Pas de mariage forcé, laïcité spontanée au Lycée

par C BARRATIER
mercredi 14 mai 2025

Je dirigeais le lycée Lumière, à Lyon, qui recrutait ses élèves sur St Priest, Vénissieux et plus au sud jusqu’à Givors. Beaucoup venaient de notre huitième arrondissement.

 

Un matin, à l’heure de la récréation, une élève se présenta à mon bureau pour me demander de l’aide. Ses parents voulaient la marier en Algérie, avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Je lui demandai de me téléphoner si cela se précisait et que de toute manière, dès sa première heure de cours, si elle était absente, c’est moi qui l’appellerais chez elle. Elle était à deux mois de son bac de français. J’organisai le soir même une réunion confidentielle de ses professeurs et des délégués élèves de sa classe en leur demandant de m’alerter.

 

Un matin, j’eus successivement la visite d’un professeur, puis des deux délégués élèves. La jeune fille était absente. Je téléphonai chez elle et sa mère me déclara qu’elle était malade. Je lui demandai de me passer sa fille, à qui je dis de se soigner mais sans s’inquiéter :

- « S’agissant de votre scolarité, je m’occupe de tout ».

 

J’ai su ensuite que sa mère s’était inquiétée de ce que je voulais dire.

J’appelai les services du Procureur de la République, en demandant à être rappelé avant midi. Devant leur silence je rappelai à 14 heures et j’appelai également le ministère de l’Intérieur.

 J’eus enfin un appel du commissariat de Grigny à 17 heures Ils m’informaient qu’ils avaient récupéré la jeune fille, en pyjama et blessée, et me demandaient de venir la chercher car le commissariat fermait à 18 heures.

Logé au lycée, je demandai à mon épouse dans l'appartement situé au dessus de mon bureau, de m’accompagner.

 Quand nous avons rejoint le commissariat, Messaouda nous apprit que les billets d’avion avaient été pris pour le lendemain. Enfermée à clef dans sa chambre, elle avait sauté par la fenêtre (un demi-étage), s’était blessée à la cheville, avait été rattrapée par ses frères et enfermée à nouveau. La police me demanda de l’emmener. Rentrés sans encombre au lycée, mon épouse donna des vêtements à la malheureuse qui dîna avec nous.

 J’accompagnai notre nouvelle pensionnaire à l’infirmerie où Madame Pornet prit grand soin d’elle, et j’allai informer les filles pensionnaires de sa classe. Elle fut donc admise à l’internat, habillée par des élèves. Ses professeurs lui fournirent des photocopies de leurs cours, le lycée l’équipa. Il faut souligner que le lycée scolarise des enfants de toutes religions ou philosophies. Et l’aide fut unanime. Bel exemple de laïcité vécue « naturellement ».

Chaque week-end, elle partait dans une famille d’accueil bénévole.

 

Les élèves que je voyais arriver chaque matin manifestaient à mon égard une reconnaissance respectueuse ; les poignées de main des professeurs étaient chaleureuses. Un climat général de confiance.

C’était l’époque des « TUC » qui permettaient de payer à mi-temps, au SMIC, par l’État, des jeunes en recherche d' emploi. Pour qu’elle puisse payer sa pension et disposer d’argent de poche, notre élève eut des horaires de secrétariat en dehors de ses périodes de classe, et put ainsi apprendre à se servir d’un ordinateur… Elle y travailla tout le temps des petites vacances.

Combien de jeunes filles, alors, furent ainsi mariées à un inconnu ? La famille de Messaouda, d'origine algérienne, pourtant bien assimilée à la culture française, gardait la coutume algérienne en ignorant que née en France, leur fille était sous la protection de la loi française. Quant à ses frères, encore jeunes, ils étaient "algériens" de coutume, l'éducation familiale primait sur l'éducation reçue à l'école primaire.

Les enseignants d'aujourd'hui oseraient-ils aborder ce sujet du mariage libre ??

Chacun à notre place, nous pouvons faire évoluer cela, dans l'intérêt même des familles.

Le Lycée Lumière, avec ses élèves de familles athées, musulmanes, chrétiennes, juives, était exemplaire


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