Témoignage d’un boulanger qui n’a pas connu le CPE...
par rocla (haddock)
vendredi 14 avril 2006
Entré dans la vie active avec un contrat d’apprentissage de boulanger en juillet 1960, j’ avais 13 ans et 11 mois. Sans choisir ce métier, mon père ayant décidé que ce serait comme ça. Me voilà à 2 heures du matin dans le fournil, le premier jour mon patron m’ a dit : regarde bien comment on fait, demain tu essaieras de faire pareil. En effet, jour après jour, j’apprenais autre chose, façonner, pétrir, enfourner, faire des croissants, etc. Tous les jours de 2 h à 12h30, le soir pour faire le levain, entre une demi-heure et une heure.
Le vendredi soir, nous commencions à 22h, jusqu’ au lendemain midi
trente. Si je calcule correctement, ça nous fait 67 heures par semaine. Faire du pain est un art passionnant. Tous les jours il peut se passer autre
chose, plus froid, moins d’ humidité, farine différente, etc.
La première année, mon salaire hebdomadaire était de 10 francs, ce qui vaudrait aujourd’hui 80 francs, soit dans les 13 euros. Il est vrai que j’ étais nourri et logé. En 1963, j’ ai eu mon CAP, et suis aussitôt parti faire des places jusqu’à mon service militaire, le 1 janvier 1964.
En revenant de l’ armée, j’ai eu la chance d’être embauché dans un futur très grand magasin de photo, radio, télé, etc., apprenant à différents postes la mécanique de la distribution.
De 1973 à fin 2003, j’étais à mon compte, d’abord en exploitant une boulangerie, et ensuite en me dirigeant vers le commerce non sédentaire, foires et marchés, où il n ’est pas très simple de se faire une place au soleil, néanmoins j’ ai bien tiré mon épingle du jeu, et me voilà retraité. Pour aider mes enfants, j’ ai vendu un bien que j’avais pu acheter, de façon à leur donner un bon départ.
Au cours de ma vie, pour être près de mon travail, j’ai dû déménager une douzaine de fois, et fait des milliers, sinon millions de kilomètres.
Je n’arrive pas à comprendre le tumulte actuel, beaucoup de personnes s’en prennent à d’autres (politiques, fonctionnaires, patronat, syndicats, extrème gauche, extrème droite, etc.) alors que jour après jour, on peut s’ informer des métiers dans lesquels il y a du boulot.
Est-ce qu’il faut d’abord faire bac +8 pour s’apercevoir que, actuellement, il faut, par exemple, des informaticiens ? Ou alors aller à l’école jusqu’à 25 ans pour entrer en apprentissage ?
C’est vrai que le bon sens, le courage, la motivation, la curiosité, l’adaptation à d’autres façons de vivre, ne sont pas des choses qu’on apprend facilement. Personnellement, je n’ attends rien de quiconque, sauf de moi-même. La plupart des gens qui ont bien réussi leur vie y ont été pour quelque chose.
Un grand comique a dit : Au bout de tes bras tu trouveras toujours deux mains secourables. Paix et bonheur à tous ceux qui me liront.