Covid-19 : la contre-offensive du variant Eris

par Sylvain Rakotoarison
lundi 2 octobre 2023

« Les contaminations repartent à la hausse, comme les passages aux urgences, portés par un nouveau variant baptisé Eris. Fortes fièvres, fatigue, courbatures… le virus qu’on avait un peu oublié gâche même les vacances de certains. » ("Le Parisien" du 10 août 2023).

Ce lundi 2 octobre 2023, Katalin Kariko et Drew Weissman viennent de recevoir le Prix Nobel de Médecine 2023 pour leur contribution au « développement des vaccins à ARN messager efficace contre le covid-19 ». Je reviendrai sur cette très intéressante nouvelle et c'est une troublante coïncidence des dates.

En effet, c'est aussi ce lundi 2 octobre 2023 que débute la nouvelle campagne de vaccination contre le covid-19. Elle a été avancée de deux semaines. Pourquoi ? Qu'en est-il du covid-19 aujourd'hui ? Depuis le début du mois d'août 2023, le nombre de cas remonte. Faut-il s'alarmer ? Non, si l'on en croit l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Un nouveau variant est devenu majoritaire en France, et dans le monde. En fait, il s'agit d'un sous-sous-variant. Il est appelé Eris comme la déesse grecque de la discorde, ce qui est plus joli que son nom réel, EG.5. Santé Publique France a annoncé le 25 septembre 2023 qu'il était maintenant majoritaire en France (le plus détecté en France le 31 août 2023).

Il était en forte expansion dès le mois de mai 2023 en Chine, Japon et Corée du Sud puis aux États-Unis et Canada, enfin en Europe, surtout Royaume-Uni et France. Au 25 septembre 2023, il correspondait à 38% des détections au niveau mondial sur les deux derniers mois, contre 28% le mois précédent.

Ce variant est un sous-lignage de XBB.1.9 et un descendant d'omicron. Il a été pour la première fois détecté le 17 février 2023, classé par l'OMS le 19 juillet 2023 comme un "variant sous surveillance" et le 9 août 2023 comme un "variant d'intérêt à suivre".



Pourquoi est-il ainsi pointé du doigt ? Parce que sa spécificité est d'avoir une mutation sur la zone de la molécule spike utilisée comme cible par les anticorps neutralisants. Le risque est donc un trou dans la raquette immunitaire. Les vaccins d'avant 2023 protègent donc beaucoup moins bien du variant Eris. C'était la raison pour laquelle la pandémie a duré aussi longtemps : la survenue de nouveaux variants qui renouvelaient l'offensive virale. Depuis décembre 2021, c'était toujours omicron et c'est pour cela que nous avons été en fin d'épidémie. La survenue de ce nouveau variant nécessite donc quelques précautions.

Le sous-variant Eris n'a pas beaucoup de différence en ce qui concerne les symptômes : rhume, fatigue, mal de tête, mal de gorge : « Rien n'indique à ce jour qu'EG.5 ait une présentation clinique différente ou une sévérité accrue. » a assuré Santé Publique France.

Interrogé par "Capital" le 10 août 2023, l'épidémoliogiste montpelliérain Mircea Sofonea a expliqué : « Eris a acquis deux mutations d’acides aminés sur la protéine spike. (…) Il est associé à une propriété avantageuse qui lui permet de bénéficier d’un échappement immunitaire. (…) avec une mutation, la reconnaissance se fait moins bien, et le corps ne produit pas autant de défenses immunitaires. D'où le développement d’Eris. (…) Les formes graves sont cependant très rares au vu de l’immunité de la population. ».

Et d'ajouer : « Que l’on soit dans une phase épidémique ou non, et qu’il y ait un nouveau variant ou non, il y a forcément un déclin immunitaire à partir du quatrième mois qui suit un vaccin. Ajoutons à cela le risque d’échappement immunitaire, et enfin des conditions comportementales et météorologiques. La reprise scolaire et professionnelle, mais aussi une météo plus froide sont propices au développement d’Eris. (…) Si inquiétude il doit y avoir, elle doit se faire de façon raisonnable dans les services spécialisés de l'État et du soin, et elle ne doit pas jouer contre nous. Angoisser une population est toujours défavorable. (…) Cependant, la vigilance doit être constante, car plus on avance dans le temps, plus la pandémie nous semble lointaine. Cela entraîne forcément un relâchement du comportement, notamment sur les gestes barrière ou le port du masque. ».

La disparition de la base de données et la fin du dépistage systématique ont rendu beaucoup plus floue l'évolution de l'épidémie en France, mais le 12 septembre 2023, Santé Publique France constatait une augmentation de 30% par rapport à la semaine précédente des passages aux urgences pour des suspicions de covid-19 : « Même en l'absence de nouveaux variants, une diminution de la protection conférée par la vaccination ou par une infection antérieure ainsi qu'une circulation soutenue du virus pourraient entraîner une recrudescence des formes sévères, en particulier chez les personnes vulnérables. » rappelait déjà un document ancien daté du 18 mai 2022.


