Le Mur de l’Argent et l’Impuissance Politique
par politzer
lundi 28 avril 2025
Le Mur de l’Argent et l’Impuissance Politique : une Constante Capitaliste
L’impuissance de Charles de Gaulle face au « mur de l’argent », terme popularisé par François Mauriac en 1966 (Dépossession, Liliane Held-Khawam, p. 67), illustre une vérité structurelle des pays capitalistes : les élites financières – banques centrales, institutions privées, marchés internationaux – exercent un pouvoir qui paralyse même les dirigeants les plus légitimes. En France, la Banque de France, les banques privées (BNP, Société Générale), et les marchés (via Bretton Woods) ont limité les ambitions souverainistes de De Gaulle dans les années 1960, malgré son soutien populaire (65 % en 1965). Annie Lacroix-Riz, dans une interview au Café Marxiste, a averti : « Si les Français ne prennent pas l’initiative, ils vont tous nous tuer ! » Cette phrase, bien que non confirmée dans les sources publiques, reflète sa conviction que l’inaction face aux élites financières mène à une destruction sociale, économique, et potentiellement physique des peuples. Cette dynamique, observée en France, se retrouve dans tous les pays capitalistes, pour les raisons suivantes.
1. Le Mur d’Argent : une Structure Universelle du Capitalisme
Dans les pays capitalistes, le pouvoir financier s’organise autour de trois piliers, similaires à ceux qui ont vaincu De Gaulle :
Banques centrales : Comme la Banque de France ou la BCE en Europe, des institutions comme la Federal Reserve (États-Unis), la Bank of England (Royaume-Uni), ou la Bank of Japan contrôlent la politique monétaire (taux d’intérêt, émission monétaire). Présentées comme indépendantes, elles priorisent la stabilité financière et les intérêts des marchés sur les besoins populaires. Par exemple, la Fed a imposé des hausses de taux en 2022-2023, aggravant l’inflation pour les ménages américains (7 % en 2023, BLS).
Banques privées : À l’image de BNP en France, des géants comme JPMorgan Chase, HSBC, ou Deutsche Bank dominent les économies, finançant des projets rentables (spéculation, énergies fossiles) au détriment des services publics. Leur influence, via le lobbying, neutralise les réformes progressistes, comme au Royaume-Uni où les banques ont bloqué des taxes sur les bonus post-2008.
Marchés internationaux : Les marchés financiers, avec une dette globale de 230 000 milliards de dollars (FMI, 2023), sanctionnent toute déviance par des fuites de capitaux ou des krachs. La crise grecque (2015), où la BCE et le FMI ont imposé l’austérité à Syriza, montre cette emprise transnationale, similaire aux pressions de Bretton Woods sur De Gaulle.
Ces structures, présentes dans tous les pays capitalistes, créent un mur d’argent qui limite la souveraineté des États, comme en France dans les années 1960.
2. L’Impuissance des Partis : un Phénomène Global
L’incapacité des partis politiques à neutraliser ces forces, observée en France avec la NUPES, est universelle dans les démocraties capitalistes :
Compromission : Les partis, même progressistes, dépendent des financements et des médias, souvent contrôlés par les élites. Aux États-Unis, le Parti démocrate, malgré des figures comme Bernie Sanders, reste lié à Wall Street (ex. : dons de Goldman Sachs à Biden, 2020). Au Royaume-Uni, le Labour de Keir Starmer (2024) a abandonné ses promesses de nationalisation pour rassurer les marchés.
Institutions financières : Les banques centrales, comme la BCE ou la Fed, échappent au contrôle démocratique. En Allemagne, la Bundesbank influence la BCE pour maintenir une politique anti-inflationniste, bloquant les investissements sociaux. Aucun parti ne peut les réformer sans rompre avec le système capitaliste.
Pression des marchés : Les partis craignent les représailles économiques. En Italie, le gouvernement de gauche de Romano Prodi (2006-2008) a plié face aux marchés, imposant l’austérité. En Amérique latine, même des leaders radicaux comme Lula au Brésil (2022) modèrent leurs réformes pour éviter un krach.
Mépris démocratique : Le bafouement du référendum de 2005 en France (Traité de Lisbonne) a des équivalents ailleurs. En Irlande, le « non » au Traité de Lisbonne (2008) fut ignoré via un second vote. En Grèce, le référendum anti-austérité (61 % pour le « non », 2015) fut trahi par Tsipras sous la pression de la BCE.
