Chamonix dit stop aux résidences secondaires
par Fergus
mercredi 16 avril 2025
Il s’agit d’une « première » en France : dans un communiqué de presse daté du mardi 11 mars, la ville de Chamonix-Mont-Blanc a annoncé qu’elle allait à l’avenir interdire toute implantation nouvelle de résidence secondaire sur la quasi-totalité du territoire de la commune...
Tout le monde en France connaît, au moins de réputation, la vallée de Chamonix et son fabuleux panorama de haute montagne, fait de spectaculaires glaciers, d’aiguilles acérées et de dômes impressionnants dominés par les 4 806 m du mythique Mont-Blanc. Une réputation qui s’étend à l’ensemble des continents et suscite – notamment dans les classes aisées – des envies de posséder une résidence secondaire dans ce cadre exceptionnel ou d’y séjourner en recourant aux services d’une plateforme de location saisonnière de type Abritel, Airbnb ou Booking. Conséquence de cet engouement, Chamonix totalise désormais plus de 8 millions de nuitées touristiques chaque année !
Comme l’on peut s’en douter, un tel niveau de demande, tant française qu’internationale, a, au fil des années, alimenté la spéculation foncière en entraînant peu à peu les coûts de l’immobilier vers des sommets prohibitifs dignes de la capitale. Dès lors, comment s’étonner que le prix moyen (source MeilleursAgents.com) ait atteint 8 078 euros le m² pour un appartement et 10 931 euros le m² pour une maison individuelle dans la vallée ? Quant au coût en centre-ville, il culmine désormais à 11 970 euros le m² pour un appartement et 16 198 euros pour une maison individuelle. Un état de fait qui, au grand dam des locaux, rend l’accès au logement quasiment impossible pour la plupart d’entre eux.
Bien que le foncier bâti soit de plus en plus important malgré les freins mis en place par la municipalité depuis des années, cette réalité sociologique s’est traduite, en un peu plus de deux décennies, par un recul significatif de la population chamoniarde. Après avoir atteint un pic en 1999 avec 9 830 habitants, la population de la commune n’a cessé de régresser depuis. Lors du dernier recensement officiel, effectué en 2021, il a été comptabilisé 8 642 habitants. Un nombre qui serait aujourd’hui de 8 503 si l’on en croit les projections du site Ville-Data.com. Soit une chute probable de plus de 1 300 habitants en un quart de siècle malgré le développement économique de la commune !
Agir efficacement contre le surtourisme et la spéculation immobilière
Faute d’avoir les moyens financiers d’habiter dans la vallée, où les emplois ne manquent pourtant pas, nombre de natifs de Chamonix ont été (et sont encore) contraints de partir. Parfois dans les communes d’aval comme Sallanches, Cluses ou Bonneville, parfois plus loin. Et c’est pour eux un véritable crèvecœur dans la plupart des cas. Parmi ces exilés figure Dylan Hatzenberger, un trentenaire établi dans la basse vallée de l’Arve. Comme nous l’indiquait Le Monde en date du 13 avril, ce pilote d’hélicoptère chamoniard « transporte les ouvriers, apporte le matériel destiné à réparer les infrastructures en altitude et ravitaille les refuges. Parfois, il épaule les secouristes dans les situations d’urgence. »
La place de cet homme devrait à l’évidence être au cœur de la haute vallée, non loin de l’hélistation des Bois. C’est en se basant sur des cas de ce type que le maire Éric Fournier et les élus de Chamonix se sont battu depuis des années pour que soient adoptées des dispositions législatives donnant plus de poids aux municipalités afin d’agir efficacement contre le surtourisme et la spéculation immobilière qui en découle. Ces édiles et ceux d’autres communes – notamment littorales – exposées aux mêmes problématiques ont enfin été entendus l’an passé par les pouvoirs publics et les parlementaires. Il en est résulté un texte législatif voté le 19 novembre 2024 : la loi Le Meur.
Grâce à ce texte, le nouveau Plan local d’urbanisme (PLU) donnera désormais, par un ensemble de mesures, résolument la priorité au logement permanent et à la conservation des espaces naturels afin d’en finir avec une dérive qui, faute de loi adaptée, a permis aux résidences secondaires d’atteindre le taux exorbitant de 70 % du parc locatif sur le territoire de Chamonix ! Outre le plafonnement, à compter du 1er mai, du pourcentage des biens alloués à la location de courte durée, la commune n’autorisera plus aucune nouvelle construction de résidence secondaire en instaurant des servitudes drastiques de logement permanent. Nul doute que d’autres municipalités suivront cet exemple !
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