Prendre le train

par C’est Nabum
mardi 2 août 2022

Laisse le chemin faire…

Pour qui a la chance de ne pas prendre le train quotidiennement pour son travail, prendre le chemin de fer demeure un plaisir rare, une porte ouverte pour l'aventure à un autre rythme et dans des conditions si différentes de la voiture individuelle, que rien ne peut remplacer un mode de déplacement jamais avare de surprises.

Paradoxalement, c'est tout naturellement la rupture avec le train-train quotidien qu'implique cette plongée dans les arcanes d'un service qui fut jadis public et qui depuis cherche sa voie, entre entreprise bassement mercantile et maintien coûte que coûte d'une certaine idée de la France. La SNCF se meurt mais ne se rend pas encore, c'est bien là l'essentiel pour cette arrière garde du syndicalisme outrancier.

Car prendre le train c'est d'abord courir plusieurs lièvres à la fois. Tout d'abord et surtout en période critique, c'est se colleter au risque de la sournoise grève. Ce qui relève ici de la tradition n'en demeure pas moins un terrible péril pour celui qui n'a d'autre choix que de confier son destin à l'humeur versatile des derniers Mohicans de la revendication.

C'est encore jongler avec les horaires, les correspondances, les retards inopinés si fréquents qu'ils n'ont plus rien d'extraordinaires au point de plomber tout voyage en transformant le malheureux usager en un obsessionnel de l'horloge. Regarder sa montre ou tout ce qui tient lieu désormais d'indicateur chronologique est le signe manifeste que vous avez à faire à un migrateur sur les rails.

Il faut encore assumer le péril de l'indication absconse, du fléchage incertain, du renseignement aléatoire et des changements de dernière minute qui mettent en péril l'égaré de la correspondance. Car voyez-vous, le transit est délicat dans ce monde du transport ferroviaire, au propre comme au figuré depuis que les WC ne sont accessibles désormais qu'en crachant au bassinet après une longue quête.

Mais j'anticipe grandement l'aventure, le nez au vent alors que le plus délicat est de se mettre en posture de trouver un billet. Mise à part les grandes villes dont les gares hébergent encore une espèce en voie de disparition, l'usager doit se résoudre à passer par le dédale de la toile pour acquérir son billet. Une épopée qui demande une patience d'ange, un peu de chance et beaucoup de persévérance tout autant qu'un équipement personnel de nature à compenser les lacunes de la société qui se décharge de tout ce qui devrait lui incomber normalement.

Plus incompréhensible encore est la différence de tarif au sein du même train pour la même destination. C'est la loterie, le délit d'initié, la combine pour ceux qui sont à l'abri du besoin et le prix prohibitif pour ceux qui se retrouvent dans la panade au dernier moment. Le prix à la tête et à la bourse du client en somme, favorisant toujours les gens des grandes villes avec des promotions délirantes pour les privilégiés du TGV.

Prendre le train c'est ainsi se mettre le nez dans les différences de classe, découvrir que le principe d'égalité n'est toujours pas acquis dans une entreprise qui à ses débuts distinguait jusqu'à trois états comme au temps glorieux de la royauté. Tout ceci n'est pas de nature à vous redonner l'envie de voyager en transport en commun d'autant que même avec les hausses des carburants, le train pour une personne seule parvient tout juste à concurrencer l'automobile. C'est à croire que ce mode de transport est abandonné par nos chers décideurs.

Prétendre que le train bat de l'aile, ce serait à vrai dire faire un abus de langage mais affirmer tout de go qu'il a tendance à dérailler quelque peu, voilà là chute raisonnable à un billet écrit lors d'une correspondance pour laquelle j'ai imaginé que vous puissiez être mes correspondants.

À contre-voie.


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