Ces dynamiques montrent que les partis, libéraux ou sociaux-démocrates, sont incapables de défier le mur de l’argent, tout comme la NUPES en France.
3. La Révolution des Œillets : un Modèle Applicable ?
La Révolution des Œillets (1974, Portugal), une révolte quasi-violente qui a renversé une dictature grâce à la fraternisation armée-peuple, offre un modèle pour un changement radical de régime. Ce modèle, nécessaire en France, est pertinent pour d’autres pays capitalistes :
Fraternisation : Comme au Portugal, où des officiers (MFA) et des soldats ont rejoint le peuple, les forces de l’ordre (policiers, réservistes) dans d’autres pays sont des citoyens touchés par la précarité. Aux États-Unis, des policiers ont exprimé de la sympathie pour les manifestations de Black Lives Matter (2020). En Inde, des agriculteurs en grève (2020-2021) ont rallié des soldats, forçant des concessions.
Crise : Une crise économique ou politique est clé. En Islande (2008), une révolte populaire, sans violence, a renversé un gouvernement corrompu après un krach bancaire, menant à des nationalisations. En Tunisie (2011), une révolution quasi-violente a chassé Ben Ali.
Organisation : Des comités populaires, comme au Portugal, existent ailleurs : comités de quartier au Chili (2019), conseils citoyens en Tunisie. Ils peuvent coordonner grèves et occupations, hors des partis.
Cependant, la faisabilité varie :
Pays développés : Les États-Unis, le Royaume-Uni, ou l’Allemagne ont des appareils répressifs puissants (NSA, MI5, Bundeswehr) et des populations divisées, rendant la fraternisation difficile. La crise doit être aiguë (ex. : krach post-2008).
Pays émergents : En Amérique latine (Chili, Bolivie) ou en Afrique (Tunisie, Égypte), les révoltes populaires ont plus de chances, car les armées sont moins équipées et les crises fréquentes. La Bolivie (2019) a vu des mobilisations indigènes renverser un coup d’État.
4. La Dette et le Mépris : des Traits Communs
La dette et le mépris démocratique, centraux en France (2005, 3 200 milliards de dette publique), sont des instruments universels du capitalisme :
Dette : Les pays capitalistes, du Japon (260 % du PIB) aux États-Unis (130 %), sont endettés auprès des marchés, imposant l’austérité. En Afrique, les prêts du FMI enchaînent des nations comme le Nigeria (50 % du budget pour la dette, 2023).
Mépris : Le déni démocratique, comme en 2005, se répète : le Brexit (2016) fut partiellement contourné par l’élite britannique ; en Colombie, l’accord de paix (2016) fut modifié malgré un référendum.
Lacroix-Riz, avec sa phrase, pointe cette menace globale : sans initiative populaire, les élites « nous tueront » par la misère, la répression, ou les guerres, comme elles l’ont fait en France sous Vichy ou en 1968.
5. Nuances et Limites
Si la logique française s’applique largement, des spécificités existent :
Hégémonie financière : Les États-Unis, siège de Wall Street et du dollar, contrôlent le système financier (SWIFT, sanctions). Une révolution y serait plus dure qu’en France, mais plus décisive.
Ressources : Les pays riches en ressources (pétrole, minerais) comme le Venezuela résistent mieux aux sanctions, contrairement à la France, dépendante des importations.
6. Conclusion
L’impuissance de Charles de Gaulle, soulignée par François Mauriac face au « mur de l’argent », révèle une vérité universelle des pays capitalistes : les élites financières – banques centrales, privées, marchés – dominent les États, rendant les partis, même radicaux, impuissants sans une révolution radicale. La Révolution des Œillets, quasi-violente et populaire, est un modèle applicable, de la France aux États-Unis, en passant par l’Amérique latine ou l’Asie, à condition d’une crise, d’une fraternisation, et d’une organisation hors partis. La dette (230 000 milliards mondiaux) et le mépris démocratique (2005, Grèce, Brexit) sont des chaînes globales, menaçant tous les peuples d’une « mort » sociale ou physique, comme Lacroix-Riz le craint. Sans initiative populaire, le mur de l’argent triomphera partout, comme il a vaincu De Gaulle.