Europe : merci, Tony
par Roues Libres
mardi 20 décembre 2005
Les perspectives financières européennes sont désormais claires. Grâce à Tony Blair ! Le Figaro du 15/12/2005 : « Union européenne. Le compromis sur le budget européen, doublé d’un accord à l’OMC, est un succès pour la présidence britannique de l’Union. »
Voilà, tout est dit. Tony ressort en super-star de ce sommet de tous les dangers. L’ Europe a un budget, on respire. Merci Tony, grâce à votre ardente ambition européenne, nous voici désormais à l’abri du besoin.
Quelle magistrale leçon de politique à l’ anglaise ! Ou comment se replier en bon ordre sur des positions soigneusement préparées à l’avance. D’ abord, tout contester, et se projeter, sans craindre de faire l’unanimité contre soi, sur des objectifs qu’on sait parfaitement impossibles à atteindre, mais qui vont néanmoins dans la bonne direction. C’est-à-dire contre les positions bien établies de son vieil ennemi (celui qui célèbre Trafalgar, et pas Austerlitz) arcbouté sur la défense de son agriculture. Utiliser le chantage comme un moyen de pression ordinaire, s’asseoir sans vergogne sur des accords antérieurs comme s’ils n’avaient jamais existé. En profiter au passage pour proposer une vision de progrès, et montrer le caractère absurde d’une politique française passéiste. Enfin, profiter du changement de majorité en Allemagne pour introduire un coin entre les vieux complices. Puis, tenir coûte que coûte envers et contre tous, préparer l’opinion à l’échec, assurer que plus rien n’est négociable, et attendre…
...Pour accepter d’un coup le compromis, au nom de la sauvegarde de l’avenir du projet commun. Oui, le Royaume-Uni a sauvé l’ Europe. Merci, Tony.
« Ce n’était pas facile. Il a réussi. C’est un très bon résultat de la présidence britannique », a résumé le président de la Commission, José Manuel Barroso. Après des négociations difficiles, tous les dirigeants européens s’avouaient soulagés. « Le gros nuage qui pesait sur l’Europe s’est enfin envolé », s’est félicitée la chancelière allemande Angela Merkel, dont l’intervention fut décisive. « Tony Blair a fait un geste important », a reconnu Jacques Chirac (Le Figaro)
Car Angela, qui cherche par tous les moyens à se dépétrer de l’encombrant Chirac, qui ne vaut plus 1€ sur la scène internationale, n’a pas manqué son entrée sur la scène européenne, et peut rentrer à Berlin auréolée d’un prestige nouveau, susceptible de faire oublier, un peu, à son opinion, la gestation douloureuse de son gouvernement.
Le retour de Tony chez lui s’annonce un peu plus difficile. Du point de vue de son opinion à lui, ces 10 milliards de concessions sur le "rabais britannique", même s’ils sont payés en monnaie de singe, ne manqueront pas d’être désignés par les tabloïds comme un coup mortel porté au budget de sa Majesté. Cette victoire-là pourrait donc ressembler plus à Dunkerque qu’à Waterloo..
Mais Tony en a vu d’autres. Ce qu’il nous reste à voir, en revanche, c’est un changement de leadership pour l’ Europe, si Tony et Angela décident de faire un bout de chemin ensemble, main dans la main, au grand dam de notre grand homme . Comme hélas bien d’autres, le couple franco-allemand n’aura pas résisté à l’usure du temps, ni à l’accumulation des petites et des grandes trahisons. Pour ce qui concerne la dernière en date, le non au projet de constitution, préparons-nous à en payer le prix. Il sera inévitablement élevé. Nous finirons, comme notre politique agricole commune, dans le fossé, avec les blaireaux.