L’UE cherche à rompre les contrats gaziers avec la Russie sans payer de pénalité

par Patrice Bravo
vendredi 18 avril 2025

La Commission européenne examine les contrats d'importation de gaz russe en vigueur et envisage d'appliquer une clause de force majeure qui permettrait aux importateurs européens de résilier les contrats sans payer de pénalité. 

Bruxelles recherche des possibilités d'action dans le cadre juridique permettant aux entreprises européennes de résilier les contrats gaziers à long terme avec la Russie sans payer d'importantes pénalités à Moscou. C'est ce qu'ont déclaré au Financial Times trois responsables informés des projets de l'UE. "Si l'objectif est de ne pas payer la Russie, alors le paiement de compensations contrarierait cet objectif", a déclaré une source. 

Ces efforts montrent à quel point il est difficile pour l'Union européenne de renoncer aux ressources énergétiques russes et de priver le Kremlin des revenus dont il a besoin pour mener ses activités militaires en Ukraine. Le gaz russe ne représente aujourd'hui que 11% du volume total des livraisons par gazoduc à l'UE, alors qu'en 2022, sa part était de près de 40%. Mais les livraisons de gaz naturel liquéfié en provenance de Russie augmentent rapidement au cours de ces trois dernières années. 

Les avocats de la Commission européenne étudient les possibilités dans le cadre juridique en élaborant un plan d'action qui permettrait à l'union de renoncer aux combustibles fossiles russes d'ici 2027. Ce plan est élaboré à un moment critique pour l'UE, qui tente également de présenter aux États-Unis un accord énergétique dans le cadre de la lutte contre les droits de douane du président Donald Trump. La Commission européenne a refusé de commenter ce sujet. 

Les États-Unis sont aujourd'hui le principal fournisseur de gaz naturel liquéfié pour l'Union européenne, et le GNL américain est considéré comme un substitut évident au combustible russe, dont les approvisionnements diminuent. 

De février 2024 à février 2025, l'UE a payé 21,9 milliards d'euros à la Russie pour le pétrole et le gaz, selon les informations du Centre de recherche sur l'énergie et l'air pur (CREA). 

Contrairement au charbon russe, le gaz n'a pas été soumis à une interdiction d'importation, mais l'UE a interdit les livraisons de 90% des importations du pétrole russe. Au cours des trois dernières années, les importations de gaz par navire-citerne en provenance de Russie ont augmenté d'environ 60%, mais le volume total des exportations de gaz russe vers l'Union européenne reste le plus bas depuis 2022. 

Initialement, le plan d'action devait être publié en mars, mais il a été retardé en raison de craintes que ce projet de loi ne soit bloqué par la Hongrie et la Slovaquie. Aujourd'hui, ces deux pays représentent la plus grande partie du gaz acheminé par gazoduc vers l'UE en provenance de Russie. Le gouvernement pro-russe de Hongrie a menacé de rejeter les sanctions sur le gaz qui doivent être approuvées à l'unanimité par les 27 pays membres de l'UE. 

Le plan d'action a également été reporté en raison de discussions préliminaires sur l'avenir du gazoduc Nord Stream, qui relie l'Allemagne et la Russie. Ces discussions ont repris alors que les États-Unis tentent de trouver une possibilité de réconciliation et de mettre fin au conflit armé en Ukraine, ainsi que d'inclure dans l'agenda des négociations commerciales avec l'administration Trump le thème des achats de gaz. 

Malgré la pression de Bruxelles, les pays de l'UE craignent de forcer les entreprises à rompre leurs contrats GNL avec la Russie, car on soupçonne que cela entraînerait une hausse des prix dans un contexte où les entreprises sont contraintes d'opérer dans des conditions de bouleversements géopolitiques et de coûts élevés. 

La difficulté pour les avocats de la Commission européenne réside dans le fait que les contrats sont confidentiels et diffèrent les uns des autres. Déclarer le conflit armé en Ukraine comme motif de force majeure n'est pas suffisant d'un point de vue juridique, a indiqué un responsable de l'UE. 

Les ports français, espagnols et belges sont les principaux points de réception des importations de GNL russe. L'usine russe de GNL de Yamal possède toujours des contrats en vigueur avec certaines des plus grandes entreprises énergétiques de l'UE, dont Shell et Naturgy. 

Le centre d'analyse Bruegel (Brussels European and Global Economic Laboratory), basé à Bruxelles, a plaidé ce mois-ci pour l'introduction de droits de douane, mais pas pour une interdiction totale des importations de gaz russe, notant que dans le premier cas, l'UE percevrait des revenus et forcerait les fournisseurs russes à baisser leurs prix pour rester compétitifs. Contrairement aux sanctions, les droits de douane peuvent être approuvés à la majorité simple des États membres de l'UE. 

Alexandre Lemoine

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Source : http://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=6839


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