C'est la raison pour laquelle le Ministre de la Santé Aurélien Rousseau a avancé le début de la compagne de vaccination contre le covid-19 initialement prévu le 17 octobre 2023 en même temps que la campagne contre la grippe. Il s'agit d'un vaccin qui est adapté au sous-lignage XBB.1.5. qui était majoritaire en France au printemps ("vaccin à ARN messager monovalent Comirnaty de Pfizer/BioNTech"). D'autres vaccins sont possibles, VidPrevtyn Beta de Sanofi et Nuvaxovid de Novavax, mais pour ce dernier, il sera disponible seulement en novembre pour XBB.1.5.

On peut se faire vacciner en pharmacie, chez le médecin, auprès d'un infirmier ou d'une sage-femme, et les résidents en EHPAD peuvent être vaccinés sur place. Il est possible de se faire vacciner contre le covid-19 et contre la grippe en même temps, mais pas sur le même bras.



En effet, dans un document daté du 22 juin 2023, la Haute Autorité de Santé (HAS) préconisait ainsi la double vaccination : « Au terme de son évaluation, et afin de simplifier le parcours vaccinal, la HAS confirme sa recommandation de proposer l’administration concomitante des vaccins contre la covid-19 et contre la grippe saisonnière, dès lors qu’une personne est éligible aux deux vaccinations, quel que soit son âge. Le cas échéant, la HAS rappelle que les injections doivent être pratiquées sur deux sites d’injection différents. En outre, si les vaccins contre la grippe et contre la covid-19 ne sont pas administrés au même moment, la HAS rappelle qu’il n’y a pas de délai à respecter entre les deux vaccinations et que de façon générale, il n’est pas nécessaire de respecter un délai minimum entre un vaccin contre la covid-19 et tout autre vaccin du calendrier vaccinal. ».

"20 Minutes" a cité le 1er octobre 2023 des réactions de lecteurs énervés sur cette nouvelle campagne de vaccination, comme celle de Dorothée, quadragénaire, significatve : « Ras le bol ! Qu’on nous foute la paix et qu’on arrête de vouloir nous faire peur. Cette maladie tue les plus faibles comme d’autres maladies, alors arrêtons de dramatiser et de vouloir vacciner à tout-va parce qu’il faut écouler le reste des vaccins qu’on a payés au prix fort. ». Sauf que cette lectrice se trompe en croyant qu'on veut écouler les vaccins anciens, puisque, comme indiqué plus haut, il s'agit de nouveaux vaccins adaptés justement au sous-lignage majoritaire actuel. Les commandes de vaccins n'ont d'ailleurs commencé en France que le 18 septembre 2023.


Interrogé par le même journal, le docteur Benjamin Davido, de l'hôpital Raymond-Poincaré à Garches, s'est inquiété de cette désinformation qu'il a mise aussi sur le compte du gouvernement qui ne communique plus sur le sujet : « Il subsiste une désinformation et une méconnaissance sur le risque actuel et sur l’arrivée de nouveaux vaccins, avec et sans ARN messager. Et c’est extrêmement néfaste : l’absence d’information et d’accompagnement des pouvoirs publics alimente ce complotisme. (…) Il n’y a pas assez de pédagogie et d’anticipation de la part des autorités. Personne ne peut dire le nombre de contaminations cette semaine, puisqu’on n’a plus d’outils de surveillance. C’est compliqué pour inciter la population à se faire vacciner, quand on ne peut même pas quantifier la menace sanitaire, même à l’hôpital ! En ce moment, au sein de l’AP-HP, il y a de grands débats pour savoir si nous, les soignants, remettrons le masque à l’hôpital en cas de reprise de triple épidémie de covid-19, grippe saisonnière et bronchiolite, alors que celle vécue l’année dernière a mis l’hôpital en surtension. C’est tout sauf de la prévention, ça ! (…) On a déjà un mois de retard sur la campagne de rappel. Elle aurait dû démarrer début septembre, en amont de la reprise épidémique. Aujourd’hui, il n’y a pas de mesures de freinage, pas de suivi des contaminations, pas de gestes barrières, pas de vaccination précoce, et trop peu de communication. Pourquoi les autorités sanitaires, qui prônent le "vivre avec le virus", n’ont-elles pas réussi à mettre en place les mêmes actions de communication et de prévention que pour la grippe, pour laquelle les patients ne se posent pas la question de se faire vacciner ou non, ils le font. Beaucoup de patients s’interrogent sur l’intérêt d’un rappel anti-covid alors qu’ils sont à risque. Beaucoup ont perdu de vue l’intérêt de cette vaccination : se protéger contre les formes graves et alléger le fardeau que le covid-19 fait peser sur l’hôpital et les urgences. On a pourtant un vaccin mis à jour et efficace, une réponse sur mesure face au virus. (…) On a tous les moyens nécessaires pour se protéger, à nous de faire ce qu’il faut pour que cette campagne soit efficace. ».

Le gouvernement a arrêté de communiquer sur le covid-19 à partir du début de la campagne présidentielle de 2022. On pouvait le comprendre pour des raisons électorales. Mais ce relâchement pourrait bien précipiter une nouvelle crise sanitaire si on n'y prend pas garde. Comme l'a dit le docteur Davido, nous avons les moyens de stopper le covid, par la vaccination qui empêche le développement des formes graves, et par un peu de vigilance avec les gestes barrières dans certaines circonstances.


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Sylvain Rakotoarison (02 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


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