France 2024 : dérapages financier, constitutionnel et législatif !
par Aimé FAY
lundi 5 mai 2025
Comme chaque année, en avril, le FMI publie sa base de données relative aux principaux agrégats économiques et financiers de l’année passée, pour tous les pays de la planète. Incontestable et incontestée, cette base des chiffres de 2024, permet notamment, des comparaisons sur les performances économiques et financières des pays membres du FMI. Comparaisons généralement bénéfiques et sources de progrès ! Comparons les chiffres de la France à la moyenne des 20 pays qui ont la même monnaie dans l’Union européenne, c'est-à-dire la zone euro (€) : la dette et le taux d’endettement ; l’emploi et le taux de chômage ; l’emploi salarié (France seulement) ; la croissance économique ; la balance commerciale (France seulement).
Dérapages financiers
. Dettes en milliards d’euros et taux d’endettement en % du PIB (Source WEO April 2025) :
Rappels : dette du Japon en 2024 = 236%. Dette 2024 des USA = 121%
Inexorablement, notre dette et notre taux d’endettement continuent d’augmenter ! Comme si leur réduction était impossible, car gravée dans un marbre politique et politicien extrêmement précieux. Pourtant, les sources de la dette du pays sont bien connues depuis des décennies, notamment :
Année 2024, un nouveau record (outre celui d’avoir vu défiler 4 Premiers ministres et une Assemblée nationale, nouvelle, divisée en 3 blocs égaux, tous opposés les uns aux autres. Du jamais vu dans la Ve République. Le pays est devenu ingouvernable. Certains parlent même de bordélisation de la vie politique (lien)) :
Selon le ministère de l’Économie et de Finances, la responsabilité de ce dérapage incomberait essentiellement aux parlementaires. Selon le chef de l’État : “Bruno cela fait quand même 7 ans que tu es là !” (lien). Aparté : chaque année, les politiques et politiciens de tout bord s’insurgent contre la dette. Évoquent mille et une solutions pour la réduire : supprimer des niches fiscales (coût : 84 milliards, 2.8% du PIB) ; supprimer quelques dizaines des 1 244 agences de l’État ; arrêter la croissance des emplois publics souvent supérieure à celle des emplois marchands (le secteur privé en perdu 25 200 emplois en 2024, le secteur public en a « gagné » 32 100, selon l’INSEE), etc. Mais aussi : augmenter les recettes fiscales (l’IRPP et autres diverses taxes nationales et locales) ; réduire les pensions des retraités ; travailler plus, notamment en réformant le marché du travail ; réduire le train de vie de l’État ; etc. Le problème paraît autant difficile que la résolution de la quadrature du cercle. N’est-ce pas essentiellement celui de l’absence d’une volonté politique ? Rappelons la célèbre phrase du Russe : Vladimir Ilitch Oulianov : « Quand il y a une volonté d’agir, il y a toujours un chemin ! ». Ou encore : « Si un problème n’a pas de solution, alors il ne mérite pas d’être considéré comme un problème ! » (Jacques Rouxel, le créateur des Shadocks). Désormais, l’objectif est de 3%, en 2029 ! Comme le disait J. Keynes : “in long run, we are all dead !”. Pour tout politique et politicien, l’objectif primordial : c’est le court terme, voire le très court terme, celui de sa réélection ! Et puis, fixé un objectif « pour dans plusieurs années » ça n’engage à rien, car la personne qui l’a énoncé ne sera plus en place, et…
. Emplois et taux de chômage 2024 (Source FMI avril 2025). Chiffres aux normes OIT :
Un chômage, toujours supérieur à la moyenne de la zone euro. Même légèrement reparti à la hausse ! La promesse électorale du Président, d’être au plein emploi (environ 5%) en 2027 s’éloigne désormais. Les défaillances d'entreprises ont fortement augmenté en 2024. Le nombre total de procédures de défaillance a atteint 65 764 (source Bdf), notamment dans le bâtiment et l’immobilier (secteur tertiaire non marchand). L’adage « quand le bâtiment va, tout va ! » est-il connu du gouvernement ? Peu probable quand l’année 2024 a vu défiler 4 gouvernements et des centaines de ministres !
