Moïse, Josué, une logique de guerre

par Emile Mourey
mardi 6 février 2007

Hier comme aujourd’hui, la recherche historique repose sur trois piliers : une bonne compréhension des textes anciens, la logique, notamment militaire et, ensuite seulement, une bonne interprétation archéologique. Aboutissement de mes précédents articles, je termine mon étude du Pentateuque juste avant la conquête du pays de Canaan par les Hébreux.

Moïse est monté sur le mont Nebo. Dans sa grande sagesse, Yahvé a pensé qu’il était opportun de le faire mourir à ce moment-là, à cet endroit-là. Josué va lui succéder. C’est lui qui va prendre dorénavant tous les risques car, en toute guerre, rien n’est jamais gagné d’avance.

De son observatoire, Moïse tourne son regard vers l’Egypte où il est né en tant que prêtre d’Osiris (voir mes précédents articles). Il se rappelle son parcours jusqu’à Massada, sa défaite d’Horma, son trajet pour contourner le pays d’Edom par le sud, ses quarante années passées dans le désert, dans son réduit de Petra (ma thèse), sa conquête des pays de Transjordanie. Terminant son tour d’horizon, ses yeux se fixent sur le pays de Canaan que son Dieu Yahvé a promis à son peuple.

Une armée nombreuse et disciplinée.

Au départ d’Egypte, la Bible donne un chiffre de 600 000 hommes aptes à porter les armes. Le recensement que fait Josué avant le franchissement du Jourdain donne à peu près le même chiffre, ce qui est assez curieux. Faut-il compter dans ses 600 000 hommes, les cousins hébreux qui sont restés au pays de Canaan ou qui y sont revenus avant les quarante ans ? mystère ! Ce qui est en revanche très probable, c’est l’arrivée massive de combattants volontaires venant de "la zone occupée" pour se rallier à Moïse en prévision des futurs combats. Maître des ressources de Moab et des pays voisins, celui-ci était en mesure de les héberger et de les nourrir.

Cette armée, Moïse l’a soumise à une discipline de fer, d’abord en lui imposant des règles très strictes pour l’habituer à une obéissance sans hésitation ni murmure. Celui qui a péché en ramassant du bois mort le jour du sabbat est lapidé par ses compagnons (Nomb 15, 35- 36). Les chefs qui ont fauté sont empalés face au soleil (Nomb 25, 4). Les groupes qui se rebellent sont enterrés vivants ou livrés au feu (Nomb 16, 31 - 35).

Cette armée doit faire du butin pour alimenter le trésor et le service de l’intendance. Il est rare que l’homme de troupe soit autorisé à "butiner" pour son propre compte (c’est ce mot qui figure dans ma Bible, Nomb 31,53). Il faut qu’il attende pour recevoir sa part. Celui qui détourne le butin frappé d’anathème est non seulement puni de mort mais également son entourage qui ne le dénonce pas, bétail compris (Jos 7, 25). Un allié s’écarte du droit chemin, c’est une bonne occasion pour le rayer de la carte et pour s’emparer de tous ses biens (Nomb 31, 1- 12).

La cohésion et le moral de cette armée sont soigneusement entretenus par tout un cérémonial à la fois militaire et religieux. Lecture de la Loi, célébrations collectives, repas commémoratifs, cérémonies d’intronisation et de dissolution, manifestations de repentance et d’absolution, discours au peuple, la vie de la collectivité est rythmée par une liturgie qui ne laisse rien au hasard. Les étrangers sont exclus du camp et des villes stratégiques occupées. La race est préservée par une généalogie soigneusement tenue à jour. La présence de Yahvé est omniprésente. Les maladies et les épidémies sont des punitions que Dieu inflige à l’individu, au groupe ou au peuple à cause des péchés présents, passés ou oubliés. Mais Yahvé est très attentif pour récompenser. S’il dépossède les uns, en revanche il donne à d’autres.

Un principe de dissuasion, un plan de campagne.

L’adversaire de Josué n’est pas le peuple dominé des campagnes mais le peuple dominant retranché derrière les murailles de ses villes fortifiées. Si la ville accepte la paix qu’on lui propose, les habitants ont la vie sauve mais sont soumis au nouveau pouvoir qui s’installe. Si la ville ne se rend pas dès les premières sommations, tous les mâles seront frappés du tranchant du glaive. Femmes, enfants, bétail seront pris comme butin (Deut 20, 10 - 14). Tel est le principe de dissuasion qui - pour qu’il fonctionne - doit être appliqué dès la première ville qui résiste, sans pitié et sans aucune restriction.

En ce qui concerne les villes stratégiques nommément désignées, il est prévu de les vider de leur population et de les occuper sans partage. Les habitants doivent savoir qu’ils seront passés systématiquement au fil de l’épée, hommes, femmes, enfants et bétail, s’ils ne vident pas les lieux avant l’arrivée de l’armée.

Trois phases sont prévues. Une première campagne au sud, une deuxième au nord, une troisième pour réduire les poches de résistance. Les deux premières sous le commandement de Josué entre 1405 et 1336 avant J.-C. (ma thèse), la troisième après sa mort, à l’initiative des chefs des tribus, une fois leur installation terminée. Le pays est réparti entre les douze tribus, les limites des différentes parts précisées, les responsabilités clairement établies.

Avant le franchissement du Jourdain, les futurs vainqueurs sont marqués au fer rouge d’une pièce d’identité indélébile, une cicatrice toute fraîche autour de leur verge.

Les trompettes d’argent et les murailles de Jéricho

« Fais-toi deux trompettes d’argent ; tu les feras d’argent battu. Elles te serviront pour la convocation de l’assemblée et pour le départ des camps (Nomb 10, 2). »

La Bible ne dit pas exactement quand Josué a sonné le départ en campagne. Comme il était prévu que l’arche d’alliance marche en tête et que les porteurs traversent le Jourdain à pieds secs - ceci pour répéter le miracle du franchissement de la mer Rouge - il a fallu très certainement attendre, soit un moment de très basses eaux, soit que des digues provisoires arrêtent momentanément son cours. Il a fallu aussi attendre que les espions hébreux envoyés dans la population de Jéricho aient accompli leur mission de subversion qui consistait à soudoyer la garnison égyptienne prostituée au dieu Amon, la devenue célèbre Rahab.

Jéricho était la forteresse qui gardait la porte d’entrée au pays de Canaan, cerbère aussi cruel et détesté qu’était le pharaon d’Egypte. C’était bien la première forteresse à prendre. L’épaisseur de ses murailles était telle que seul Yahvé était en mesure de les faire tomber. Chaque jour, pendant six jours, les Hébreux firent le tour de la ville. Sept prêtres sonnaient continuellement du cor. L’arche d’alliance marchait au milieu d’eux. Le septième jour, la partie dissidente de la garnison égyptienne se rendit maître des murailles et ouvrit les portes. Les trompettes retentirent. L’armée de Josué poussa un grand cri et s’engouffra dans la ville, massacrant hommes, femmes, enfants et animaux.

Puis, les murailles tombèrent sur la ville frappée d’anathème.

E. Mourey

http://www.bibracte.com

NB. Ces événements se sont passés il y a environ trois millénaires et demi. C’est l’histoire d’un monde passé qui n’a que peu de rapports avec celui d’aujourd’hui, tant il y a eu, depuis, de mouvements de populations, notamment dans cette région. Toute polémique sur ce sujet serait donc dénuée de sens.



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