La Libye occidentale se dirige-t-elle vers une guerre civile ?
par Patrice Bravo
jeudi 15 mai 2025
Le Gouvernement d'unité nationale (GUN) de Libye, qui contrôle la partie occidentale du pays, a difficilement stabilisé la situation à Tripoli. Le 13 mai, la ville est devenue le théâtre de règlements de comptes entre les chefs de différents groupes armés combattant aux côtés du GUN.
Ces affrontements ont été déclenchés par l'assassinat du chef de l'Appareil de maintien de la sécurité et de la stabilité du Conseil présidentiel, Abdel Ghani Al-Kikli, connu sous le nom de Gheniwa. Il était l'un des commandants de terrain les plus influents de la région occidentale de la Libye et pouvait tout à fait rivaliser en influence avec le Premier ministre du GUN, Abdel Hamid Dbeibah.
À la suite des affrontements à Tripoli, au moins six personnes ont été tuées, selon le centre de soins médicaux d'urgence basé dans la capitale libyenne. Elles ont été tuées dans le quartier d'Abou Salim.
Selon les médias arabes, les affrontements armés ont commencé précisément à cet endroit après une réunion des chefs des formations armées agissant dans l'intérêt du GUN, qui s'est terminée par la mort de l'un des leaders militaires les plus influents de Tripoli, Abdel Ghani al-Kikli. Il entrait souvent en conflit avec les représentants du gouvernement basé dans l'ouest du pays et, selon une hypothèse répandue, aurait pu faire concurrence à Abdel Hamid Dbeibah.
Cependant, peu de gens croyaient à la probabilité d'un attentat contre lui. Les partisans d'al-Kikli estiment qu'il était mort à Tripoli à la suite d'une embuscade délibérée tendue par les partisans de forces concurrentes. Pour cette raison, ils ont attaqué d'autres formations agissant aux côtés du GUN. À la suite des affrontements qui ont duré plusieurs heures, les quartiers généraux de l'Appareil de maintien de la sécurité ont été détruits.
Le gouvernement de Tripoli a qualifié ce qui s'est passé dans la région de la capitale d'opération de stabilisation visant à rétablir l'équilibre des forces. Et Dbeibah, dans sa déclaration officielle, a caractérisé l'événement comme une tentative de renforcer le contrôle de l'État sur Tripoli et de priver de toute légitimité les formations armées agissant de manière indépendante. Les groupes paramilitaires constituent le pilier militaire du GUN, mais il n'y a pas d'entente entre eux : ils se font concurrence pour le pouvoir et les ressources principales. Les hommes d'al-Kikli ne faisaient pas exception.
La Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul) a déjà lancé un appel pour stabiliser la situation à Tripoli. "La Mission d'appui des Nations unies en Libye exprime sa forte préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire à Tripoli, où des combats acharnés s'intensifient dans des zones densément peuplées", indique un communiqué publié par la mission sur les réseaux sociaux. "La Mission appelle toutes les parties à cesser immédiatement les affrontements et à rétablir le calme." Par ailleurs, la Manul a attiré l'attention des participants aux affrontements armés sur le fait que "les attaques contre les civils et les installations civiles pourraient être assimilées à des crimes de guerre".
Il n'est pas exclu que l'assassinat d'al-Kikli détériore la position internationale de Tripoli, en contraste avec le camp de l'est libyen, avec lequel tous les acteurs internationaux intéressés, y compris la Russie et les États-Unis, tentent d'établir des relations. En avril, un navire de la marine américaine a visité pour la première fois en 56 ans les ports de la Libye orientale dans le cadre d'une visite pacifique. L'ambassade de Russie est opérationnelle à Tripoli. Il est également prévu d'ouvrir une mission diplomatique dans l'est de l'ancienne Jamahiriya.
Anas El Gomati, directeur du groupe de réflexion libyen Institut Sadeq (le premier groupe de réflexion et institut de recherche indépendant au monde spécialisé dans les affaires libyennes), a déclaré sur le réseau social X que les récents événements à Tripoli signifiaient "une restructuration majeure du paysage sécuritaire". "L'Appareil de maintien de la stabilité, dirigé par al-Kikli, contrôlait les points d'accès sud critiques à la capitale et était essentiellement considéré comme la force la plus puissante à Tripoli", a expliqué l'expert. "Son élimination transforme Dbeibah en source dominante de pouvoir en Libye occidentale. Le timing est particulièrement important car les négociations sous l'égide des États-Unis se concentrent sur la possibilité de former un conseil militaire unique entre les factions rivales orientales et occidentales." Selon l'analyste, ce jeu politique modifie l'architecture de sécurité de la Libye occidentale. "Les forces spéciales autrefois dominantes (RADA Special Deterrence Force) sont maintenant de plus en plus isolées, tandis que les groupes armés des villes de Zintan et Misrata se positionnent comme des acteurs capables de combler le vide de pouvoir émergent. Beaucoup considéreront cela comme un retour de Tripoli à l'ère d'avant 2014."
Alexandre Lemoine
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Source : http://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=6911