. Emploi salarié par secteur au quatrième trimestre 2024 (Source INSEE)
Éloquent : la France a créé des emplois salariés, mais essentiellement des emplois dans le secteur public (32 100). Public, c'est-à-dire des fonctionnaires ou assimilés. En 2024, la masse salariale des emplois publics a augmenté de 6.7% et pesé quelque 107 milliards ! Malgré l’effondrement des secteurs de la construction et du tertiaire non marchand, la politique de réindustrialisation s’est poursuit, car nous sommes restés, malgré tout, un pays attractif pour les investissements étrangers. Par ailleurs, les industries « vertes » (énergie renouvelable et décarbonée) ont été créatrice d’emplois.
. Croissances économiques en % du PIB à prix constants (Source WEO April 2025) :
Avec un montant de 2 596 milliards d’euros à prix constants et 2 922 milliards à prix courants, notre croissance a notamment été affectée par la récession de l’Allemagne, 1re économie de la zone euro. Cependant, conjoncturellement, la France a quand même su bénéficier :
Mais, structurellement, nous avons poursuivi une politique de dépenses publiques… faisant fi d’un nouveau dérapage spectaculaire des comptes publics.
. Balance commerciale de la France en 2024 (lien)
Notre déficit commercial a toujours le triste record des pays de l’Union européenne, même si la baisse conjoncturelle du prix des énergies, les exportations d’électricité et de l’aéronautique… conjuguées au ralentissement des importations, nous ont fait « gagner » 50 milliards par rapport à 2023. Cependant, l’offre de l’appareil productif français est toujours peu adaptée à la demande mondiale... et même à la nôtre, domestique. Cela nous oblige à importer toujours plus pour satisfaire nos besoins de consommation, même lors d’un ralentissement économique. Rappel : pour tout pays, un déficit commercial, c’est la création d’emplois dans les pays étrangers. Pour la France, ce sont des dizaines de milliers d'emplois créés chaque année dans le « Reste du monde ».
Dérapages constitutionnel et législatif
Le 9 juin 2024, dans une déclaration inattendue, quasi émotionnelle et faisant fi de son obligation constitutionnelle (article 12 de la Constitution) de consulter le Premier ministre, la Présidente de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, le chef de l'État annonce la dissolution de l'Assemblée nationale. Les élections législatives se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024. Résultats : l’Assemblée nationale se retrouve partagée en 3 blocs politiques, tous opposés les uns aux autres : un bloc central « soutien » du Chef de l’État (168 députés) ; le Front national de Marine Le Pen et alliés(159 députés) ; le Nouveau front populaire (192 députés) sous la férule de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Aucun d’eux n’a la majorité de 289 sièges pour imposer son programme. La France est devenue ingouvernable et instable. Une première sous la Ve République. Durant juillet et aout 2024, l’ancien gouvernement expédie les affaires courantes en attendant la nomination d’un Premier ministre. Elle arrive le 5 septembre 2024 : Michel Barnier. Son gouvernement est renversé le 13 décembre et un nouveau Premier ministre est le nommé le 23 décembre 2024 : François Bayrou. Avec Élizabeth Borne et Gabriel Attal, 2024 aura usé 4 Premiers ministres, et leur gouvernement.
Conclusion Dérapages de nos comptes publics, explosion du déficit budgétaire, taux d’emploi insuffisant, chômage endémique, faible croissance économique et balance commerciale inlassablement déficitaire. Autant de facteurs qui reflètent la continuité de nos insuffisances économiques et financières structurelles. Les décennies se suivent et se ressemblent. Nous ne pouvons plus invoquer inlassablement des causes exogènes ! Sans courage ni volonté politique, aucun chemin de fond ne peut être emprunté. Surtout avec notre mode de scrutin majoritaire. La dissolution de juin 2024 nous l’a montré. L’avenir est la proportionnelle ! Mais, quelle proportionnelle ? Celles et ceux qui en décideront verront-ils encore leur propre intérêt ou, pour une rare fois, celui du pays ?
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