mais sur l’Amour mystérieux du Christ qui est plus grand que notre cœur et nous associe à l’offrande de sa Passion et au dynamisme de sa Vie. Puisse-t-elle enseigner à tous la "petite voie royale" de l’esprit d’enfance, qui est aux antipodes de la puérilité, de la passivité, de la tristesse ! De cruelles épreuves de famille, des scrupules, des peurs, d’autres difficultés encore semblaient bien de nature à perturber son épanouissement ; la maladie n’a pas épargné sa jeunesse ; bien plus, elle a expérimenté profondément la nuit de la foi. Et Dieu lui a fait trouver, au sein même de cette nuit, l’abandon confiant et le courage, la patience et la joie, en un mot la vraie liberté. Nous invitons tous les hommes de bonne volonté, particulièrement les petits et les humiliés, à méditer ce paradoxe d’espérance. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Sainte Jeanne d'Arc.
Sainte Thérèse de Lisieux.
Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
L’Église de Benoît XVI.
Saint François de Sales.
Le pape François.
Saint Jean-Paul II.
Pierre Teilhard de Chardin.
La vérité nous rendra libres.
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Pourquoi m’as-tu abandonné ?
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Le ralliement des catholiques français à la République.
L’abbé Bernard Remy.
Maurice Bellet.


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